La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/07/2016 | FRANCE | N°14DA00337

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 05 juillet 2016, 14DA00337


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Auto Plus a demandé au tribunal administratif d'Amiens la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et les pénalités correspondantes auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2005 au 30 septembre 2008.

Par un jugement n° 1102640 du 30 décembre 2013, le tribunal administratif d'Amiens a fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour :

Par un recours et un mémoire, enregistrés le 25 février 2014 et le 27 mai 2016, le ministre de l'

économie et des finances demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administrat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Auto Plus a demandé au tribunal administratif d'Amiens la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et les pénalités correspondantes auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2005 au 30 septembre 2008.

Par un jugement n° 1102640 du 30 décembre 2013, le tribunal administratif d'Amiens a fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour :

Par un recours et un mémoire, enregistrés le 25 février 2014 et le 27 mai 2016, le ministre de l'économie et des finances demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Amiens du 30 décembre 2013 ;

2°) de remettre à la charge de la SARL Auto Plus les impositions et pénalités en litige ;

Il soutient que :

- le tribunal s'est mépris sur l'activité de la SARL Auto Plus ;

- il a cité l'article L. 64 du livre des procédures fiscales dans une version qui n'était pas applicable au litige ;

- c'est à tort qu'il a considéré que le service avait retenu un abus de droit sans que la société contrôlée bénéficie des garanties attachées à cette qualification ;

- l'Etat ne devait pas supporter le paiement des frais non compris dans les dépens exposés en première instance par la société.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mai 2014, la SARL Auto Plus, représentée par la société d'avocats Antonini-A... et associés, conclut au rejet du recours et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration a irrégulièrement mis en oeuvre la procédure de l'abus de droit ;

- elle a irrégulièrement procédé à un contrôle inopiné ;

- elle ne lui a pas communiqué les documents obtenus auprès des tiers ;

- la proposition de rectification du 16 décembre 2011, relative à la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009 emporte dégrèvement d'une partie des impositions en litige ;

- les propositions de rectification du 16 décembre 2008 et du 23 mars 2009 sont insuffisamment motivées ;

- elle ne peut être qualifiée d'intermédiaire opaque à l'égard des fournisseurs européens ;

- lors d'un précédent contrôle, l'administration avait pris formellement position sur sa qualité d'intermédiaire transparent ;

- la taxe sur la valeur ajoutée calculée sur la marge est applicable à ses opérations d'intermédiaire ;

- l'application des pénalités pour manoeuvres frauduleuses n'est pas justifiée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laurent Domingo, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Marc Guyau, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la SARL Auto Plus.

1. Considérant que la SARL Auto Plus, qui a notamment déclaré exercer une activité d'intermédiaire agissant au nom et pour le compte d'autrui consistant à mettre des particuliers français, désireux d'acquérir des véhicules automobiles d'occasion, en relation avec des sociétés espagnoles proposant de tels véhicules à la vente, a fait l'objet d'une vérification de sa comptabilité, au terme de laquelle l'administration, par des propositions de rectification du 16 décembre 2008 et du 23 mars 2009, a remis en cause le caractère transparent de l'activité d'intermédiaire déclarée par cette société, estimant que celle-ci avait, en réalité, agi en son nom propre et qu'elle devait ainsi être regardée comme un intermédiaire opaque, assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée sur le montant total du prix auquel les véhicules fournis étaient vendus aux particuliers français ; qu'elle a, en conséquence, mis à sa charge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et les pénalités correspondantes au titre de la période du 1er janvier 2005 au 30 septembre 2008 ; que le ministre de l'économie et des finances relève appel du jugement du 30 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a déchargé la SARL Auto Plus de ces impositions et pénalités ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa version applicable à la proposition de rectification du 16 décembre 2008 : " Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : (...) c) Ou qui permettent d'éviter, en totalité ou en partie, le paiement des taxes sur le chiffre d'affaires correspondant aux opérations effectuées en exécution d'un contrat ou d'une convention " ; qu'aux termes du même article, dans sa version applicable à la proposition de rectification du 23 mars 2009 : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. / En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. / (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour retenir que la SARL Auto Plus ne s'était pas comportée, au cours de la période vérifiée, comme un intermédiaire transparent agissant au nom et pour le compte d'autrui, l'administration a estimé que, en dépit des termes des contrats de mandat conclus par la société avec ses clients français, qui donnaient pouvoir à celle-ci de rechercher, de commander, et d'effectuer au nom de ces derniers toutes les prestations nécessaires pour parvenir à l'achat et à l'importation du produit recherché, les conditions d'exploitation observées au cours des opérations de vérification de comptabilité et les éléments recueillis dans le cadre de l'assistance administrative internationale auprès des autorités fiscales belges et espagnoles avaient permis d'établir que la SARL Auto Plus n'apparaissait pas, tant à l'égard de ses fournisseurs de véhicules de l'Union européenne que de ses clients, comme un mandataire transparent, mais que ces constatations et éléments d'information révélaient que cette société avait, en réalité, agi à leur égard en son nom propre, se comportant ainsi comme un intermédiaire opaque ; que, ce faisant, l'administration n'a pas écarté les contrats de mandat comme présentant un caractère fictif, ni même comme ayant été conclus dans le but exclusif d'éluder ou d'atténuer l'impôt, mais a seulement entendu donner à ces actes, compte tenu des faits portés à sa connaissance, une qualification différente de celle adoptée par le contribuable ; qu'il suit de là que le ministre est fondé à soutenir que, pour prononcer la décharge des impositions en litige, le tribunal administratif d'Amiens a estimé à tort que l'administration avait implicitement mais nécessairement invoqué un abus de droit et que, faute pour le vérificateur d'avoir avisé la SARL Auto Plus de ce qu'elle avait la possibilité de saisir le comité consultatif pour la répression des abus de droit, ces impositions avait été établies à l'issue d'une procédure irrégulière ;

