Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'établissement Réseau ferré de France (RFF) a demandé au tribunal administratif d'Amiens, après avoir constaté, d'une part, l'absence de convention temporaire d'occupation du domaine public concernant l'utilisation par la société Groupe Sogal de deux parcelles d'une surface totale de 6 460 m² sur l'emprise ferroviaire d'Abancourt (Oise), d'ordonner l'expulsion de la société Groupe Sogal, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, si besoin avec le concours de la force publique, et de condamner, d'autre part, la même société à lui verser la somme de 35 387,37 euros réclamée au titre des indemnités d'occupation pour la période du 1er janvier 2007 au 30 juin 2014, assortie des intérêts à compter du 6 octobre 2011 et de la capitalisation, et, enfin, à ce que soit mise à la charge de la société Groupe Sogal une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1200486 du 10 juin 2014, le tribunal administratif d'Amiens, après avoir constaté l'occupation du domaine public sans droit ni titre par la société Groupe Sogal, a enjoint à cette société et à tout occupant sans titre de libérer les parcelles appartenant à l'établissement Réseau ferré de France, dans un délai de six mois à compter de la notification du jugement, si besoin avec le concours de la force publique, puis, condamné la société occupante, outre les frais exposés et non compris dans les dépens pour une somme de 1 500 euros, à payer à l'établissement public la somme de 34 888,99 euros correspondant aux indemnités d'occupation pour la période du 1er juillet 2010 au 30 juin 2014 et, enfin, a fixé l'indemnité annuelle d'occupation à compter du 1er juillet 2014, à la somme de 7 000 euros hors taxes, réévaluée en fonction de la valeur de l'indice national du coût de la construction publié par l'INSEE jusqu'à la date à laquelle l'occupation irrégulière aura pris fin, ces sommes étant assorties des intérêts et de leur capitalisation.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 août 2014 et 15 septembre 2015, la société Groupe Sogal, représentée par Me A...B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par l'établissement Réseau ferré de France ;
3°) de fixer l'indemnité d'occupation annuelle à la somme de 4 800 euros hors taxes à compter du 1er juillet 2010 ;
4°) de mettre à la charge de Réseau ferré de France la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :
- le jugement n'est pas signé par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier ;
- elle est titulaire d'une convention d'occupation signée avec la SNCF, le 30 décembre 1981, tacitement renouvelée ;
- l'expulsion ordonnée par le tribunal n'est pas justifiée, dès lors que l'occupation de l'emprise ferroviaire, sans droit ni titre, ne résulte pas de sa volonté mais d'un désaccord entre elle et Réseau ferré de France ;
- l'indemnité fixée au titre des loyers d'occupation pour la période du 1er juillet 2010 au 30 juin 2014 est excessive, et doit être calculée sur la base d'une redevance annuelle de 4 329 euros hors taxes.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 mars 2015 et 30 novembre 2015, " SNCF Réseau ", établissement public national à caractère industriel et commercial venant aux droits et obligations de Réseau ferré de France, représenté par Me A...C..., conclut dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête, en outre, à ce que l'expulsion prononcée par le tribunal soit assortie d'une astreinte de 500 euros par jour de retard à compter d'un délai fixé par la cour, suivant la notification du présent arrêt, et, enfin, à ce que la société Groupe Sogal soit condamnée à lui verser, à titre principal, une indemnité de 12 581,86 euros TTC, ou, à titre subsidiaire, une indemnité de 6 487,35 euros TTC, assortie des intérêts et de leur capitalisation, ainsi qu'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire, enregistré le 29 avril 2016, la société Groupe Sogal informe la cour que, par un jugement du 29 mars 2016, le tribunal de commerce de Beauvais a placé la société appelante en procédure de liquidation judiciaire et a désigné la SELARL De Bois-Herbaut en qualité de mandataire-liquidateur.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative ;
- l'ordonnance n° 1200514 du juge des référés du tribunal administratif d'Amiens du 21 juin 2012.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Hadi Habchi, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public.
