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23/06/2016 | FRANCE | N°16DA00088

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre - formation à 3, 23 juin 2016, 16DA00088


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le centre hospitalier de Saint-Omer a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 19 juillet 2011 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) de Nord-Pas-de-Calais lui a infligé une sanction financière d'un montant de 100 000 euros.

Par un jugement n° 1106533 du 21 mai 2013, le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision.

Par un arrêt n° 13DA01317 du 12 novembre 2014, la cour administrative d'appel de D

ouai a rejeté l'appel formé par le ministre des affaires sociales et de la santé contre ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le centre hospitalier de Saint-Omer a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 19 juillet 2011 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) de Nord-Pas-de-Calais lui a infligé une sanction financière d'un montant de 100 000 euros.

Par un jugement n° 1106533 du 21 mai 2013, le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision.

Par un arrêt n° 13DA01317 du 12 novembre 2014, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par le ministre des affaires sociales et de la santé contre ce jugement du tribunal administratif de Lille.

Par une décision n° 387213 du 30 décembre 2015, le Conseil d'Etat a cassé cet arrêt au motif que la cour avait commis une erreur de droit en jugeant que la décision précitée du 19 juillet 2011 n'était pas suffisamment motivée et a renvoyé l'affaire à la cour.

Procédure devant la cour :

Par un recours, enregistré le 1er août 2013 et un mémoire enregistré le 7 juin 2016, le ministre des affaires sociales et de la santé demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1106533 du 21 mai 2013 du tribunal administratif de Lille ;

2°) de rejeter la demande présentée par le centre hospitalier de Saint-Omer devant le tribunal administratif de Lille ;

Il soutient que :

- la sanction en litige est suffisamment motivée ;

- les autres moyens soulevés en première instance par le centre hospitalier de Saint-Omer ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 17 septembre 2014 et le 15 avril 2016, le centre hospitalier de Saint-Omer, représenté par Me B...A..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision d'engager une procédure de sanction et la sanction en litige ne sont pas suffisamment motivées ;

- le rapport de contrôle, qui n'est pas daté, ne lui a pas été adressé ;

- la décision de sanction n'a pas été notifiée dans le délai d'un mois ;

- les erreurs de facturation constatées ne sont pas toutes établies et ne résultent pas d'un manquement délibéré ou d'un comportement fautif ;

- le calcul de la sanction est erroné ;

- la sanction prononcée est disproportionnée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Domingo, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Pestka, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant le centre hospitalier de Saint-Omer.

Sur la légalité de la décision du 19 juillet 2011 :

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale : " Les établissements de santé sont passibles, après qu'ils ont été mis en demeure de présenter leurs observations, d'une sanction financière en cas de manquement aux règles de facturation fixées en application des dispositions de l'article L. 162-22-6, d'erreur de codage ou d'absence de réalisation d'une prestation facturée / Cette sanction est prise par le directeur général de l'agence régionale de santé, à la suite d'un contrôle réalisé sur pièces et sur place par les médecins inspecteurs de santé publique, les inspecteurs de l'agence régionale de santé ayant la qualité de médecin ou les praticiens-conseils des organismes d'assurance maladie en application du programme de contrôle régional établi par l'agence. Le directeur général de l'agence prononce la sanction après avis d'une commission de contrôle composée à parité de représentants de l'agence et de représentants des organismes d'assurance maladie et du contrôle médical. La motivation de la sanction indique, si tel est le cas, les raisons pour lesquelles le directeur général n'a pas suivi l'avis de la commission de contrôle. La sanction est notifiée à l'établissement / Son montant est fonction du pourcentage des sommes indûment perçues par rapport aux sommes dues et du caractère réitéré des manquements. Il est calculé sur la base des recettes annuelles d'assurance maladie de l'établissement ou, si le contrôle porte sur une activité, une prestation en particulier ou des séjours présentant des caractéristiques communes, sur la base des recettes annuelles d'assurance maladie afférentes à cette activité, cette prestation ou ces séjours, dans la limite de 5 % des recettes annuelles d'assurance maladie de l'établissement (...) " ;

2. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'une sanction financière prononcée sur le fondement de l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale doit être motivée ; que, pour satisfaire à cette exigence, le directeur général de l'agence régionale de santé doit indiquer, soit dans sa décision elle-même, soit par référence à un document joint ou précédemment adressé à l'établissement de santé, outre les dispositions en application desquelles la sanction est prise, les considérations de fait et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde pour décider de son principe et en fixer le montant ; que, si le directeur de l'agence régionale de santé décide de moduler la sanction à la baisse par rapport au montant initialement envisagé, il lui appartient d'énoncer les motifs justifiant cette modulation ;

