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09/06/2016 | FRANCE | N°15DA01184

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 09 juin 2016, 15DA01184


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...D...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés des 5 et 7 février 2015 par lesquels le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office.

Par un jugement n°s 1500915-1501236 du 2 juin 2015, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 ju

illet 2015, MmeD..., représentée par Me C...B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugemen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...D...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés des 5 et 7 février 2015 par lesquels le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office.

Par un jugement n°s 1500915-1501236 du 2 juin 2015, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 juillet 2015, MmeD..., représentée par Me C...B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 2 juin 2015 et les arrêtés du préfet de la Seine-Saint-Denis des 5 et 7 février 2015 ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Oise de lui délivrer un titre de séjour.

Elle soutient que :

- les décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français ont été prises en méconnaissance de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors qu'elle avait présenté une demande de réexamen de sa situation au regard du droit d'asile ;

- ces décisions sont entachées d'erreur d'appréciation de sa situation personnelle et familiale et de méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les décisions fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office méconnaissent, d'une part, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'autre part, l'article 33 de la convention de Genève relative au statut des réfugiés.

Une mise en demeure a été adressée le 13 octobre 2015 au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense ;

Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 août 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole signé à New-York le 31 janvier 1967 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que MmeD..., ressortissante de la République démocratique du Congo, relève appel du jugement du 2 juin 2015 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, des deux arrêtés successifs des 5 et 7 février 2015 du préfet de la Seine-Saint-Denis lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office ;

Sur la légalité des obligations de quitter le territoire français :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'office statue sur les demandes d'asile dont il est saisi. (...) / L'office statue par priorité sur les demandes émanant de personnes auxquelles le document provisoire de séjour prévu à l'article L. 742-1 a été refusé ou retiré pour l'un des motifs mentionnés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4, ou qui se sont vu refuser pour l'un de ces motifs le renouvellement de ce document " ; qu'aux termes de l'article L. 741-4 de ce code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : / (...) / 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. Constitue, en particulier, un recours abusif aux procédures d'asile la présentation frauduleuse de plusieurs demandes d'admission au séjour au titre de l'asile sous des identités différentes. Constitue également un recours abusif aux procédures d'asile la demande d'asile présentée dans une collectivité d'outre-mer s'il apparaît qu'une même demande est en cours d'instruction dans un autre Etat membre de l'Union européenne. Constitue une demande d'asile reposant sur une fraude délibérée la demande présentée par un étranger qui fournit de fausses indications, dissimule des informations concernant son identité, sa nationalité ou les modalités de son entrée en France afin d'induire en erreur les autorités. / (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 742-5 de ce code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Dans le cas où l'admission au séjour a été refusée pour l'un des motifs mentionnés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4, l'étranger qui souhaite bénéficier de l'asile peut saisir l'office de sa demande. Celle-ci est examinée dans les conditions prévues au second alinéa de l'article L. 723-1 " et qu'aux termes de l'article L. 742-6 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office. / (...) " ;

3. Considérant que ces dispositions ont pour effet d'obliger l'autorité de police à transmettre au préfet, et le préfet à enregistrer, une demande d'admission au séjour au titre de l'asile formulée par un étranger à l'occasion de son interpellation pour entrée irrégulière sur le territoire français ; que, par voie de conséquence, elles font également obstacle à ce que le préfet fasse obligation à cet étranger de quitter le territoire français avant d'avoir statué sur cette demande d'admission au séjour déposée au titre de l'asile ; que ce n'est que dans l'hypothèse où la demande d'admission au séjour a été préalablement rejetée par lui pour l'un des motifs limitativement énumérés par les dispositions des 2° à 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par une décision qui peut même être implicite, que le préfet peut, le cas échéant sans attendre que l'office français de protection des réfugiés et apatrides ait statué, prendre une telle mesure d'éloignement ;

