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07/06/2016 | FRANCE | N°15DA01774

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 07 juin 2016, 15DA01774


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...C... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 11 juin 2014 du préfet de la Seine-Maritime refusant le bénéfice du regroupement familial à ses deux filles, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1500005 du 15 septembre 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 novembre 2015 et le 26 avril 2016, MmeC..., rep

résentée par Me A...D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...C... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 11 juin 2014 du préfet de la Seine-Maritime refusant le bénéfice du regroupement familial à ses deux filles, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1500005 du 15 septembre 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 novembre 2015 et le 26 avril 2016, MmeC..., représentée par Me A...D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 15 septembre 2015 ;

2°) d'annuler la décision du 11 juin 2014 du préfet de la Seine-Maritime, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui accorder le bénéfice du regroupement familial pour ses deux filles dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder à un réexamen de sa situation dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision en litige est insuffisamment motivée ;

- le préfet de la Seine-Maritime s'est estimé à tort en situation de compétence liée en se fondant sur le montant insuffisant de ses ressources pour refuser le bénéfice du regroupement familial ;

- il n'a pas procédé à un examen des conséquences de la décision au regard de sa vie privée et familiale ;

- la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conditions requises pour bénéficier du regroupement familial ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Maritime qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 novembre 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Muriel Milard, première conseillère,

- et les observations de Me A...D..., représentant MmeC.avec elle ne peut être pris en compte

1. Considérant que MmeC..., de nationalité congolaise née le 19 janvier 1973, entrée en France le 5 mars 2006, a demandé son admission au séjour au titre de l'asile ; que sa demande a été rejetée par une décision du 31 octobre 2006 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision du 10 décembre 2008 de la Cour nationale du droit d'asile ; qu'étant titulaire d'une carte de séjour temporaire valable du 28 mai 2014 au 27 mai 2015, Mme C... a, le 18 avril 2011 demandé le bénéfice du regroupement familial pour ses deux filles alors mineures demeurées au Congo ; que Mme C... relève appel du jugement du 15 septembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 11 juin 2014 du préfet de la Seine-Maritime refusant le bénéfice du regroupement familial pour ses deux filles, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

2. Considérant que la décision attaquée comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde alors même que les motifs ne reprennent pas l'ensemble des éléments caractérisant la situation familiale de l'intéressée au regard notamment des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté ;

3. Considérant qu'il ressort de la décision attaquée que le préfet de la Seine-Maritime ne s'est pas cru tenu de refuser le regroupement familial demandé au seul motif de l'insuffisance des ressources mais a également procédé à un examen de l'ensemble de la situation de Mme C... ainsi que de celle de ses deux filles ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait refusé d'examiner la possibilité de faire bénéficier l'intéressée d'un regroupement familial à titre dérogatoire doit être écarté ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans. " ; que l'article L. 411-5 du même code dispose : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 351-9, L. 351-10 et L. 351-10-1 du code du travail. Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 441-1 fixe ce montant qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième. Ces dispositions ne sont pas applicables lorsque la personne qui demande le regroupement familial est titulaire de l'allocation aux adultes handicapés mentionnée à l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale ou de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L. 815-24 du même code " ; qu'aux termes de l'article R. 411-4 de ce code : " Pour l'application du 1° de l'article L. 411-5, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à : / - cette moyenne pour une famille de deux ou trois personnes, / - cette moyenne majorée d'un dixième pour une famille de quatre ou cinq personnes (...) " ;

5. Considérant qu'il n'est pas contesté que la moyenne mensuelle des revenus nets dont a disposé Mme C... au cours de la période de douze mois qui a précédé le dépôt de sa demande au mois d'avril 2011 s'élevait à 623,92 euros, soit un montant inférieur à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période pour une famille de quatre personnes qui est de 1 161,64 euros ; qu'il résulte des dispositions précitées que le montant de l'allocation versée à son fils majeur handicapé à 80 % demeurant avec elle ne peut être pris en compte; que, si Mme C... fait également valoir qu'elle ne peut travailler qu'à temps partiel afin de s'occuper de son fils handicapé et que la présence de ses deux filles en France lui permettrait d'avoir un emploi à temps plein, cette circonstance, au demeurant non établie, ne saurait lui permettre de se soustraire à la condition de ressources imposée aux demandeurs du regroupement familial ; qu'il en est de même de la circonstance qu'enceinte d'un quatrième enfant né le 29 juin 2014, soit postérieurement à la décision attaquée, elle n'a pu travailler dans les derniers mois de sa grossesse ; que, par suite, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas commis d'erreur dans l'appréciation de la situation de Mme C... au regard des dispositions précitées ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) " ; que si l'autorité administrative peut légalement rejeter une demande de regroupement familial sur le fondement des dispositions de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle ne peut le faire qu'après avoir vérifié que, ce faisant, elle ne portait pas une atteinte excessive au droit du demandeur au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

7. Considérant que si le 18 avril 2011, date du dépôt de sa demande de regroupement familial, les filles de MmeC..., nées les 20 juillet 1993 et 22 décembre 1995 et résidant au Congo, étaient mineures et si Mme C... fait valoir qu'elle ne peut retourner dans son pays d'origine, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'elle est entrée en France en mars 2006, qu'elle a vécu séparée de ses filles pendant huit ans et que celles-ci sont devenues majeures ; que, par suite, dans les circonstances de l'espèce, la décision en litige n'a pas porté au droit de Mme C... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale de la requérante ;

8. Considérant que Mme C... ne saurait utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lequel est inopérant à l'encontre de la décision en litige ; qu'il en est de même du moyen tiré de la méconnaissance du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dans la mesure où les deux filles de Mme C... sont majeures à la date de la décision attaquée ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F...C..., au ministre de l'intérieur et à Me A...D.avec elle ne peut être pris en compte

Copie sera adressée à la préfète de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 24 mai 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Muriel Milard, première conseillère,

- M. Laurent Domingo, premier conseiller.

Lu en audience publique le 7 juin 2016.

Le rapporteur,

Signé : M. B...Le président-assesseur,

Signé : M. E...

Le greffier,

Signé : M.T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Marie-Thérèse Lévèque

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N°15DA01774


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA01774
Date de la décision : 07/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. Lavail Dellaporta
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : SELARL CONIL ROPERS GOURLAIN-PARENTY ROGOWSKI

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-06-07;15da01774 ?
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