Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Leforest a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner solidairement les sociétés Genty, Bureau Veritas, Bois Sciés et Manufacturés SAS (BSM) et M. I... F...à lui verser la somme de 157 627,66 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 juillet 2010 et de la capitalisation de ces intérêts à chaque année échue, en réparation des préjudices causés par les désordres affectant l'école maternelle Marthe Lepape.
Par un jugement n° 1004544 du 11 mars 2014, le tribunal administratif de Lille a condamné les sociétés Genty, Bureau Veritas et M. F...à verser solidairement à la commune de Leforest la somme de 141 864,89 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 2012 et de la capitalisation de ces intérêts à compter du 14 novembre 2013, a mis à la charge des sociétés Genty et Bureau Veritas et de M. F...la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a mis à la charge de la commune de Leforest la somme de 1 000 euros à verser à la société BSM sur le fondement des mêmes dispositions.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 mai 2014 et le 27 janvier 2015, la SA Genty représentée par la SELARL Lamoril-L... -Letko Burian-Vasseur-Le Rioux, demande à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 1004544 du 11 mars 2014 du tribunal administratif de Lille ;
2°) à titre subsidiaire de ramener à de plus justes proportions l'indemnisation octroyée à la commune de Leforest, de condamner le Bureau Veritas, la société BSM et M. F...à la garantir de toutes les condamnations qui pourraient être mises à sa charge ;
3°) de mettre à la charge de la ou des parties succombantes une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- un manque de finition ne suffit pas à engager la responsabilité décennale d'un constructeur ;
- la société BSM, qui a utilisé un bois humide pour réaliser la charpente, est à l'origine des désordres ;
- sa responsabilité devra être totalement exonérée en raison de la faute commise par l'architecte dans la conception de l'ouvrage ;
- l'estimation du coût de reprise du voligeage est excessive ;
- la part de responsabilité mise à la charge de M. F...est insuffisante ; il a commis une faute de conception de l'ouvrage, a méconnu ses obligations de suivi de chantier et a validé les plans d'exécution qui lui étaient soumis par l'entreprise chargée du lot couverture ;
- le Bureau Veritas a méconnu ses obligations contractuelles ;
- il a été absent à vingt-cinq réunions hebdomadaires de concertation sur les quarante organisées ;
- il lui revenait de procéder à l'examen critique de l'ensemble des dispositions techniques du projet ;
- il a visé les plans sans faire de critique sur l'inclinaison retenue pour le toit ;
- sa responsabilité est supérieure aux 10% retenus par le tribunal ;
- la commune a méconnu son obligation de suivie de chantier " conformément au contrat signé " ;
- la commune a contribué aux dommages en ne nettoyant pas régulièrement les gouttières et chéneaux.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 10 novembre 2014 et 25 juin 2015, le Bureau Veritas représenté par Me J...M..., conclut au rejet de la requête et par la voie de l'appel incident, à titre principal, à la réformation du jugement en tant qu'il l'a condamné à indemniser la commune de Leforest, a fixé la part du préjudice restant à sa charge et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune de Leforest ou de tout succombant sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à titre subsidiaire que la SAS Genty et M. F...soient condamnés à le garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre et que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de tout succombant, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les désordres n'ont pas rendu l'immeuble impropre à sa destination, ni compromis sa solidité ;
- le suivi de l'exécution des travaux ne rentrait pas dans les missions qui lui avaient été confiées ;
- il ne devait pas contribuer à la prévention des infiltrations d'eau pluviale ;
- sa responsabilité ne peut être recherchée dès lors qu'il était chargé d'une mission relative à la solidité des ouvrages, alors que le tribunal a qualifié les désordres en cause de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination ;
- n'étant pas un intervenant à l'acte de construire, le maître d'oeuvre devra le garantir de ses éventuelles condamnations.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 novembre 2014, M. I...F..., représenté par Me D...E..., conclut, à titre principal, au rejet de la requête et par la voie de l'appel incident à ce que le jugement attaqué soit réformé en tant qu'il le condamne à indemniser la commune de Leforest et fait droit aux conclusions d'appel en garantie de la société Genty et du Bureau Veritas et à titre subsidiaire, à ce que sa condamnation soit limitée à 10% du montant du préjudice subi par la commune, à ce qu'une part de ce préjudice soit laissée à cette dernière, à ce que les sociétés Genty et Bureau Veritas soient condamnées à le garantir de ses éventuelles condamnations, à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Leforest ou de tout succombant sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa responsabilité ne saurait être engagée dès lors que les infiltrations résultent d'un défaut d'étanchéité de la toiture et non d'une condensation ;
