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23/06/2016 | FRANCE | N°14DA01340

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 23 juin 2016, 14DA01340


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme Allianz IARD et la commune de Tourcoing, son assurée, ont demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la société GTB à leur verser respectivement les sommes de 160 585 euros et de 399 805,91 euros à titre de réparation des préjudices résultant des sinistres ayant affecté l'église Notre Dame des Anges à Tourcoing (Nord) et à prendre à sa charge les frais et honoraires de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 40 241,79 euros.

Par un jugement n° 1105220

du 3 juin 2014, le tribunal administratif de Lille, faisant partiellement droit à cette...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme Allianz IARD et la commune de Tourcoing, son assurée, ont demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la société GTB à leur verser respectivement les sommes de 160 585 euros et de 399 805,91 euros à titre de réparation des préjudices résultant des sinistres ayant affecté l'église Notre Dame des Anges à Tourcoing (Nord) et à prendre à sa charge les frais et honoraires de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 40 241,79 euros.

Par un jugement n° 1105220 du 3 juin 2014, le tribunal administratif de Lille, faisant partiellement droit à cette demande, a condamné la société GTB, d'une part, à verser une somme de 144 561,20 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 9 septembre 2011, les intérêts échus au 23 octobre 2013 étant capitalisés pour former eux-mêmes intérêts, à la société Allianz IARD, à titre de remboursement de ses débours, d'autre part, à verser à la commune de Tourcoing une somme de 361 178,62 euros à titre de réparation de ses préjudices non couverts par son assureur, enfin, les frais et honoraires de l'expertise.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 juillet 2014, la société GTB et M. E...G..., son liquidateur amiable, représentés par Me B...D..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 3 juin 2014 ;

2°) à titre principal, de rejeter la demande présentée par la société Allianz IARD et la commune de Tourcoing devant ce tribunal ;

3°) à titre subsidiaire, de ramener les sommes demandées à de plus justes proportions et de condamner la commune de Tourcoing, prise en sa qualité de maître d'oeuvre, ainsi que le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Nord à les garantir des condamnations qui seraient maintenues à l'encontre de la société GTB ;

4°) de mettre à la charge de la société Allianz IARD, de la commune de Tourcoing et du SDIS du Nord, chacun, une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la demande présentée par la société Allianz IARD et par la commune de Tourcoing devant le tribunal administratif de Lille était irrecevable, dès lors que la réception des travaux sans réserve et la notification par la commune, maître d'ouvrage, du décompte général et définitif du marché en cause, faisaient obstacle à ce qu'elles puissent obtenir le paiement de sommes supplémentaires sur le fondement contractuel ;

- cette demande n'était pas fondée, dès lors que la responsabilité de la société GTB n'est susceptible d'être retenue à raison des conséquences dommageables d'aucun des deux sinistres invoqués ;

- les chefs de réclamation invoqués par la société Allianz IARD et par la commune de Tourcoing sont, pour les raisons exposés dans le dire adressé à l'expert le 3 avril 2009, excessifs ; en particulier, le préjudice lié à la perte de valeur des vitraux ne saurait être indemnisé ;

- les premiers juges ont fait une insuffisante appréciation de la part de responsabilité susceptible d'être mise à la charge de la commune de Tourcoing, qui était à la fois maître d'ouvrage et maître d'oeuvre des travaux en cause ;

- le SDIS du Nord a commis une faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard du maître d'ouvrage.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 30 septembre 2014 et le 23 mai 2016, la société anonyme Allianz IARD et la commune de Tourcoing, représentées par Me F...H..., concluent au rejet de la requête, par la voie de l'appel incident, à la mise hors de cause de la commune de Tourcoing et à la condamnation de la société GTB et de son liquidateur à verser, à la commune de Tourcoing, une somme de 355 621,91 euros et, à la société Allianz IARD, une somme de 191 889 euros, enfin, à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société GTB et de son liquidateur au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- leur demande était recevable, alors en particulier que le décompte général et définitif du marché en cause n'a pas été contradictoirement établi ;

- le tribunal administratif de Lille a retenu à bon droit que la société GTB avait commis des fautes dans l'exécution de ses obligations contractuelles de nature à engager sa responsabilité à leur égard à raison des conséquences dommageables de chacun des deux sinistres en cause ;

- le cas échéant, la responsabilité quasi-délictuelle de cette société se trouve engagée ;

- le maître d'oeuvre n'a commis, quant à lui, aucune faute ;

