Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune du Tréport a demandé le 14 août 2012 au tribunal administratif de Rouen de condamner in solidum la société Grepi SAS, la société Emat et M.E..., architecte, à lui verser la somme de 358 000 euros en réparation du préjudice matériel ainsi que la somme de 35 000 euros en réparation du préjudice commercial, résultant des désordres survenus à la suite des travaux d'étanchéité effectués dans le parc de stationnement situé en sous-sol de l'esplanade Louis Aragon, et de mettre à leur charge la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.
Par un jugement n° 1202532 du 4 novembre 2014, le tribunal administratif de Rouen a condamné solidairement la société Grepi SAS et M. E...à verser à la commune du Tréport une somme de 360 000 euros toutes taxes comprises (TTC), et a mis à leur charge solidaire la somme de 3 065,92 euros TTC correspondant aux dépens ainsi que la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 décembre 2014, et un nouveau mémoire, enregistré le 27 juillet 2015, la société Grepi SAS, représentée par la SELARL Calcada, Toulon, Legendre, demande à la cour dans le dernier état de ses conclusions :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il la concerne ;
2°) de rejeter, dans la même mesure, les demandes de la commune du Tréport ;
3°) de condamner M. E...à la garantir de toutes les condamnations prononcées à son encontre ;
4°) de mettre à la charge de la commune du Tréport la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a été condamnée sur la base d'un rapport d'expertise insuffisant et incomplet et dont les conclusions sont contradictoires ;
- les conditions de la garantie décennale des constructeurs ne sont pas satisfaites en l'absence d'atteinte à la solidité de l'ouvrage ou à sa destination ;
- les désordres résultent uniquement de défauts de conception de l'ouvrage dont est exclusivement responsable M.E..., architecte en charge de la maîtrise d'oeuvre.
Par un mémoire, enregistré le 19 février 2015, la commune du Tréport, représentée par la SCPC..., Ogel, Laribi, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge, en appel, de la société Grepi SAS et de M.E..., architecte, la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées le 25 mars 2016, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision de la cour était susceptible d'être fondée sur des moyens soulevés d'office.
Par un mémoire, enregistré le 31 mars 2016, M. D...E..., représenté par Me F...I..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen ;
2°) de rejeter l'appel en garantie de la société Grepi SAS ;
3°) de mettre à la charge de la commune du Tréport la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. E...soutient que :
- la commune n'a pas produit de procès-verbal de réception des travaux ;
- le parc de stationnement est utilisé normalement depuis dix-neuf ans ;
- la commune ne justifie pas les travaux d'entretien réalisés dans le parc ;
- le parc n'est pas impropre à sa destination ;
- les conclusions d'appel en garantie de la société Grépi SAS, nouvelles en appel, sont irrecevables.
Par un mémoire, enregistré le 4 avril 2016, la société Grepi SAS confirme ses précédentes conclusions par les mêmes moyens et fait, en outre, valoir que son appel en garantie contre M. E...n'est pas irrecevable.
Vu :
- le rapport de M. A...H..., expert ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Christian Bernier, président-assesseur,
- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,
- et les observations de Me G...C..., pour la commune du Tréport.
1. Considérant que, dans le cadre des travaux de réaménagement de l'espace promenade de l'esplanade Louis Aragon, la commune du Tréport a lancé un marché pour la construction d'un parc de stationnement à proximité de la jetée et destiné notamment aux touristes ; que, par un acte d'engagement du 2 août 1996, la maîtrise d'oeuvre a été confiée au groupement conjoint composé de M.E..., architecte, de M.B..., économiste, ainsi que des bureaux d'études Ateba et Sogeti ; que, par un acte d'engagement du 17 décembre 1996, la réalisation des travaux d'étanchéité et de protection lourde sur l'ouvrage du parc de stationnement a été confiée à la société Grepi SAS ; que la réception de l'ouvrage a été prononcée avec réserves le 11 juillet 1997 ; que, par une ordonnance du 18 septembre 2006, à la demande de la commune du Tréport, le président du tribunal administratif de Rouen a désigné M.H..., expert, pour qu'il éclaire la juridiction notamment sur la nature, l'origine et l'étendue des désordres affectant l'étanchéité du parc de stationnement, et évalue le coût des travaux susceptibles d'y remédier ; qu'après que l'expert a remis son rapport le 15 juin 2009, par un jugement du 4 novembre 2014, le tribunal administratif de Rouen a condamné solidairement la société Grépi SAS et M. E...à verser à la commune du Tréport une indemnité de 360 000 euros sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs ; que la société Grepi SAS relève appel de ce jugement en tant qu'il a prononcé une condamnation à son encontre ;
Sur la validité du rapport d'expertise :
2. Considérant que juge administratif n'est jamais tenu de suivre l'avis des experts et peut retenir à l'appui de sa décision les seules conclusions d'un rapport d'expertise qui lui paraissent conformes à la situation de fait ;
3. Considérant qu'il ne ressort pas de la lecture du rapport déposé par l'expert devant la juridiction administrative qu'en se fondant sur les constatations de l'homme de l'art, le tribunal administratif aurait retenu des faits inexacts ou des conclusions inexploitables ; que si la société Grepi SAS conteste les opinions exprimées par l'expert et allègue que son analyse serait insuffisante ou contradictoire, elle ne prétend pas que cette expertise aurait dû être écartée comme irrégulière et ne démontre pas le tribunal aurait suivi à tort l'avis de l'expert ;