- sa responsabilité ne peut être engagée dès lors qu'il n'avait pas la mission étude d'exécution, ni celle d'ordonnancement-pilotage-coordination ;
- la commune ne s'étant pas assurée au titre des dommages ouvrage, elle ne saurait faire supporter aux constructeurs la charge des travaux ;
- une ventilation haute était bien prévue ;
- l'expert n'a pas émis de critiques relatives au choix de la pente du toit ;
- l'origine des désordres est un défaut de mise en oeuvre des couvertures par l'entreprise Genty et non un défaut de conception ou de suivi de chantier ;
- la société Genty a accepté de poser la couverture sur la charpente, alors même que selon ses dires elle aurait été humide.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 novembre 2014, la société Bois sciés manufacturés SAS, représentée par la SCP Masson et Dutat, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce que les sociétés Genty et Bureau Veritas et M. F...soient condamnés à la garantir de ses éventuelles condamnations et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Genty ou de toute autre partie succombante sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'expert retient que les travaux exécutés par la société Genty ne sont pas conformes aux règles de l'art et que le voligeage a été mis en place correctement ;
- à supposer le voligeage humide la société Genty l'a accepté sans émettre la moindre réserve ;
- la responsabilité de l'entreprise Genty est selon le rapport d'expertise, engagée et il incombait au maître d'oeuvre et au contrôleur technique de procéder aux contrôles et vérifications nécessaires.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 novembre 2014, la commune de Leforest, représentée par la SCP Savoye et associés, conclut au rejet de la requête et par la voie de l'appel incident à ce que l'article 1er du jugement attaqué soit réformé en tant, d'une part, qu'il limite à la somme de 141 864,89 euros le montant de la somme due par les sociétés Genty, Bureau Veritas et M. F...et, d'autre part, en ce qu'il fixe à la date du 14 novembre 2012 le point de départ des intérêts ; à la condamnation solidaire des sociétés Genty, Bureau Veritas et M. F...à lui verser la somme de 157 627,66 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 juillet 2010 et de leur capitalisation à chaque année échue ; à ce que l'article 5 du jugement soit réformé en tant qu'il met à sa charge la somme de 1 000 euros à verser à la société BSM SAS sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; de mettre à la charge de la SAS Genty la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les désordres non apparents au jour de la réception et rendant impropres l'ouvrage à sa destination, sont de nature à engager la responsabilité de la société Genty sur le fondement de la garantie décennale ;
- la responsabilité du maitre d'oeuvre et du bureau de contrôle est engagée au même titre ;
- le maître d'oeuvre a manqué à ses obligations de suivi de chantier de vérification des dossiers techniques de l'entreprise Genty et de conseil lors des opérations de réception ;
- la responsabilité du Bureau Veritas ressort clairement du rapport d'expertise ;
- à supposer que la responsabilité décennale de l'architecte ne soit pas retenue, sa responsabilité contractuelle, au titre du défaut d'assistance lors des opérations de réception, devrait être engagée ;
- l'éventuelle faute commise en ne nettoyant pas les gouttières et chéneaux n'est pas à l'origine des désordres et ne pouvait être retenue pour laisser une part du préjudice à sa charge ;
- le taux de 10%, laissé à la charge de la commune, est excessif ;
- étant la partie gagnante au sens de l'article L. 761-1 elle ne peut être condamnée à verser une somme de 1 000 euros à la société Bois sciés manufacturés SAS.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur des moyens relevés d'office, tirés de :
- l'irrecevabilité des appels provoqués présentés par la commune de Leforest, M. F..., le bureau Veritas et la société BSM, dans l'hypothèse ou la cour rejetterait les conclusions de la société Genty afin d'annulation et de réformation du jugement attaqué ;
- l'irrecevabilité de la commune de Leforest à demander la réformation du jugement en tant qu'il l'a condamnée à verser la somme de 1 000 euros à la société BSM en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dès lors qu'elles constituent des conclusions d'intimé à intimé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code des marchés publics ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Olivier Nizet, président-assesseur,
- les conclusions de Mme Maryse Pestka, rapporteur public,
- et les observations de Me C...B...substituant MeL..., représentant la SAS Genty, Me G...A..., représentant la commune de Leforest, Me D...E..., représentant M. I...F..., Me H...K..., représentant la société BSM.