- les préjudices subis par elles ont été justement appréciés par le tribunal administratif ;

- toutefois, il appartiendra à la cour de tenir compte de ce que la société Allianz IARD a indemnisé la commune de Tourcoing à concurrence d'une somme supplémentaire de 31 304 euros, ce qui porte ses débours à la somme de 191 889 euros ;

- en revanche, le tribunal administratif a estimé à tort que la responsabilité du maître d'ouvrage était engagée, alors qu'aucune faute n'est susceptible d'être retenue à l'encontre de celui-ci.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2016, le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Nord, représenté par Me A...C..., conclut au rejet de la requête, en tant qu'elle est dirigée à son encontre, à la confirmation, en ce qu'il le concerne, du jugement attaqué et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société GTB au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucune faute n'est susceptible d'être retenue à son encontre à raison des deux sinistres ayant, en conséquence d'évènements indépendants, successivement affecté l'édifice en cause.

Par un mémoire, enregistré le 23 mai 2016, la société anonyme SMA, représentée par Me B...D..., venant aux droits de la société SAGENA, conclut à la condamnation de la société anonyme Allianz IARD et la commune de Tourcoing à lui verser une somme de 556 686,89 euros, correspondant à la somme qu'elle a versée à la société GTB, son assurée, en exécution du jugement dont appel et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la SA Allianz IARD et de la commune de Tourcoing au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- elle justifie, par la production d'une quittance subrogatoire établie le 25 avril 2016, être subrogée dans les droits de la société GTB à concurrence de la somme demandée ;

- elle s'associe aux moyens soulevés par la société GTB et M.G..., son liquidateur amiable.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions pécuniaires de la société Allianz IARD, en tant qu'elles excèdent la somme demandée en première instance.

Une réponse à cette communication a été enregistrée le 24 mai 2016, produite pour la société Allianz IARD et la commune de Tourcoing.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Maryse Pestka, rapporteur public,

- et les observations de Me B...D..., représentant la Société GTB, M. G...et la SA SMA, de Me F...H..., représentant la société Allianz IARD et la commune de Tourcoing, et de Me A...C..., représentant le SDIS du Nord.

1. Considérant que, par un acte d'engagement conclu le 18 novembre 2005, la commune de Tourcoing (Nord) a confié à la société GTB des travaux de réfection de la couverture de l'église Notre Dame des Anges ; que la commune, propriétaire de l'édifice et maître d'ouvrage de ces travaux, a assuré elle-même la maîtrise d'oeuvre de ceux-ci ; que, le 29 mai 2006, vers dix-sept heures trente, un départ d'incendie a été constaté au niveau de la toiture et a été rapidement circonscrit par les effectifs du service d'incendie et de secours du Nord dépêchés sur place ; que, toutefois, en dépit d'une dernière ronde de surveillance effectuée vers vingt-et-une heures par une équipe de sapeurs-pompiers, un nouvel incendie a été signalé au service dès le lendemain, vers trois heures du matin, à l'occasion duquel une bouteille de propane destinée à alimenter un chalumeau et laissée sur la toiture de l'église a fait explosion ; que ce second sinistre a occasionné d'importants dégâts, plusieurs vitraux classés à l'inventaire des monuments historiques ayant notamment été détruits ; que la société GTB et M. E...G..., son liquidateur amiable, relèvent appel du jugement du 3 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Lille a condamné cette société, après expertise, d'une part, à verser une somme de 144 561,20 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 9 septembre 2011, les intérêts échus au 23 octobre 2013 étant capitalisés pour former eux-mêmes intérêts, à la société Allianz IARD, à titre de remboursement des sommes qu'elle a servies à la commune de Tourcoing, son assurée, à raison des conséquences dommageables de ces sinistres, d'autre part, à verser à la commune de Tourcoing une somme de 361 178,62 euros à titre de réparation de ses préjudices non couverts par son assureur, enfin, qu'il a mis à sa charge les frais et honoraires de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 40 241,79 euros ; qu'ils demandent, à titre principal, leur mise hors de cause, à titre subsidiaire, de ramener les sommes demandées à de plus justes proportions et de condamner la commune de Tourcoing, prise en sa qualité de maître d'oeuvre, ainsi que le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Nord à les garantir des condamnations qui seraient maintenues à l'encontre de la société GTB ; que la société anonyme SMA, venant aux droits de la société SAGENA, s'associe à cette requête et demande la condamnation de la société anonyme Allianz IARD et de la commune de Tourcoing à lui rembourser la somme de 556 686,89 euros, qu'elle a versée à la société GTB, son assurée, en exécution de ce jugement ; qu'enfin, la société Allianz IARD et la commune de Tourcoing relèvent appel incident de ce même jugement, en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à leur demande ;