3. Considérant que si la décision attaquée ne mentionne pas les dispositions applicables du code de la sécurité sociale qui ont conduit au prononcé de la sanction en litige, elle se réfère néanmoins au courrier du 21 décembre 2010 par lequel le directeur de l'agence régionale de santé de Nord-Pas-de-Calais informait le centre hospitalier de Saint-Omer de sa décision d'engager une procédure de sanction à l'encontre de cet établissement et qui comportait notamment la mention de l'article L. 162-22-18 précité du code de la sécurité sociale ; que ce même courrier du 21 décembre 2010 précisait aussi les activités pour lesquelles il a été reproché au centre hospitalier une méconnaissance des règles de codage et de facturation, ainsi que les sanctions financières encourues, soit 967 848 euros pour les séjours classés dans les groupes homogènes de malades (GHM) avec complications ou morbidités associés et 588 320 euros pour les séjours de moins de deux jours sans acte opératoire ; qu'il comportait en outre, en annexe, des tableaux indiquant, pour chaque dossier de l'échantillon examiné lors des opérations de contrôle, les anomalies constatées et les données financières permettant de calculer la sanction envisagée ; que le centre hospitalier de Saint-Omer, qui avait été par ailleurs destinataire du rapport de synthèse du contrôle effectué sur place entre le 14 et le 18 septembre 2009, était ainsi informé des faits sur lesquels le directeur de l'agence régionale de santé de Nord-Pas-de-Calais, qui n'a retenu, dans sa décision du 19 juillet 2011, que les seuls manquements relatifs aux séjours classés dans les GHM avec complications ou morbidités associés, s'est fondé pour prononcer la sanction contestée ; que le directeur s'étant, dans cette décision du 19 juillet 2011, approprié les termes de l'avis rendu le 15 juin 2011 par la commission de contrôle n'était ainsi pas tenu de joindre cet avis à sa décision, alors même que celui-ci n'aurait pas été préalablement notifié au centre hospitalier ; qu'en outre, le directeur de l'agence a mentionné dans sa décision les motifs, tirés de ce que le centre hospitalier de Saint-Omer n'avait pas déjà fait l'objet d'un contrôle de l'activité donnant lieu à sanction et avait, après les opérations de contrôle, mis en oeuvre des mesures correctives, au regard desquels il a décidé de minorer la sanction et de la ramener à 100 000 euros, au lieu des 967 848 euros initialement notifiés pour les séjours classés dans les GHM avec complications ou morbidités associés ; que, dans ces conditions, eu égard à ses termes et aux documents précédemment adressés au centre hospitalier de Saint-Omer, la décision du 19 juillet 2011 satisfait à l'exigence de motivation rappelée au point 2 ; que, dès lors, le ministre des affaires sociales et de la santé est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé, pour ce motif, la décision du 19 juillet 2011 ;

4. Considérant qu'il appartient toutefois à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur les autres moyens développés par le centre hospitalier de Saint-Omer devant le tribunal administratif et la cour ;

En ce qui concerne la procédure :

5. Considérant qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article R. 162-42-10 du code de la sécurité sociale, dans sa version alors applicable : " A l'issue du contrôle, les personnes chargées du contrôle communiquent à l'établissement de santé par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, un rapport qu'elles datent et signent mentionnant la période, l'objet, la durée et les résultats du contrôle et, le cas échéant, la méconnaissance par l'établissement de santé des obligations définies à l'alinéa précédent " ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des écritures du centre hospitalier de Saint-Omer, que cet établissement a reçu communication, à l'issue des opérations de contrôle effectuées sur place entre le 14 et le 18 septembre 2009, du rapport de synthèse rédigé par les médecins chargés de ce contrôle ; que la circonstance que ce rapport n'a pas été daté est sans incidence sur la régularité de la procédure de contrôle, dès lors qu'elle n'a pas privé, en l'espèce, le centre hospitalier de Saint-Omer d'une garantie ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article R. 162-42-13 du code de la sécurité sociale : " La sanction envisagée et les motifs la justifiant sont notifiés à l'établissement par tout moyen permettant de déterminer la date de réception. L'établissement dispose d'un délai d'un mois pour présenter ses observations. Au terme de ce délai, le directeur général sollicite l'avis de la commission de contrôle, notamment sur le montant de la sanction. Il prononce la sanction, la notifie à l'établissement dans un délai d'un mois par tout moyen permettant de déterminer la date de réception en indiquant à l'établissement le délai et les modalités de paiement des sommes en cause ainsi que, le cas échéant, les raisons pour lesquelles il n'a pas suivi l'avis de la commission de contrôle (...) " ;