1. Considérant que le 6 octobre 1999 la commune de Leforest a conclu différents marchés relatifs à la restructuration et à l'extension de l'école maternelle Lepape ; que la maîtrise d'oeuvre a été confiée à M. I...F...et le contrôle technique au Bureau Veritas ; que le lot n° 4 " charpente bois " a été attribué à la société Bois sciés manufacturés SAS (BSM) et le lot n° 7 " couvertures " à la société Genty ; que la réception de l'ouvrage a été prononcée par procès-verbal en date du 23 août 2000 à compter du 1er septembre 2000 en ce qui concerne le lot n° 4 et à compter du 2 septembre 2000 en ce qui concerne le lot n° 7 ; que des infiltrations d'eau, se manifestant par la présence d'auréoles d'humidité au niveau des faux plafonds, sont apparues début 2004, entraînant une nouvelle intervention de la société Genty ne permettant cependant pas de mettre un terme aux fuites constatées ; que par le jugement attaqué dont la société Genty relève appel, le tribunal administratif de Lille, a, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, condamné les sociétés Genty, Bureau Veritas et M.F..., à verser solidairement à la commune de Leforest la somme de 141 864,89 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 2012 et de la capitalisation de ces intérêts à compter du 14 novembre 2013, avant de répartir entre ces trois constructeurs la charge définitive de la condamnation prononcée ; que par la voie de l'appel incident la commune de Leforest conclut à la réformation de l'article 1er du jugement attaqué en tant, d'une part, qu'il limite à la somme de 141 864,89 euros le montant dû par les sociétés Genty, Bureau Veritas et M.F..., met à sa charge 10% du montant des dommages et, d'autre part, en ce qu'il fixe à la date du 14 novembre 2012 le point de départ des intérêts ; qu'elle conclut également à la réformation du jugement en tant qu'il met à sa charge la somme de 1 000 euros à verser à la société BSM sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que M. F...et le Bureau Veritas concluent à la réformation du jugement en tant qu'il retient leur responsabilité et demandent à être garantis de leurs éventuelles condamnations par les autres constructeurs parties à la présente instance ;
Sur la responsabilité décennale :
En ce qui concerne l'imputabilité des désordres :
2. Considérant qu'il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans ; qu'en application de ces principes, est susceptible de voir sa responsabilité engagée de plein droit, avant l'expiration d'un délai de dix ans à compter de la réception des travaux, à raison des dommages qui compromettent la solidité d'un ouvrage ou le rendent impropre à sa destination, toute personne appelée à participer à la construction de l'ouvrage, liée au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage ou qui, bien qu'agissant en qualité de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, accomplit une mission assimilable à celle d'un locateur d'ouvrage ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que les désordres constatés, apparus moins de quatre ans après la réception des travaux en litige, sont constitués par des infiltrations d'eau qui imbibent d'abord le matelas isolant, puis les dalles de plafond qui se délitent sous l'action de l'humidité et menacent ainsi de chuter sur les occupants des locaux ; qu'ils trouvent leur origine dans des défauts d'étanchéité de la toiture, notamment au droit des joints debout, des couvres-murs et des solins, et par la mise en oeuvre de pointes en cuivre en méconnaissance des règles de l'art ; que le défaut, de nettoyage des chéneaux et gouttières postérieurement à l'achèvement des travaux a contribué à les accentuer ; que ces désordres, qui ne constituent pas un simple manque de finition, rendent l'immeuble impropre à sa destination ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que la responsabilité de l'entreprise Gentry titulaire du lot couverture, et à ce titre participant à l'acte de construire, est engagée sur le fondement de la garantie décennale ;
5. Considérant que M. F...était notamment chargé, en sa qualité de maître d'oeuvre d'une mission DET " direction et exécution des travaux " et d'une mission AOR " assistance aux opérations de réception " ; qu'il s'en suit et alors même, comme il le fait valoir, qu'il n'était pas titulaire d'une mission OPC " ordonnancement pilotage coordination ", que les désordres proviennent d'un défaut d'étanchéité et non d'une condensation résultant d'un défaut de conception de l'ouvrage, et que le choix de la pente du toit n'est pas en cause, qu'il a, vis-à-vis des désordres en litige, la qualité de participant à l'acte de construire et que sa responsabilité est, par suite, engagée sur le fondement de la garantie décennale ;