Sur la recevabilité de la demande présentée par la société Allianz IARD et la commune de Tourcoing devant le tribunal administratif de Lille :

2. Considérant que, si la société GTB se prévaut de ce qu'elle a notifié, le 28 novembre 2007, à la commune de Tourcoing un document qu'elle a intitulé " Décompte général et définitif ", mais qui constituait, en réalité, son décompte final, cette circonstance était sans incidence sur la recevabilité de la demande introduite sur le fondement de la responsabilité contractuelle par la société Allianz IARD et par la commune de Tourcoing devant le tribunal administratif de Lille, dès lors qu'il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que la commune, maître d'ouvrage, aurait établi le décompte général et définitif du marché en cause, ce qui est d'ailleurs contesté en défense ; qu'enfin, dès lors qu'une réception sans réserves ne met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs qu'en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage, mais demeure sans effet sur les droits et obligations financiers nés de l'exécution du marché à raison de désordres provoqués par cette exécution mais n'affectant pas l'état des travaux achevés, la société GTB ne saurait utilement invoquer la circonstance que les travaux en cause ont fait l'objet d'une réception sans réserves le 8 septembre 2006 ; qu'il suit de là que la société GTB n'est pas fondée à soutenir que la demande présentée devant le tribunal administratif de Lille par la société Allianz IARD et la commune de Tourcoing était irrecevable ;

Sur la recevabilité des conclusions incidentes de la société Allianz IARD :

3. Considérant que, si la société Allianz IARD justifie en cause d'appel avoir versé, le 11 octobre 2013, à la commune de Tourcoing une somme supplémentaire de 31 304 euros au titre des deux sinistres en cause, elle n'a pas demandé aux premiers juges la condamnation de la société GTB à payer cette somme et ne fait état d'aucune circonstance qui aurait fait obstacle à ce qu'elle puisse se prévaloir de ce versement, sur la base de la quittance subrogatoire datée du 11 octobre 2013 qu'elle produit, devant le tribunal administratif de Lille avant la clôture de l'instruction, qui a été fixée au 26 février 2014 ; que, par suite, ses conclusions sont, en tant qu'elles portent sur cette somme supplémentaire, nouvelles en appel et doivent, dès lors, être rejetées ;

Sur les responsabilités :

4. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 2 que la responsabilité éventuellement encourue par la société GTB doit, par priorité, être appréciée sur le terrain contractuel, qui constitue le fondement invoqué à titre principal par la société Allianz IARD et la commune de Tourcoing ; que, dans ce cadre, la société GTB a vocation à répondre des conséquences dommageables des manquements aux règles de l'art et à ses obligations contractuelles qu'elle aurait commis à l'occasion de l'exécution des travaux qui lui ont été confiés et peut seulement s'exonérer de sa responsabilité en invoquant la faute du maître d'ouvrage, un cas de force majeure ou un cas fortuit ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise prescrite par le juge des référés que le premier sinistre ayant affecté la toiture de l'église Notre Dame des Anges, le 29 mai 2006, trouve son origine dans l'application à chaud, par des employés de la société GTB, d'un revêtement de Derbigum(r) sur celui existant, constitué de shingle fixé sur le voligeage ; que l'utilisation, pour ce faire, d'un chalumeau à gaz, sans prendre toutes les précautions propres à éviter un échauffement excessif des matériaux bitumeux existants et une inflammation des poussières, a permis à un feu couvant de prendre naissance, le volume d'air important présent sous la toiture et le voligeage en bois ayant favorisé son développement ; que, par suite, la société GTB, qui ne conteste pas sérieusement ces éléments et qui ne peut, dans ces conditions, utilement soutenir que ce sinistre a été constaté une demi-heure environ après le départ de ses ouvriers, n'est pas fondée, pas davantage que son liquidateur et son assureur, à soutenir que le tribunal administratif de Lille aurait retenu à tort que la responsabilité de cette société se trouvait engagée à raison des conséquences dommageables de celui-ci ;

