Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...F...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision du 16 juillet 2012 du président du syndicat mixte " Somme Numérique " prononçant son licenciement à compter du 16 septembre 2012.
Par un jugement n° 1202535 du 8 juillet 2014, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 28 août 2014, 17 juillet 2015, 7 mars et 20 avril 2016, MmeF..., représentée par Me I... E..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 8 juillet 2014 du tribunal administratif d'Amiens ;
2°) d'annuler la décision du 16 juillet 2012 du président du syndicat mixte " Somme Numérique " ;
3°) d'enjoindre au syndicat de la réintégrer sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 10ème jour suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge du syndicat mixte " Somme Numérique " une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif a méconnu l'autorité absolue de la chose jugée qui s'attache au jugement du 2 mai 2012 ;
- aucun reclassement ne lui a été proposé, alors que des postes étaient vacants ;
- le syndicat n'a pas véritablement recherché à la reclasser auprès d'autres employeurs ;
- la décision de licenciement est entachée d'un détournement de pouvoir ;
- les droits de la défense ont été méconnus, son licenciement ayant un caractère disciplinaire ;
- la délibération du 5 juillet 2010 supprimant le poste de secrétaire générale est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'un détournement de pouvoir ;
- elle n'a commis aucune faute de nature à justifier son licenciement ;
- elle est en droit de bénéficier de la différence entre le traitement qu'elle aurait dû percevoir du 1er octobre 2010 jusqu'au jour de sa réintégration et les indemnités de chômage perçues de Pôle emploi ;
- le législateur n'a pas entendu exclure les agents publics du dispositif selon lequel les fonctionnaires titulaires dont l'emploi est supprimé restent à leur poste en surnombre pendant une durée d'un an ;
- la commission paritaire n'a pas été consultée sur son licenciement.
Par des mémoires, enregistrés le 27 octobre 2014 et le 4 avril 2016, le syndicat mixte " Somme Numérique ", représenté par Me H...J..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme F...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens présentés par Mme F...ne sont pas fondés.
Un mémoire présenté pour le syndicat mixte " Somme Numérique " a été enregistré le 11 mai 2016, après la clôture d'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Olivier Nizet, président-assesseur,
- les conclusions de Mme Maryse Pestka, rapporteur public,
- les observations de Me B...C..., représentant Mme F...et Me D...G..., représentant le syndicat " Somme Numérique ".
1. Considérant que Mme F..., bénéficiaire d'un contrat à durée indéterminée depuis le 1er octobre 2007, occupait, au sein du syndicat mixte " Somme Numérique ", l'emploi de secrétaire générale, correspondant au niveau hiérarchique du grade d'attaché territorial principal ; que, par une délibération du 5 juillet 2010, le comité syndical du syndicat mixte " Somme Numérique " a décidé de supprimer du tableau des emplois permanents le poste qu'elle occupait ; que, par une décision du 16 septembre 2010, le président du syndicat mixte a licencié l'intéressée pour faute grave ; que par un jugement du 2 mai 2012, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté les conclusions de Mme F... tendant à l'annulation de la délibération du 5 juillet 2010 portant suppression de son poste et annulé la décision du 16 septembre 2010 prononçant son licenciement pour faute ; que ce jugement a été confirmé, sur le premier point, par un arrêt du 13 juin 2013 de la cour de céans et a été contesté tardivement par le syndicat, sur le second ; que, par un arrêté du 21 juin 2012, le président du syndicat mixte " Somme Numérique " a réintégré Mme F... " pour ordre " à compter du 16 septembre 2010, avant de la placer en congé avec solde, à compter du 21 juin 2012 ; que, par un nouvel arrêté du 16 juillet 2012, le président du syndicat mixte " Somme Numérique " a prononcé le licenciement de Mme F... dans l'intérêt du service ; que Mme F...relève appel du jugement du tribunal administratif d'Amiens rejetant sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 16 juillet 2012 ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Sauf dérogation prévue par une disposition législative, les emplois civils permanents de l'Etat, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements publics à caractère administratif sont (...) occupés (...) par des fonctionnaires régis par le présent titre (...) " ; que, par exception à ce principe, des agents non titulaires peuvent être recrutés par des contrats à durée déterminée dans les conditions prévues aux articles 3 à 3-5 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu que les emplois civils permanents de l'Etat, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics à caractère administratif soient en principe occupés par des fonctionnaires et qu'il n'a permis le recrutement d'agents contractuels qu'à titre dérogatoire et subsidiaire, dans les cas particuliers énumérés par la loi, que ce recrutement prenne la forme de contrats à durée déterminée ou, par application des dispositions issues de la loi du 26 juillet 2005, de contrats à durée indéterminée ; que, par suite, un agent contractuel ne peut tenir de son contrat le droit de conserver l'emploi pour lequel il a été recruté ; que, lorsque l'autorité administrative entend affecter un fonctionnaire sur cet emploi ou supprimer cet emploi dans le cadre d'une modification de l'organisation du service elle peut, pour ce motif, légalement écarter l'agent contractuel de cet emploi ;