6. Considérant que le Bureau Veritas était notamment titulaire en sa qualité de contrôleur technique d'une mission LP relative à la solidité des ouvrages et des équipements indissociables qui est définie par la norme technique NF P 03-100 de septembre 1995 comme relative aux aléas techniques découlant de défauts dans l'application des textes techniques à caractère réglementaire ou normatif, et qui sont susceptibles de compromettre la solidité de la construction achevée ou celle des ouvrages et éléments d'équipement indissociables qui la constituent ; que le Bureau Veritas, en exécution de cette mission, se devait de vérifier que les travaux de couverture étaient bien réalisés selon les règles de l'art ; que la circonstance que les manquements commis par la société Genty n'ont pas compromis la solidité de l'ouvrage, n'est pas de nature à permettre au Bureau Veritas de s'exonérer de sa responsabilité résultant des malfaçons en cause qu'il aurait dû signaler au maître d'oeuvre dès lors qu'elles étaient susceptibles de compromettre la solidité de l'ouvrage ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les sociétés Genty et Bureau Veritas et M. F...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Lille les a condamnés à indemniser la commune de Leforest sur le fondement de la garantie décennale ;
8. Considérant, toutefois, qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 que le défaut de nettoyage des chéneaux et gouttières, postérieurement à l'achèvement des travaux, a contribué à les accentuer ; que la commune, à laquelle revenait l'entretien de l'ouvrage, a ainsi commis une faute de nature à exonérer les sociétés Genty, et Bureau Veritas ainsi que M. F...d'une partie de leur responsabilité ; que le tribunal administratif a fait une juste appréciation de la part de responsabilité dans la survenue des désordres restant à la charge de la commune en la fixant à un taux de 10% ; qu'en revanche, si M. F...fait valoir que la commune n'a pas souscrit d'assurance " dommage ouvrage ", aucun texte ni aucun principe ne lui faisait obligation de souscrire une telle assurance ; que, par suite, cette circonstance est, en tout état de cause, sans influence sur le droit à réparation de la commune ; qu'enfin, le défaut de surveillance allégué des services techniques de la commune n'est pas établi, alors qu'au demeurant, il n'appartient pas au maitre d'ouvrage de surveiller le déroulement des travaux ;
En ce qui concerne le préjudice :
9. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert que le coût des travaux nécessaires pour la dépose de l'ensemble de la toiture zinc et la reconstitution d'une couverture conforme doit être fixé à la somme de 147 378,84 euros ; que, si la société Genty fait valoir que l'estimation du coût de reprise du voligeage est excessif, elle ne produit aucun élément probant de nature à remettre en cause l'estimation de ce poste de travaux par l'expert ; qu'au demeurant elle avait déjà, au stade des opérations d'expertise, sans justifier ses dires, soulevé cette objection, qui avait été écartée par l'expert ; qu'il y a lieu d'ajouter à cette somme le montant du coût des travaux déjà réalisés par la commune et chiffrés à la somme de 10 248,82 euros et de déduire de la somme obtenue 10% correspondant à la faute commise par la commune ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Genty et la commune de Leforest ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a condamné solidairement les sociétés Genty, Bureau Veritas et M. F... à verser à la commune la somme de 141 864,89 euros en raison des préjudices causés par les désordres affectant l'école maternelle Marthe Lepape ;
Sur les intérêts et leur capitalisation :
11. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1153 du code civil : " Dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal, sauf les règles particulières au commerce et au cautionnement. / Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte. / Ils ne sont dus que du jour de la sommation de payer, ou d'un autre acte équivalent telle une lettre missive s'il en ressort une interpellation suffisante, excepté dans le cas où la loi les fait courir de plein droit. (...) " ; que, lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1153 du code civil courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine ;
12. Considérant que la commune de Leforest a demandé pour la première fois aux constructeurs le paiement des sommes déterminées par l'expert à l'occasion d'un mémoire complémentaire enregistré au greffe du tribunal le 14 novembre 2012 ; qu'elle a droit, en application des principes précités, au paiement des intérêts au taux légal à valoir sur la somme de 141 864,89 euros, à compter de cette date et non à compter de la date d'enregistrement de sa requête comme elle le soutient ;
13. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1154 du code civil : " Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière. " ; que pour l'application des dispositions précitées la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; qu'il en résulte que les demandes de capitalisation présentées avant l'expiration du délai d'un an évoqué ci-dessus peuvent prospérer mais ne prennent effet qu'au terme dudit délai ;
