Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...E...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 2 mars 2015 du préfet de l'Eure lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination duquel elle pourrait être reconduite d'office.
Par un jugement n° 1501093 du 7 juillet 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 août 2015, MmeD..., représentée par Me C... B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 7 juillet 2015 du tribunal administratif de Rouen ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 2 mars 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'une erreur de fait ;
- il est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de son arrêté sur sa situation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 février 2016, le préfet de l'Eure conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête d'appel est irrecevable ;
- les moyens présentés par Mme D...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Olivier Nizet, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Sur la légalité de la décision de refus de séjour :
1. Considérant que la demande d'asile présentée par MmeD..., ressortissante turque née en 1978, entrée sur le territoire français, selon ses déclarations, le 9 juillet 2013, a été rejetée par une décision du 23 juin 2014 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée le 28 janvier 2015 par la Cour nationale du droit d'asile ; que, dès lors, le préfet de l'Eure était tenu de refuser à Mme D...la carte de résident qu'elle sollicitait sur le seul fondement des dispositions du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation, de l'erreur de fait, du défaut d'examen de sa situation personnelle, de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle sont inopérants ; que par ailleurs, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre d'un refus de séjour ;
Sur la légalité de la décision faisant obligation de quitter le territoire français :
2. Considérant que la décision contestée comporte les considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde ; que par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté ;
3. Considérant que Mme D...n'établit pas avoir porté à la connaissance du préfet le fait qu'elle se soit mariée le 22 février 2014 et qu'elle ait eu un troisième enfant ; que, dès lors, le préfet n'a pas commis d'erreur de fait en mentionnant qu'elle était célibataire et mère de deux enfants ; qu'il n'a pas pu davantage entacher sa décision d'un défaut d'examen sur sa situation personnelle ;
4. Considérant que Mme D...fait valoir avoir transféré le centre de ses intérêts privés et familiaux en France où elle s'est mariée en février 2014 avec un compatriote titulaire d'une carte de résident dont elle avait déjà deux enfants nés en Turquie ; qu'un troisième enfant est né en France de leur union ; que des membres de sa famille, dont certains ont obtenu la qualité de réfugié, vivent en France ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme D...ne vivait en France que depuis un an et sept mois à la date de la décision en litige et n'était mariée que depuis un an ; qu'elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine qu'elle n'a quitté qu'à l'âge de trente cinq ans ; que, dès lors, le préfet de l'Eure n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes raisons, la décision contestée n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme D...;
5. Considérant qu'aux termes du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation ;
6. Considérant que Mme D...invoque les difficultés psychologiques que rencontre son fils âgé de treize ans ; qu'il ne ressort pas néanmoins des pièces du dossier et notamment du seul certificat établi par une conseillère en pédagogie et psychologie qu'un départ dans son pays lui serait préjudiciable ; que ces pièces ne permettent pas d'établir la stabilité et l'intensité des liens que ses deux premiers enfants entretiennent avec son mari alors qu'ils n'ont commencé à résider sous le même toit qu'à compter de décembre 2014 ; qu'alors même que la requérante devrait temporairement rejoindre son pays d'origine, le préfet n'a pas porté atteinte à l'intérêt supérieur des trois enfants de MmeD... ; que dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;
7. Considérant que le moyen tiré de ce que la vie de Mme D...serait menacée en cas de retour dans son pays d'origine ne peut utilement être invoqué à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire ; que par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
8. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux cités aux points 2, 3, 4 et 6, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de l'insuffisance de motivation, de l'erreur de fait, du défaut d'examen, du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et en tout état de cause, de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
9. Considérant que MmeD..., dont la demande de reconnaissance de la qualité de réfugié a, au demeurant, été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile, ne produit aucun élément probant de nature à établir qu'elle encourrait des risques réels, personnels et actuels en cas de retour dans son pays d'origine ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision contestée aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale, doit être écarté ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet de l'Eure, que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Eure.
Délibéré après l'audience publique du 28 avril 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,
- M. Olivier Nizet, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 12 mai 2016.
Le rapporteur,
Signé : O. NIZET
Le président de chambre,
Signé : P.-L. ALBERTINILe greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Isabelle Genot
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N°15DA01349
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