4. Considérant qu'il résulte toutefois d'un principe général du droit, dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés dont l'emploi est supprimé que des règles du statut général de la fonction publique qui imposent de donner, dans un délai raisonnable, aux fonctionnaires en activité dont l'emploi est supprimé une nouvelle affectation correspondant à leur grade, qu'il incombe à l'administration, avant de pouvoir prononcer le licenciement d'un agent contractuel recruté en vertu d'un contrat à durée indéterminée, de chercher à reclasser l'intéressé ; que, dans l'attente des décrets prévus par l'article 49 de la loi du 12 mars 2012, la mise en oeuvre de ce principe implique que l'administration, lorsqu'elle entend pourvoir par un fonctionnaire l'emploi occupé par un agent contractuel titulaire d'un contrat à durée indéterminée ou supprimer cet emploi dans le cadre d'une modification de l'organisation du service, propose à cet agent un emploi de niveau équivalent, ou, à défaut d'un tel emploi et si l'intéressé le demande, tout autre emploi ; que l'agent contractuel ne peut être licencié, sous réserve du respect des règles relatives au préavis et aux droits à indemnité qui résultent, pour les agents non-titulaires de la fonction publique territoriale, des dispositions du titre X du décret du 15 février 1988, que, si le reclassement s'avère impossible, faute d'emploi vacant, ou si l'intéressé refuse la proposition qui lui est faite ;
5. Considérant que pour prononcer le licenciement de MmeF..., le syndicat mixte " Somme Numérique " a estimé qu'il ne disposait pas de " poste vacant permettant de proposer à Mme F...une fonction correspondant à ses qualifications et que la recherche de reclassement est infructueuse " ; qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier et en particulier du tableau des emplois permanents établi à la date du 21 juin 2012, qu'il existait dix postes ouverts aux agents appartenant au cadre d'emplois des attachés territoriaux et correspondant au niveau hiérarchique de l'emploi occupé par Mme F...; que seuls trois de ces postes étaient pourvus à cette même date ; que le syndicat mixte " Somme Numérique " n'établit pas qu'aucun de ces postes vacants le 21 juin 2012 ne pouvait être proposé à MmeF... ; qu'est, par ailleurs, sans incidence sur la décision en litige la circonstance que le syndicat a, par une délibération du 14 octobre 2013 approuvé un nouveau tableau des emplois permanents à compter du 1er novembre 2013, désormais limité à dix postes au total, filières administrative et technique comprises ; que, par suite, le syndicat mixte Somme Numérique doit être regardé comme ayant méconnu l'obligation de reclassement qui lui incombait ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme F...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Considérant que le présent arrêt, qui annule la décision de licenciement, implique nécessairement que Mme F...soit réintégrée à la date de prise d'effet de son licenciement dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du syndicat mixte " Somme Numérique " la somme de 1 500 euros demandée par Mme F...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par le syndicat mixte " Somme Numérique " sur le même fondement ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 8 juillet 2014 du tribunal administratif d'Amiens et la décision du 16 juillet 2012 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au syndicat mixte " Somme numérique " de réintégrer Mme F... à compter du 16 septembre 2012, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le syndicat mixte " Somme Numérique " versera à Mme F...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par le syndicat mixte " Somme Numérique " au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...F...et au syndicat mixte " Somme Numérique ".
Délibéré après l'audience publique du 12 mai 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,
- M. Olivier Nizet, président-assesseur,
- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller.
Lu en audience publique le 26 mai 2016.
Le rapporteur,
Signé : O. NIZETLe président de chambre,
Signé : P-L. ALBERTINILe greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Isabelle Genot
''
''
''
''
1
2
N°14DA01475
4
4
N°"Numéro"