14. Considérant que la commune de Leforest a sollicité la capitalisation des intérêts dans son mémoire enregistré le 14 novembre 2012 au greffe du tribunal administratif ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 14 novembre 2013, date à laquelle les intérêts étaient dus pour une année entière ;
Sur les appels en garantie :
15. Considérant, en premier lieu, que comme il a été dit au point 3, les désordres en litige trouvent principalement leur origine dans des fuites affectant la couverture de l'école Lepape, réalisée par l'entreprise Genty ; qu'il résulte du rapport d'expertise que cette dernière a exécuté des travaux non conformes aux règles de l'art et, au demeurant, peu soignés ; que le défaut d'étanchéité qui est à l'origine des désordres constatés résulte principalement de ces manquements constitués par une mauvaise réalisation technique des joints debout, un défaut d'étanchéité des couvres murs et des solins, un poinçonnement des têtes de pointes, l'absence de larmiers en tête de lanterneaux, la réalisation de talons d'acrotère ponctuellement insuffisants, la mise en place de chéneaux et de boites à eau hors normes et fuyants, un étamage aléatoire et l'utilisation de pointes en cuivre détériorant la couverture mise en oeuvre ;
16. Considérant, en deuxième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit au point 5, M. F... qui avait une mission incluant la direction de l'exécution des travaux et d'assistance du maître d'ouvrage lors de la réception, n'a cependant émis aucune réserve sur le travail réalisé par la société Genty et n'a pas attiré l'attention du maître d'ouvrage sur les manquements de cette entreprise lors des opérations de réception ;
17. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit au point 6 que le Bureau Veritas a manqué à son obligation de contrôle de la conformité des ouvrages aux règles de l'art dans le cadre de sa mission " solidité " ;
18. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que la société BSM chargée du lot charpente ait mis en oeuvre du bois humide qui, en séchant, se serait rétracté, participant à la réalisation des désordres ; que la société Genty et M. F...ne sont, par suite, pas fondés à soutenir qu'elle doit les garantir d'une part de leur responsabilité ;
19. Considérant, en cinquième lieu, qu'en se bornant à soutenir que la commune a méconnu son obligation de suivie de chantier " conformément au contrat signé ", la société Genty ne met pas la cour en mesure d'apprécier le bien-fondé de son moyen ;
20. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les sociétés Genty, Bureau Veritas et M. F...ont par leur faute permis la réalisation des désordres ; qu'il y a lieu, dans ces circonstances, et eu égard à l'importance respective de ces fautes de laisser à la charge de la société Genty 70% du montant de la condamnation fixée au point 10, à M. F...20% de cette condamnation et à la société Bureau Veritas un montant correspondant à 10% de cette condamnation ;
Sur la réformation du jugement en tant qu'il met à la charge de la commune de Leforest la somme de 1 000 euros à verser à la société BSM sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
21. Considérant que les conclusions de la commune de Leforest tendant à la réformation de l'article 5 du jugement attaqué qui met à sa charge la somme de 1 000 euros à verser à la société BSM sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative constituent des conclusions d'intimé à intimé irrecevables ; qu'elle doivent, par suite, être rejetées ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
22. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par les sociétés Genty, Bureau Veritas et M. F..., doivent dès lors être rejetées ;
23. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Genty une somme de 1 500 euros, à verser à chacun, au titre des frais exposés par la commune de Leforest et la société BSM et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Genty ainsi que les conclusions d'appel incident et d'appel provoqué de la commune de Leforest, de la société Bureau Veritas et de M.F..., sont rejetées.
Article 2 : La société Genty versera, à chacune, une somme de 1 500 euros à la société BSM et à la commune de Leforest, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Genty, à la société Bureau Veritas, à la société Bois sciés manufacturés SAS, à M. I...F...et à la commune de Leforest.
Délibéré après l'audience publique du 26 mai 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,
- M. Olivier Nizet, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 9 juin 2016.
Le rapporteur,
Signé : O. NIZETLe président de chambre,
Signé : P.-L. ALBERTINILe greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Isabelle Genot
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N°14DA00751
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