Sur la mise en oeuvre de la garantie décennale :
4. Considérant qu'il résulte des principes régissant la responsabilité des constructeurs que les désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible engagent leur responsabilité, même s'ils ne sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas sérieusement contesté que des infiltrations d'eau constatées dès le 15 septembre 1997, soit après la réception prononcée le 11 juillet 1997 ainsi qu'il ressort du procès-verbal produit en première instance, se sont aggravées au fil des ans ; que la réserve relative à une infiltration ponctuelle au plafond du local de contrôle figurant au procès-verbal de réception a un caractère mineur et est distincte des désordres d'infiltration qui sont apparus par la suite dans l'ensemble du parking ; qu'un constat d'huissier réalisé en 2006 relève en effet la présence de nombreuses flaques d'eau dans l'ensemble du parc de stationnement, résultant des infiltrations d'eau au droit du plafond où se sont formées des concrétions calcaires ; qu'il est également constant que ces formations calcaires sont tombées sur des véhicules en stationnement, provoquant des plaintes des usagers ; que ces désordres, outre qu'ils sont susceptibles de fragiliser à terme la structure porteuse de la dalle, sont de nature à rendre le parc de stationnement souterrain impropre à sa destination alors même qu'il n'aurait pas été fermé à la circulation ou que la commune ne justifierait pas de travaux engagés pour y remédier ; qu'ainsi, c'est à bon droit que le tribunal a estimé que la responsabilité des constructeurs était engagée sur le fondement de la garantie décennale ;
6. Considérant que la société Grepi SAS était chargée ainsi qu'il a été dit, de la réalisation des travaux d'étanchéité et de protection lourde sur l'ouvrage ; qu'elle a acheté les produits d'étanchéité et les a fait appliquer par son sous-traitant ; qu'eu égard aux missions qui lui étaient confiées, elle n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que les désordres constatés ne lui seraient en aucune manière imputables ; que l'architecte ne conteste pas que les désordres reposant sur un défaut de conception ou de surveillance, lui étaient également imputables ;
7. Considérant que la société Grepi SAS ne conteste pas les conclusions de l'expert qui a estimé que seule une réfection totale du dispositif d'étanchéité était de nature à apporter une solution pérenne aux problèmes d'infiltration ; que si elle fait grief à l'expert de ne pas avoir suffisamment justifié le coût estimatif de la réparation, elle n'apporte à la cour aucun élément utile susceptible d'établir que cette évaluation, dont le montant est du reste inférieur à celui du marché attribué à la requérante, serait disproportionné ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Grépi SAS, dans le cadre de son appel principal et M.E..., architecte, dans le cadre de son appel incident, ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen les a condamnés solidairement à verser à la commune du Tréport une somme de 360 000 euros TTC ; qu'il y a lieu de laisser aux constructeurs condamnés la charge des dépens ;
Sur l'appel en garantie formée par la société Grepi SAS contre l'architecte :
9. Considérant que la lettre du 17 septembre 2012, adressée au greffier en chef du tribunal administratif de Rouen, par laquelle le président de la société Grepi SAS " ne comprenait pas pourquoi la commune du Tréport mettait en cause Grepi qui n'est pas le rédacteur du CCTP ni l'exécutant du gros oeuvre, ni le bureau d'études ni le maître d'oeuvre, soit ceux qui portent la responsabilité des manquements identifiés par l'expert " ne présentait pas le caractère d'un appel en garantie formé contre M.E... mais tendait uniquement à ce que le tribunal ne retienne pas l'imputabilité des désordres à son encontre ; que, dans ces conditions, les conclusions de la société Grepi SAS présentées pour la première fois devant la cour et tendant à ce que M. E..., architecte, la garantisse des condamnations prononcées à son encontre ont le caractère de conclusions nouvelles en appel et sont, par suite, irrecevables ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soient mises à la charge de la commune du Tréport, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que réclament la société Grépi SAS et M.E... ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Grépi SAS une somme de 1 500 euros à verser à la commune du Tréport sur le même fondement ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de M.E..., appelant incident, une somme à verser à la commune du Tréport sur le même fondement ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Grépi SAS est rejetée.
Article 2 : La société Grepi SAS versera la somme de 1 500 euros à la commune du Tréport sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions présentées, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, par M. E...contre la commune du Tréport et par la commune du Tréport à l'encontre de M.E..., sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Grepi SAS, à M. D...E...et à la commune du Tréport.
Copie en sera communiquée pour information à M. A...H..., expert.
Délibéré après l'audience publique du 21 avril 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- M. Christian Bernier, président-assesseur,
- M. Hadi Habchi, premier conseiller.
Lu en audience publique le 4 mai 2016.
Le président-rapporteur,
Signé : C. BERNIERLe premier vice-président de la cour,
Président de chambre,
Signé : O. YEZNIKIAN
Le greffier,
Signé : S. DUPUIS
La république mande et ordonne au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique en ce qui les concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier
Sylviane Dupuis
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N°1401993 3