6. Considérant que, si l'expert a, un temps, estimé que le second sinistre pouvait résulter d'une reprise de l'incendie précédent, il a, au terme d'une analyse minutieuse des indices collectés sur les lieux, ainsi que des témoignages recueillis par lui et des dires des parties, finalement privilégié l'hypothèse d'un acte de malveillance ; qu'en premier lieu, il ressort ainsi des conclusions de son rapport, d'une part, que le robinet équipant la bouteille de propane qui a explosé a été retrouvé partiellement ouvert parmi les éléments projetés par l'explosion, alors que les pompiers intervenus la veille à l'occasion du premier sinistre ont attesté en avoir pourtant vérifié la fermeture en déplaçant la bouteille de quelques mètres, d'autre part, que ni le pistolet que cette bouteille était destinée à alimenter, ni le flexible de liaison n'ont été emportés par l'explosion de celle-ci, ce qui permet de suspecter l'action d'un tiers ; qu'en deuxième lieu, les deux incendies n'ont pas présenté de continuité géomorphologique, alors en particulier que la bâche mise en place par les pompiers pour couvrir la portion de toiture découverte par le premier sinistre n'a pas été atteinte par le second ; qu'en troisième lieu, l'accès à la partie de toiture concernée par le chantier était possible par un échafaudage posé au niveau de la façade de l'église, située rue Nationale, et qui n'était pas clos par un dispositif empêchant de l'emprunter ; qu'en quatrième lieu, la ronde effectuée la veille à vingt-et-une heures n'a pas permis de déceler d'odeur, ni de lueur suspecte ; qu'en dernier lieu, le degré de combustion des bois des charpentes en partie basse du versant de la toiture est apparu trop important pour que ce second sinistre puisse être regardé comme l'oeuvre d'un simple feu couvant ; que cet acte de malveillance a été rendu possible, comme il vient d'être dit, en raison d'un manquement de la société GTB à l'obligation de clôture de son chantier, qui lui incombait en vertu de l'article 31.41 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, dans sa rédaction issue du décret du 21 janvier 1976, applicable au marché en cause ; que, par suite, la société GTB, son liquidateur et la SA SMA, son assureur, ne sont pas fondés à soutenir que le tribunal administratif de Lille aurait retenu à tort que la responsabilité de la société GTB se trouvait engagée à raison des conséquences dommageables de ce second sinistre ;

7. Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a retenu que la commune de Tourcoing, maître d'ouvrage, avait commis une faute de nature à exonérer la société GTB de 10 % de sa responsabilité à raison des conséquences dommageables du second sinistre, dès lors qu'elle avait omis d'informer cette dernière de la survenance du premier sinistre, de sorte que cette société n'a pas eu la possibilité d'ôter la bouteille de propane de la toiture ; que, toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 6 et que l'invoquent la société Allianz IARD et la commune de Tourcoing, les deux sinistres ayant successivement affecté l'édifice sont sans lien technique, la survenance du premier de ces sinistres n'impliquant pas nécessairement l'enlèvement de la bouteille de gaz ; que, par suite, l'absence d'information de son cocontractant par la commune de Tourcoing est, par elle-même, dépourvue d'incidence sur les dommages occasionnés ensuite à l'église en conséquence du second sinistre et ne peut ainsi être regardée comme présentant le caractère d'une faute de nature à exonérer la société GTB d'une partie de sa responsabilité ; qu'il ne résulte pas davantage de l'instruction que la commune de Tourcoing, prise en tant que maître d'oeuvre des travaux en cause, aurait commis une faute en ne procédant pas elle-même, à la suite du premier sinistre, à l'enlèvement de la bouteille de gaz, ou, en l'absence de défaillance manifeste de l'entreprise, en ne prenant pas elle-même des mesures conservatoires propres à assurer la clôture du chantier ; que, dès lors, la société Allianz IARD et la commune de Tourcoing sont fondées à soutenir que le tribunal administratif de Lille a fait une inexacte appréciation des responsabilités encourues en estimant qu'elles devaient, à raison de la faute commise par le maître d'ouvrage des travaux en cause, conserver à leur charge 10 % des conséquences dommageables de ce second sinistre ; qu'il y a lieu d'accueillir, dans cette mesure, leurs conclusions d'appel incident ;

