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16/06/2016 | FRANCE | N°15DA02073

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 16 juin 2016, 15DA02073


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 8 juillet 2015 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1502597 du 1er décembre 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une r

equête, enregistrée le 28 décembre 2015, M. A...D..., représenté par Me C...B..., demande à la c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 8 juillet 2015 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1502597 du 1er décembre 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 décembre 2015, M. A...D..., représenté par Me C...B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, d'annuler l'obligation de quitter le territoire français et d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt de la cour, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocate en application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le refus de titre de séjour n'est pas suffisamment motivé ;

- il méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète ayant estimé à tort contre l'avis du médecin de l'agence régionale de santé que les traitements qui lui sont nécessaires sont disponibles au Nigeria ;

- il porte atteinte à son droit à la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire est illégale du fait de l'illégalité de la décision lui refusant le titre de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

La requête a été communiquée à la préfète de la Seine-Maritime qui n'a pas produit de mémoire.

M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 janvier 2016 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Douai qui a désigné Me C...B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Christian Bernier, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.D..., né le 29 novembre 1980 de nationalité nigériane, est entré en France le 7 février 2011 ; que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 24 octobre 2011, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 12 juin 2014 ; qu'il relève appel du jugement du 1er décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 8 juillet 2015 par laquelle le préfet de la Seine maritime a refusé de l'admettre au séjour en qualité d'étranger malade et lui a fait obligation de quitter le territoire français ;

Sur le refus de titre de séjour :

2. Considérant que la décision attaquée comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; qu'en estimant que, contrairement à ce qu'avait estimé dans son avis du 5 novembre 2014 le médecin de l'agence régionale de santé, il ressortait de l'étude approfondie des circonstances propres au cas d'espèce qu'il existait une offre de soins effective au Nigéria concernant la prise en charge de l'état de santé de l'intéressé et que les médicaments liés à ce type de pathologie étaient disponibles, le préfet, qui ne s'est pas borné à reproduire des formules stéréotypées, a suffisamment motivé sa décision ;

3. Considérant qu'aux termes des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé (...) " ;

4. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

5. Considérant qu'il ressort de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé de Haute-Normandie du 5 novembre 2014 que M. D...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il n'existe pas de traitement approprié dans son pays d'origine et que les soins doivent être poursuivis pendant une durée de douze mois en France ; qu'il est constant que le requérant est sous surveillance clinique de durée illimitée pour une hépatite B dont l'évolution est stabilisée et qu'il souffre de troubles anxio-dépressifs ; qu'il ressort des pièces produites par le préfet, qui n'est pas lié par l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, que la surveillance d'une hépatite B non évolutive peut être assurée dans plusieurs hôpitaux nigérians et notamment au centre hospitalier universitaire de Lagos et que les anxiolytiques, de type très courant, prescrits en France au requérant, sont disponibles dans ce pays ; que le requérant qui conteste de manière très générale la force probante des documents produits par l'administration sans fournir d'élément dont il ressortirait au contraire que les soins sont effectivement indisponibles dans son pays d'origine n'est pas fondé à soutenir que la préfète aurait méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

6. Considérant que si M. D...fait valoir qu'il vit en couple avec une compatriote, il ne ressort pas des pièces du dossier que la communauté de vie serait effective, la requérant étant actuellement accueilli dans un centre d'hébergement d'urgence à Rouen ; que les missions en qualité d'intérimaire qu'il a effectué de février à août 2015 ne suffisent pas à établir la réalité de son insertion professionnelle ; que ses activités associatives et ses efforts pour apprendre la langue française ne suffisent pas davantage à justifier l'existence de liens d'une particulière intensivité avec la France ; que rien ne s'oppose à ce que l'unité familiale, qui comprend également leur fille née en 2015 se reconstitue au Nigéria dont sa compagne est originaire et où il dispose d'attaches familiales ; que, compte tenu de la durée et des conditions de son séjour en France, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise ; que, par suite, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas été méconnues ;

7. Considérant que, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, la préfète n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. D...; que les conclusions tendant à l'annulation du refus de titre de séjour doivent être rejetées ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours :

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision de refus de titre de séjour, doit être écarté ;

9. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) " ; que pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5 le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté ;

10. Considérant que, pour les mêmes raisons que celles mentionnées aux points 6 et 7, les moyens tirés de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale et de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la mesure sur la situation personnelle de l'intéressé doivent être écartés ;

11. Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; que, d'une part, le requérant, qui invoque l'intérêt supérieur de l'enfant, ne justifie pas subvenir aux besoins de sa fille avec laquelle il n'habite pas ; que, d'autre part, la mesure d'éloignement ne privera pas cette dernière de la présence de son père dès lors que rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue au Nigeria ; que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 doit dès lors être écarté ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction assortie d'astreinte et celles tendant à l'application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D..., au ministre de l'intérieur et à Me C...B....

Copie en sera transmise pour information à la préfète de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 2 juin 2016 à laquelle siégeaient :

M. Christian Bernier, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Hadi Habchi, premier conseiller,

- Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller.

Lu en audience publique le 16 juin 2016.

L'assesseur le plus ancien,

Signé : H. HABCHILe président de la formation de jugement,

Rapporteur,

Signé : C. BERNIER

Le greffier,

Signé : S. DUPUIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Sylviane Dupuis

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N°15DA02073 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA02073
Date de la décision : 16/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Bernier
Rapporteur ?: M. Christian Bernier
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : BIDAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-06-16;15da02073 ?
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