4. Considérant qu'il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par la SARL Auto Plus devant le tribunal administratif d'Amiens et devant la cour ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande " ;

6. Considérant que l'administration a indiqué dans la proposition de rectification qu'elle a adressée à la société Auto Plus le 16 décembre 2008, pour interrompre la prescription courant contre l'année d'imposition 2005, qu'elle avait eu recours à des éléments d'information obtenus dans le cadre d'une procédure d'assistance administrative menée auprès des autorités fiscales espagnoles saisies le 12 décembre 2008 ; qu'il résulte toutefois des termes mêmes de la proposition de rectification adressée à la société le 23 mars 2009 relative à la période d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée du 1er janvier 2005 au 30 septembre 2008 que le service avait également saisi, le 23 février 2009, les autorités fiscales belges d'une demande d'assistance administrative ; que les éléments de réponse des autorités belges, dont le vérificateur relève au demeurant qu'elles sont de nature à conforter ses constatations et qu'il les tient à la disposition du contribuable, sont parvenus à l'administration le 7 mai 2009, ainsi qu'il ressort des mentions figurant dans la réponse aux observations du contribuable adressée à la société Auto Plus le 5 juin 2009 ; que si, à la suite de la demande formulée par cette société le 2 juillet 2009, l'administration a bien communiqué, le 20 juillet 2009, les éléments d'information obtenues des autorités espagnoles, elle n'a pas, en revanche, adressé à la société Auto-Plus les éléments d'information obtenus des autorités fiscales belges ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la procédure d'imposition a été conduite en méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être accueilli ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie et des finances n'est pas fondé à se plaindre que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et les pénalités correspondantes auxquels la SARL Auto Plus a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2005 au 30 septembre 2008 ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la SARL Auto Plus et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours du ministre de l'économie et des finances est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la SARL Auto Plus une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des finances et des comptes publics et à la société Auto Plus.

Copie sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 21 juin 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Michel Hoffmann, président de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- M. Laurent Domingo, premier conseiller.

Lu en audience publique le 5 juillet 2016.

Le rapporteur,

Signé : L. DOMINGOLe président de chambre,

Signé : M. B...

Le greffier,

Signé : M. T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Marie-Thérèse Lévèque

''

''

''

''

2

N°14DA00337


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14DA00337
Date de la décision : 05/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-01-01 Contributions et taxes. Généralités. Règles générales d'établissement de l'impôt. Contrôle fiscal. Droit de communication.


Composition du Tribunal
Président : M. Hoffmann
Rapporteur ?: M. Laurent Domingo
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS ANTONINI-HANSER et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-07-05;14da00337 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award