Sur la régularité du jugement attaqué :
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'original du jugement attaqué a été signé par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ; que, par suite, le moyen tiré d'une irrégularité du jugement sur ce point doit être écarté ;
Sur l'existence d'une convention d'occupation du domaine public ferroviaire :
2. Considérant que l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques dispose que : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous " ; que selon l'article L. 2125-1 du même code : " Toute occupation ou utilisation du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 donne lieu au paiement d'une redevance (...) " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'occupation sans droit ni titre d'une dépendance du domaine public constitue une faute commise par l'occupant irrégulier et que celui-ci doit réparer le dommage ainsi causé au gestionnaire du domaine par le versement d'une indemnité ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les deux conventions du 17 février 1975 et 8 mars 1978 par lesquelles la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) avait accordé à la société des grains et aliments Lambotte, dénommée " société Groupe Sogal ", l'autorisation d'occuper un terrain de 200 m² situé sur l'emprise de la gare d'Abancourt, dans l'Oise, ainsi qu'un quai couvert de 200 m², ont été résiliées par accord entre les parties, à compter du 1er janvier 2010, les conditions d'occupation des parcelles en cause étant devenues inadaptées et ne correspondant pas aux surfaces effectivement occupées par la société ; que Réseau ferré de France (RFF), établissement public venant aux droits et obligations de la SNCF, a proposé le 27 novembre 2009 à la société Groupe Sogal de signer une nouvelle convention pour l'occupation d'un terrain nu de 5 100 m² et de deux bâtiments d'une surface de 1 360 m² environ ; qu'aucune négociation n'ayant abouti, RFF a adressé, le 29 septembre 2011, une mise en demeure à la société de régulariser sa situation, qui est restée vaine ; que, cependant, la société Groupe Sogal a produit, en cours d'instance devant la cour, une convention du 30 décembre 1981 qui l'autorisait à occuper l'emprise ferroviaire jusqu'au 31 août 1991 ; que le renouvellement de cette convention était assuré par tacite reconduction ;
5. Mais considérant que, selon les termes des articles 8 et 9 du cahier des conditions générales d'occupation et de desserte du domaine public du chemin de fer, auxquels renvoie l'article V de la convention de 1981, " la convention est résiliée de plein droit en cas de défaut de paiement des sommes dues par le concessionnaire à l'expiration du délai d'un mois à compter de l'envoi de la facture " ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que RFF ayant, sans succès par un courrier reçu le 5 octobre 2011, mis la société Groupe Sogal en demeure de régler dans le délai d'un mois le montant correspondant au paiement de sa redevance à compter du 1er juillet 2010, la convention dont elle entend se prévaloir, s'est trouvée résiliée de plein droit à compter du 5 novembre 2011, en application des stipulations de l'article V de cette convention ; que, par suite, la société Groupe Sogal, contrairement à ce qu'elle soutient, n'était plus titulaire, à compter de cette date, d'une convention d'occupation du domaine public ferroviaire ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'à compter de la même date, l'établissement gestionnaire du domaine public pouvait légalement solliciter l'expulsion de la gare d'Abancourt de la société Groupe Sogal occupant sans titre de l'emprise ferroviaire en litige et demander que soit mise à sa charge une indemnité visant à réparer le préjudice né de cette occupation irrégulière ; que, par suite, la société n'est pas fondée à demander la réformation du jugement attaqué sur ce point ;
Sur l'astreinte sollicitée par l'établissement SNCF Réseau :
8. Considérant que SNCF Réseau, qui vient aux droits de RFF, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures, d'assortir l'expulsion d'une astreinte de 500 euros par jour de retard dans un délai fixé par la cour ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la société Groupe Sogal ait quitté les lieux à la date du présent arrêt, alors même que le jugement du tribunal administratif d'Amiens, qui prononce son expulsion, était exécutoire ; que, cependant, il résulte de l'instruction que les parties ont continué à rechercher une solution amiable à leur différend ; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre à la société Groupe Sogal, à défaut d'accord amiable entre les parties sur les conditions de son maintien au sein de l'emprise en litige, d'évacuer les lieux, sous astreinte de 300 euros par jour de retard, dans un délai de six mois suivant la notification du présent arrêt ;
Sur l'indemnité versée au titre de la période d'occupation irrégulière :
9. Considérant qu'un établissement public est fondé à réclamer à l'occupant sans titre de son domaine public, au titre de la période d'occupation irrégulière, une indemnité compensant les revenus qu'il aurait pu percevoir d'un occupant régulier pendant cette période ; qu'à cette fin, l'établissement doit rechercher le montant des redevances qui auraient été appliquées si l'occupant avait été placé dans une situation régulière, soit par référence à un tarif existant, lequel doit tenir compte des avantages de toute nature procurés par l'occupation du domaine public, soit, à défaut de tarif applicable, par référence au revenu, tenant compte des mêmes avantages, qu'aurait pu produire l'occupation régulière de la partie concernée du domaine public dont s'agit ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit qu'est sans incidence la double circonstance qu'un incendie soit survenu au sein des locaux de la société appelante, le 14 juillet 2009, et que celle-ci serait confrontée à des difficultés économiques et financières ;
11. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la somme de 3 946,80 euros toutes taxes comprises correspondant à la redevance forfaitaire pour la période du 1er janvier 2007 au 30 juin 2010, a été définitivement réglée par la société Groupe Sogal le 26 février 2011 ; que, toutefois, il n'est pas contesté par la société occupante qu'aucune indemnité n'a été réglée à SNCF Réseau pour la période postérieure au 1er juillet 2010 ; que, contrairement à ce qu'affirme la société Groupe Sogal devant la cour, il ne résulte pas de l'instruction que le tarif de la redevance d'occupation du domaine public ferroviaire, soit une somme annuelle de 7 000 euros hors taxes, fixé par SNCF Réseau, serait manifestement excessif par rapport aux avantages que l'occupant est susceptible de retirer de l'occupation dudit domaine, eu égard notamment à ses caractéristiques et à sa dimension ;
12. Considérant qu'à défaut d'un accord entre les parties sur le maintien dans les lieux de la société Groupe Sogal et du règlement entre elles du différend financier dans un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la société Groupe Sogal doit être condamnée à payer à SNCF Réseau une indemnité annuelle de 7 000 euros hors taxes, à compter du 1er juillet 2010 jusqu'à ce que cette société ait évacué l'emprise ferroviaire qu'elle occupe ou jusqu'à ce qu'elle bénéficie d'un nouveau contrat d'occupation du domaine public dans l'attente, le cas échéant, d'une cession après déclassement ;
13. Considérant, enfin, que si la société appelante a été placée récemment en procédure collective par jugement du 29 mars 2016 du tribunal de commerce de Beauvais, le présent arrêt n'a pour objet que de définir les droits de SNCF Réseau, sans statuer sur les modalités de recouvrement et d'exécution de l'indemnité d'occupation en litige ;
Sur les intérêts et la capitalisation :
14. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2125-5 du code général de la propriété des personnes publiques : " En cas de retard dans le paiement des redevances dues pour l'occupation ou l'utilisation du domaine public d'une personne publique mentionnée à l' article L. 1, les sommes restant dues sont majorées d'intérêts moratoires au taux légal " ;
15. Considérant que chacune des annuités dues sera assortie des intérêts moratoires au taux légal, et ce, pour la première annuité à compter du 1er juillet 2010 ; que les intérêts dus pour chaque annuité, échus au-delà d'une année, seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts, puis à nouveau, à chaque nouvelle échéance annuelle ;
16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le jugement du tribunal administratif d'Amiens est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la société Groupe Sogal sur leur fondement ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette société une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par SNCF Réseau et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Il est enjoint à la société Groupe Sogal et à tous ses occupants de son chef, d'évacuer, dans le délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt, et à défaut d'un règlement amiable entre les parties dans ce même délai, les parcelles qu'elle occupe, cadastrées B n° 437 et n° 779p, situées dans l'emprise de la gare d'Abancourt et appartenant à l'établissement SNCF Réseau, sous astreinte de 300 euros par jour de retard suivant l'expiration de ce délai.
Article 2 : La société Groupe Sogal est condamnée à verser à SNCF Réseau une indemnité annuelle de 7 000 euros hors taxes, et ce, pour la première annuité à compter du 1er juillet 2010, jusqu'à la cessation de son occupation irrégulière. Chacune des annuités dues est assortie des intérêts moratoires au taux légal à compter du 1er juillet 2010 pour la première annuité. Les intérêts dus pour chaque annuité, échus au-delà d'une année, seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts, puis à nouveau, à chaque nouvelle échéance annuelle. Ces sommes seront versées sous réserve d'un règlement amiable dans les six mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 10 juin 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : La société Groupe Sogal versera une somme de 1 500 euros à l'établissement SNCF Réseau sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Groupe Sogal et à l'établissement SNCF Réseau.
Copie en sera transmise à la SELARL De Bois-Herbaut, mandataire judiciaire.
Délibéré après l'audience publique du 4 mai 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- M. Christian Bernier, président-assesseur,
- M. Hadi Habchi, premier conseiller.
Lu en audience publique le 19 mai 2016.
Le rapporteur,
Signé : H. HABCHILe premier vice président de la cour,
Président de chambre,
Signé : O. YEZNIKIAN
Le greffier,
Signé : S. DUPUIS
La République mande et ordonne à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Sylviane Dupuis
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N°14DA01419 2