8. Considérant, enfin, qu'il résulte des principes rappelés au point 3 qu'un entrepreneur ne saurait utilement invoquer le fait d'un tiers pour échapper à sa responsabilité contractuelle à l'égard du maître de l'ouvrage ; qu'il suit de là que la société GTB, son liquidateur et son assureur ne peuvent, en l'espèce, utilement soutenir que le SDIS du Nord aurait commis une faute susceptible d'avoir joué un rôle causal dans la survenance du second sinistre ; qu'en tout état de cause, les circonstances, d'une part, que les sapeurs-pompiers intervenus sur les lieux après le premier sinistre n'ont pas pris l'initiative d'ôter la bouteille de gaz laissée sur la toit de l'église en fin de journée par les ouvriers de la société GTB, mais qu'ils l'ont seulement éloignée de quelques mètres des lieux du premier sinistre, après avoir vérifié que celle-ci était froide et fermée, d'autre part, que l'équipe ayant effectué la ronde de surveillance le même soir, à vingt-et-une heures n'a pas davantage procédé à cet enlèvement ne révèlent pas, par elles-mêmes et eu égard à ce qui vient d'être rappelé au point précédent en ce qui concerne l'absence de lien entre les deux sinistres, une telle faute ; qu'il suit de là que la société GTB, son liquidateur et son assureur, la SA SMA, ne sont pas fondés à soutenir que le tribunal administratif de Lille aurait à tort mis hors de cause le SDIS du Nord ;

Sur la réparation :

9. Considérant que l'expert a évalué le préjudice subi par la commune de Tourcoing en conséquence du premier sinistre à la somme non contestée de 13 880 euros ;

10. Considérant que, si la société GTB, son liquidateur et son assureur contestent, en revanche, l'évaluation, à hauteur de la somme de 546 510,91 euros à laquelle s'est livrée l'expert des conséquences dommageables du second sinistre, ils se bornent à faire référence, sur ce point, à un dire que la société aurait adressé à l'expert le 3 avril 2009 et que ce dernier aurait omis de prendre en compte ; que, toutefois, dès lors qu'ils ne produisent pas davantage qu'en première instance ce dire, leur contestation ne peut qu'être écartée comme non assortie de précisions suffisantes pour permettre d'en apprécier le bien-fondé ; que, si la société GTB, son liquidateur et la SA SMA critiquent cependant expressément, dans son principe, le chef de préjudice invoqué par la commune de Tourcoing et son assureur, afférent à la perte d'authenticité des vitraux historiques, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert, que six verrières en haute nef, ainsi que deux grandes verrières basses et leurs deux panneaux ouvrants ont été totalement détruits par l'explosion survenue lors du second sinistre ; que deux autres verrières en haute nef ont, en conséquence de ce même sinistre, été partiellement détruites et que la verrière à scène en façade occidentale a été endommagée ; que les vitraux de bas côté détruits, constitués d'un décor simple, portaient la signature de Joseph Vantillard, maître verrier parisien, qui les a facturés le 2 avril 1887 ; que les vitraux de haute nef totalement ou partiellement détruits représentaient un ensemble de scènes homogènes du plus bel effet et participaient de façon notable au décor de l'église ; que, ne portant pas de signature visible, ces vitraux ont toutefois été authentifiés comme étant l'oeuvre de Charles Gaudelet, maître verrier lillois, qui les aurait réalisés en 1875 et les a facturés en 1865 ; que les vitraux ornant la façade occidentale de l'église sont également l'oeuvre de Charles Gaudelet, qui les a facturés en 1865 ; que l'édifice a, dans son ensemble, été classé à l'inventaire des monuments historiques le 6 avril 1981 ; que les travaux de reprise de ces désordres consistent en une reconstitution à l'identique par un maître verrier des vitraux détruits ou endommagés, sur la base notamment des documents d'archive en la possession de la commune de Tourcoing ; que, toutefois, une reconstitution, aussi proche de l'original soit elle, implique nécessairement une perte de valeur par rapport à la possession d'oeuvres authentiques ; que le tribunal administratif de Lille n'a pas fait une inexacte appréciation de cette dépréciation en la fixant, sur la base du rapport d'expertise, à la somme de 66 595,93 euros, laquelle correspond à 20 % de la valeur estimée des vitraux originaux ; qu'ainsi, le préjudice global subi par la commune de Tourcoing à raison du second sinistre s'élève, comme l'a retenu à juste titre le tribunal administratif de Lille sur la base de l'évaluation de l'expert, à la somme de 546 510,91 euros ;