8. Considérant que la décision du 19 juillet 2011 a été réceptionnée le 22 juillet 2011 par le centre hospitalier de Saint-Omer ; que le délai d'un mois prévu par les dispositions précitées de l'article R. 162-42-13 du code de la sécurité sociale, au terme duquel le directeur général de l'agence régionale de santé doit notifier la sanction qu'il a prise, a ainsi, et en tout état de cause, été respecté ;

En ce qui concerne le bien-fondé de la sanction :

9. Considérant que la sanction a été prise à l'issue d'un contrôle réalisé sur pièces et sur place dont a fait l'objet le centre hospitalier de Saint-Omer entre le 14 et le 18 septembre 2009, portant notamment sur des séjours classés dans les GHM avec complications ou morbidités associés, compris entre le 1er janvier et le 31 décembre 2008 ; que ce contrôle a fait apparaître que l'établissement avait commis des erreurs de facturation ; que les manquements relevés ont été renseignés avec précision, pour chacun des dossiers examinés, au cours de la procédure de contrôle, notamment dans le rapport de synthèse, et au cours de la procédure de sanction, notamment dans le courrier du 21 décembre 2010 ; qu'en produisant l'ensemble de ces éléments circonstanciés, le ministre justifie de la réalité des manquements sur lesquels s'est fondé le directeur de l'agence régionale de santé pour prendre la sanction en litige ; que pour contester l'existence de ces manquements, le centre hospitalier de Saint-Omer fait seulement valoir, sans apporter de précisions, que des divergences d'analyse persistent sur certaines cotations ; qu'ainsi, au vu des éléments versés au dossier par les parties, la matérialité de l'ensemble des manquements reprochés au centre hospitalier de Saint-Omer doit être regardée comme établie ;

10. Considérant que l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale ne subordonne pas le prononcé des sanctions qu'il prévoit à la condition que les manquements des établissements revêtent un caractère intentionnel ; que le directeur général de l'agence régionale de santé de Nord-Pas-de-Calais pouvait ainsi prendre la sanction en litige, alors même que les manquements reprochés au centre hospitalier de Saint-Omer seraient dépourvus de caractère intentionnel ;

11. Considérant qu'en fixant à 100 000 euros, au lieu de 967 848 euros, lesquels ont régulièrement été calculés sur la base des recettes annuelles d'assurance maladie de l'année antérieure au contrôle, le montant de la sanction des manquements aux règles de facturation pour les séjours classés dans les GHM avec complications ou morbidités associés au titre de l'année 2008, le directeur de l'agence régionale de santé de Nord-Pas-de-Calais n'a pas, compte tenu, d'une part, de la gravité des manquements constatés et, d'autre part, de la circonstance que le centre hospitalier de Saint-Omer n'avait pas déjà fait l'objet d'un contrôle de l'activité donnant lieu à sanction et avait, après les opérations de contrôle, mis en oeuvre des mesures correctives, prononcé une sanction disproportionnée ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre des affaires sociales et de la santé est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 19 juillet 2011 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé de Nord-Pas-de-Calais a infligé une sanction au centre hospitalier de Saint-Omer ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse au centre hospitalier de Saint-Omer la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 21 mai 2013 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande présentée par le centre hospitalier de Saint-Omer devant le tribunal administratif de Lille et ses conclusions présentées devant la cour sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des affaires sociales et de la santé et au centre hospitalier de Saint-Omer.

Copie sera adressée au directeur de l'agence régionale de santé de Nord/Pas-de-Calais/Picardie.

Délibéré après l'audience publique du 9 juin 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- M. Laurent Domingo, premier conseiller.

Lu en audience publique le 23 juin 2016.

Le rapporteur,

Signé : L. DOMINGOLe président de chambre,

Signé : P.-L. ALBERTINI

Le greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Isabelle Genot

2

N°16DA00088


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA00088
Date de la décision : 23/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - Forme et procédure - Questions générales - Motivation - Motivation suffisante - Existence.

Santé publique - Établissements publics de santé - Fonctionnement - Financement.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Laurent Domingo
Rapporteur public ?: Mme Pestka
Avocat(s) : SHBK AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-06-23;16da00088 ?
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