4. Considérant que, si Mme D...soutient, pour contester la légalité des arrêtés par lesquels le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français, qu'elle pouvait se prévaloir, aux dates auxquelles ces actes ont été pris, de la qualité de demandeur d'asile et s'il ressort des pièces du dossier que l'intéressée s'est rapprochée du préfet de l'Oise, compétent au regard du lieu de son domicile, dans le but de pouvoir présenter une demande de réexamen de sa situation au regard du droit d'asile, cette demande n'a été enregistrée que le 11 février 2015, ainsi qu'en témoigne l'attestation de dépôt versée au dossier, soit à une date postérieure à celles auxquelles ces arrêtés ont été pris ; qu'en tout état de cause, d'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est pas même allégué que Mme D... aurait été admise provisoirement au séjour par le préfet de l'Oise durant le temps nécessaire à l'examen de cette demande par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, d'autre part, les dispositions précitées de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne font pas légalement obstacle à ce qu'un demandeur d'asile non admis provisoirement au séjour et dont la demande n'aurait pas encore été examinée par l'Office puisse faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, mais s'opposent seulement à ce qu'une telle mesure d'éloignement soit mise à exécution avant que l'Office se soit prononcé ; qu'en transmettant à l'Office, le 19 février 2015, la demande de Mme D... sans mettre celle-ci en possession d'une autorisation provisoire de séjour, le préfet de l'Oise doit être regardé comme ayant implicitement mais nécessairement regardé cette demande comme présentant un caractère frauduleux, abusif ou dilatoire au sens des dispositions précitées du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et par suite, comme ayant légalement refusé l'admission au séjour de l'intéressée en qualité de demandeur d'asile ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de cet article doit être écarté ;

5. Considérant qu'il est constant que MmeD..., qui est entrée sur le territoire français le 4 octobre 2011, est mariée à un compatriote qui réside régulièrement en Suisse ; qu'elle n'a fait état d'aucun lien particulier en France et n'allègue pas qu'elle serait dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, dans lequel elle a habituellement vécu durant vingt-trois ans ; que, dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions du séjour de Mme D...et malgré les efforts d'insertion professionnelle dont elle pourrait se prévaloir, pour estimer que les décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français ne porteraient pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles étaient prises, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas commis d'erreur d'appréciation ; que, dès lors, ces décisions n'ont pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité des décisions fixant le pays de destination :

6. Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : "Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " et qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

7. Considérant que, par ses allégations afférentes aux recherches dont elle ferait l'objet de la part des autorités de son pays d'origine en raison de son appartenance présumée à un mouvement d'opposition, lesquelles ne sont étayées que par une copie, dépourvue de toute garantie d'authenticité, d'un avis de recherche daté du 15 janvier 2014 et censé émaner de l'agence nationale de renseignements de la République démocratique du Congo, Mme D..., dont, au demeurant, la demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 24 mai 2012 confirmée le 30 octobre 2012 par la Cour nationale du droit d'asile, n'établit pas qu'elle encourrait des risques actuels, directs et personnels en cas de retour dans ce pays ; que, dès lors, ni les dispositions précitées de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont, en l'espèce, été méconnues par les arrêtés contestés, en tant qu'ils désignent la République démocratique du Congo comme le pays à destination duquel l'intéressée pourra être reconduite d'office ;

8. Considérant, enfin, que, MmeD..., qui ne s'était pas vue reconnaître, aux dates auxquelles les arrêtés contestés ont été pris, le statut de réfugié, ne peut utilement invoquer, à l'appui de ses conclusions dirigées contre ces actes, en tant qu'ils fixent le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office, les stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut de réfugié, en vertu desquelles les Etats contractants s'interdisent d'expulser ou de refouler un réfugié sur les frontières des territoires où sa survie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe ou de ses opinions politiques ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 2 juin 2015, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses demandes ; que ses conclusions à fin d'injonction doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Seine-Saint-Denis et au préfet de l'Oise.

Délibéré après l'audience publique du 26 mai 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 9 juin 2016.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PAPINLe président de chambre,

Signé : P.-L. ALBERTINILe greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

Isabelle Genot

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N°15DA01184

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA01184
Date de la décision : 09/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: Mme Pestka
Avocat(s) : OLONGO

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-06-09;15da01184 ?
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