11. Considérant que la société Allianz IARD établit, compte tenu de ce qui a été dit au point 3, avoir servi à la commune de Tourcoing une somme totale de 160 585 euros au titre des deux sinistre en cause, lesquels ont occasionné à celle-ci, en vertu de ce qui vient d'être dit aux points 7 et 8, un préjudice total s'élevant à la somme de 560 390,91 euros ; que la société Allianz IARD est ainsi fondée à demander la condamnation de la société GTB et de son liquidateur amiable à lui verser cette somme de 160 585 euros ;

12. Considérant que, compte tenu des sommes qu'elle a perçues, ainsi qu'il a été dit au point précédent, de son assureur, la commune de Tourcoing est en droit de prétendre au paiement de la somme totale de 355 621,91 euros, qu'elle demande, au titre des deux sinistres ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit aux points 11 et 12, d'une part, que la somme de 144 561,20 euros que la société GTB a été condamnée à verser à la société Allianz IARD doit être portée à 160 585 euros et, d'autre part, que la somme de 361 178,62 euros que cette même société a été condamnée à verser à la commune de Tourcoing doit être ramenée à 355 621,91 euros et que la société Allianz IARD, d'une part, et la société GTB ainsi que son liquidateur et son assureur, la SA SMA, d'autre part, sont seulement fondés à demander, dans cette mesure, la réformation du jugement du tribunal administratif de Lille du 3 juin 2014 ; qu'enfin et dans ces conditions, les conclusions de la SA SMA tendant à la condamnation de la société anonyme Allianz IARD et de la commune de Tourcoing à lui rembourser la somme de 556 686,89 euros, qu'elle a versée à la société GTB, son assurée, en exécution de ce jugement, doivent, en tout état de cause, être rejetées ;

Sur les intérêts et leur capitalisation :

14. Considérant que la société Allianz IARD et la commune de Tourcoing ont droit aux intérêts au taux légal sur les sommes respectives de 160 585 euros et de 355 621,91 euros à compter du 9 septembre 2011, date d'enregistrement de leur demande devant le tribunal administratif de Lille ; que la société Allianz IARD et la commune de Tourcoing ont demandé la capitalisation de ces intérêts par un mémoire enregistré au greffe du tribunal administratif le 23 octobre 2013, date à laquelle il leur était dû au moins une année d'intérêts ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les dépens :

15. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser, en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les frais et honoraires de l'expert, taxés et liquidés à la somme de 40 241,79 euros par une ordonnance du 8 avril 2009 du président du tribunal administratif de Lille, à la charge de la société GTB et de son liquidateur, partie perdante ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de la société Allianz IARD, de la commune de Tourcoing et du SDIS du Nord, qui ne sont pas, dans la présente instance, parties perdantes, les sommes que la société GTB, son liquidateur et, en tout état de cause, la SA SMA, son assureur, demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

17. Considérant, d'autre part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre, sur le fondement de ces dispositions, à la charge conjointe de la société GTB et de M. G..., son liquidateur amiable, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Allianz IARD et la commune de Tourcoing, ensemble, et non compris dans les dépens ;

18. Considérant, enfin, qu'il y a également lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre, sur le fondement des mêmes dispositions, à la charge conjointe de la société GTB et de M. G... une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le SDIS du Nord et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 144 561,20 euros que la société GTB a été condamnée, par le jugement du 3 juin 2014 du tribunal administratif de Lille, à verser à la société Allianz IARD est portée à 160 585 euros et la somme de 361 178,62 euros que cette même société a été condamnée, par le même jugement, à verser à la commune de Tourcoing est ramenée à 355 621,91 euros. Ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 9 septembre 2011 et les intérêts échus au 23 octobre 2013 seront capitalisés, tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date, pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 3 juin 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société GTB et de M. G... et des conclusions de la SA SMA est rejeté.

Article 4 : La société GTB et M. G...verseront conjointement à la société Allianz IARD et à la commune de Tourcoing, ensemble, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La société GTB et M. G...verseront conjointement au SDIS du Nord la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions incidentes présentées par la société Allianz IARD et la commune de Tourcoing est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la société GTB, à M. E...G..., en qualité de liquidateur amiable de cette société, à la société anonyme SMA, venant aux droits de la société SAGENA, à la société anonyme Allianz IARD, à la commune de Tourcoing et au service départemental d'incendie et de secours du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 9 juin 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 23 juin 2016.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PAPINLe président de chambre,

Signé : P.-L. ALBERTINILe greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Isabelle Genot

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