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19/05/2016 | FRANCE | N°16DA00194

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (bis), 19 mai 2016, 16DA00194


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B..., épouseC..., a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 27 avril 2015 par lequel le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1502673 du 24 novembre 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par

une requête, enregistrée le 28 janvier 2016, MmeB..., représentée par la SELARL Eden avocats, de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B..., épouseC..., a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 27 avril 2015 par lequel le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1502673 du 24 novembre 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 janvier 2016, MmeB..., représentée par la SELARL Eden avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Oise de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation et lui délivrer dans l'attente, sous huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté du préfet méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- il méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français a été prise en méconnaissance du principe général de l'Union européenne lui donnant le droit d'être entendue préalablement à l'édiction d'une mesure d'éloignement ;

- elle est fondée sur un refus de titre illégal ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant la Turquie comme pays de renvoi est entaché d'un défaut de motivation en droit et en fait ;

- elle est fondée sur un refus de titre et une mesure d'éloignement illégaux ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa demande ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 février 2016, le préfet de l'Eure conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 janvier 2016 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Douai.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller,

- et les observations de Me D...E..., représentant MmeB....

Sur le refus de titre de séjour :

1. Considérant que la demande d'asile déposée par MmeB..., ressortissante turque, a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 30 septembre 2014, puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 27 mars 2015 ; que le préfet de l'Eure a rejeté sa demande de titre de séjour déposée en qualité de réfugiée par un arrêté du 27 avril 2015 ; que, par suite, les moyens tirés de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur sa situation personnelle ou de la méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, doivent être rejetés comme inopérants, le préfet étant en situation de compétence liée ; qu'il en résulte que les conclusions tendant à l'annulation du refus de titre de séjour doivent être rejetées ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

2. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 1 que le moyen tiré de l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour opposé à Mme B...ne peut qu'être écarté ;

3. Considérant que le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne ; que, toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour ; que le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ;

4. Considérant que lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'à l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande ; qu'il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles ; qu'il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux ; que le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour ;

5. Considérant que le guide du demandeur d'asile en langue turque a été remis à Mme B... le 20 mars 2014, lorsqu'elle a formulé sa demande d'asile ; qu'ainsi, celle-ci ne pouvait ignorer que le rejet de cette demande entraînerait pour elle l'obligation de quitter le territoire français ; que, néanmoins, elle n'a fait aucune autre demande de titre et n'a à aucun moment porté à la connaissance des services préfectoraux les évolutions de sa situation, notamment familiale, après le rejet de sa demande d'asile par l'OFPRA alors qu'elle s'était mariée, ou après la confirmation de ce rejet par la CNDA, alors qu'elle avait eu un enfant ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance du principe général du droit de l'Union européenne d'être entendu préalablement à une décision d'éloignement doit être écarté ;

6. Considérant que MmeB..., ressortissante turque née en 1990, déclare être entrée en France le 30 novembre 2013, afin d'y solliciter l'asile ; qu'elle s'y est maintenue à la faveur de l'examen de sa demande d'asile qui a été rejetée ainsi qu'il a été dit au point 1 ; que Mme B... s'est mariée le 21 juin 2014 avec M.C..., ressortissant turc titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2024 ; que le couple habite chez les parents de M. C...et est sans ressource ; que de cette union est née le 9 février 2015 une petite fille qui a la même nationalité que ses deux parents ; que, compte tenu des conditions et de la durée de son séjour en France, l'obligation de quitter le territoire n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme B...une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ;

7. Considérant que si la fille du couple est atteinte d'une luxation de la hanche droite et aurait besoin d'un suivi orthopédique et chirurgical, il ressort des pièces du dossier qu'elle a pu bénéficier le 10 mars 2015 de la pose d'un appareillage adapté ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ne pourrait bénéficier d'un suivi médical dans le pays d'origine de ses deux parents ; qu'en outre, la circonstance que les parents et la fratrie de M. C... se trouvent en France ne peut être considérée comme un élément empêchant que la cellule familiale se reconstruise en Turquie où Mme B...a, quant à elle, conservé l'ensemble des membres de sa famille ; qu'ainsi, et au regard de ce qui a été dit au point précédent, la mesure d'éloignement ne repose pas sur une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation de l'intéressée et de son enfant ;

8. Considérant que, pour les mêmes raisons que celles énoncées aux deux points précédents, la décision attaquée ne méconnaît pas l'intérêt supérieur de l'enfant, tel que protégé par les stipulations du 1 du 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

9. Considérant que, dès lors, les conclusions de la requérante tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire sont rejetées ;

Sur la décision fixant la Turquie comme pays de destination :

10. Considérant que si la motivation de fait de la décision fixant le pays de destination ne se confond pas nécessairement avec celle obligeant l'étranger à quitter le territoire français, la motivation en droit de ces deux décisions est identique et résulte des termes mêmes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel est, du reste, mentionné dans la décision attaquée ; qu'ainsi, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination n'est pas suffisamment motivée en droit ; que, par ailleurs, elle ne produit aucun élément autre que le récit fait lors du dépôt de sa demande d'asile à l'OFPRA puis à la CNDA pour établir la réalité de ses craintes en cas de retour en Turquie ; que, dans ces conditions, le préfet de l'Eure a suffisamment motivé sa décision en mentionnant que Mme B...n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision fixant le pays de destination doit être écarté ;

11. Considérant que le préfet indique dans son arrêté " avoir procédé à un examen approfondi de la situation personnelle de MmeB..., ensemble les déclarations de l'intéressée et les éléments produits " ; que le moyen tiré d'un défaut d'examen de sa situation n'est pas assorti des précisions qui permettent d'en apprécier le bien fondé ;

12. Considérant qu'il ne ressort d'aucune des pièces versées au dossier de première instance, ni d'aucun élément versé en appel que MmeB..., dont la demande d'asile a au demeurant été rejetée par l'OFPRA puis par la CNDA, se serait effectivement soustrait à un mariage forcé avec un homme plus âgé et violent et qu'en cas de retour dans son pays d'origine, elle s'exposerait à un risque de mort ; qu'elle n'établit, au demeurant, pas être dans l'impossibilité de vivre ailleurs que dans son village d'origine ; que, par suite, le préfet n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni violé les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en fixant la Turquie comme pays de destination de l'éloignement ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Eure du 27 avril 2015 ; que, par voie de conséquence, les conclusions d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être écartées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B..., épouseC..., au ministre de l'intérieur et à Me D...E....

Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Eure.

Délibéré après l'audience publique du 4 mai 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- M. Christian Bernier, président-assesseur,

- Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller.

Lu en audience publique le 19 mai 2016.

Le rapporteur,

Signé : A. FORT-BESNARDLe premier vice-président de la cour,

Président de chambre,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : S. DUPUIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier

Sylviane Dupuis

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N°16DA00194 3


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 16DA00194
Date de la décision : 19/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: Mme Amélie Fort-Besnard
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : SELARL MADELINE-LEPRINCE-MAHIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-05-19;16da00194 ?
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