Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) LPC a demandé au tribunal administratif d'Amiens la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2007 et 2008 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes mis à sa charge au titre de la période du 1er mai 2006 au 30 avril 2008.
Par un jugement n° 1101834 du 23 janvier 2014, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 mars 2014, l'EURL LPC, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 23 janvier 2014 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires mise en oeuvre par l'administration est radicalement viciée ou excessivement sommaire, dès lors que le pourcentage des liquides dans le chiffre d'affaires ne correspond pas à la réalité ;
- ce pourcentage doit être fixé à 39 % ;
- les différences, entre 2007 et 2008, de quantité de menus enfants et de formules vendus démontrent que cette reconstitution ne correspond pas aux conditions d'exploitation de l'entreprise ;
- le même nombre de menus enfants et de formules qui doit être retenu en 2007 et 2008, est de respectivement 4 384 et 7 357 ;
- le vérificateur n'a pas tenu compte des stocks de liquide à la clôture de chacun des exercices contrôlés ;
- ces stocks doivent être exclus de la reconstitution du chiffre d'affaires ;
- des abattements respectifs de 15 % et 10 % doivent être appliqués aux ventes des cocktails et des vins, pour tenir compte des pertes et de l'utilisation en cuisine de ces alcools ;
- le pourcentage des pertes et offerts de 10 % doit être porté à 12 % pour tenir compte des vols ;
- l'application des pénalités pour manquement délibéré n'est ni motivée, ni justifiée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juin 2014, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la comptabilité de la société n'était pas probante ;
- le service a utilisé l'intégralité des tickets Z disponibles, qui étaient quantitativement suffisamment représentatifs, pour déterminer la part des liquides dans le chiffre d'affaires de la société ;
- cette proportion de liquide dans le chiffre d'affaires est cohérente entre l'année 2007 et l'année 2008 ;
- les quantités de menus enfants et de formules vendus correspondent aux conditions d'exploitation de l'entreprise ;
- l'inventaire des stocks n'est pas fiable et, en tout état de cause, la prise en compte de ces stocks, constants d'un exercice à l'autre, sont sans incidence sur la reconstitution du chiffre d'affaires ;
- les taux de pertes et offerts demandés par la société ne sont pas justifiés ;
- les pénalités pour manquement délibéré sont justifiées.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Domingo, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Guyau, rapporteur public.
1. Considérant qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité de l'EURL LPC, qui exploite un restaurant de cuisine traditionnelle à Saint-Valéry-sur-Somme, l'administration fiscale, après avoir écarté la comptabilité comme non probante, a reconstitué le chiffre d'affaires de la société ; qu'elle a mis à la charge de l'EURL LPC des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 2007 et 2008 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er mai 2006 au 30 avril 2008 ; que l'EURL LPC relève appel du jugement du 23 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :
2. Considérant que l'EURL LPC, qui portait globalement en fin de journée dans ses écritures le montant des recettes encaissées selon le mode de paiement, n'a pas justifié procéder à un relevé détaillé de ses opérations au moyen de fiches de caisse ou de bandes de caisse enregistreuse ; qu'elle a seulement présenté des tickets Z, pour certaines périodes, regroupant les recettes journalières par types de produits vendus ; que le vérificateur après avoir en outre relevé que certains produits figurant dans l'inventaire physique des stocks de marchandises en fin d'exercice ne correspondaient à aucune facture d'achats, a dressé, le 24 septembre 2009, un procès verbal de l'ensemble de ces manquements, contresigné par le gérant de l'EURL requérante ; que, dans ces conditions, l'administration était fondée, en l'absence de justificatifs des ventes réalisées, à estimer que la comptabilité de l'entreprise n'était ni sincère ni probante et, après l'avoir écartée, à procéder à la reconstitution des résultats déclarés ;
En ce qui concerne la charge de la preuve :
3. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 2, la comptabilité de la société requérante comportait de graves irrégularités qui la privaient de valeur probante ; qu'en outre, les impositions supplémentaires résultant des omissions de chiffre d'affaires relevées par l'administration ont été établies conformément à l'avis du 22 novembre 2010 de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires de la Somme ; que, par suite, il incombe à la société requérante de démontrer, en application des dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, l'exagération de ses bases d'imposition ;
En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires :
4. Considérant que le contribuable à qui incombe la charge de prouver l'exagération de l'évaluation administrative peut, s'il n'est pas en mesure d'établir le montant exact de ses résultats en s'appuyant sur une comptabilité régulière et probante, soit critiquer la méthode d'évaluation que l'administration a suivie en vue de démontrer que cette méthode aboutit, au moins sur certains points et pour un certain montant, à une exagération des bases imposables, soit encore aux mêmes fins, soumettre à l'appréciation du juge une autre méthode d'évaluation permettant de déterminer les bases d'imposition avec une précision meilleure que celle pouvant être atteinte par la méthode initialement utilisée par l'administration ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que pour reconstituer le chiffre d'affaires de l'EURL LPC au titre des exercices clos le 30 avril 2007 et le 30 avril 2008, le vérificateur a calculé le montant des recettes réalisées sur la vente de boissons à partir des factures d'achat, des dosages communiqués par l'exploitant et des prix de vente pratiqués au cours des exercices vérifiés et en tenant compte d'un pourcentage de pertes et d'offerts ainsi que de la consommation du personnel ; qu'il a établi, sur la base de 112 tickets Z pour l'exercice clos le 30 avril 2007 et 305 tickets Z pour l'exercice clos le 30 avril 2008, la part des liquides dans le total des recettes de la société, en la calculant à respectivement 36,93 % et 37,53 % du chiffre d'affaires total de chacun des exercices ; qu'il a déterminé les recettes globales de la société pour les exercices vérifiés en appliquant ce taux aux recettes reconstituées des liquides de chacun de ces deux exercices ;
6. Considérant que si l'EURL LPC soutient que le nombre de tickets Z utilisés pour déterminer la part des liquides dans le chiffre d'affaires réalisé est insuffisante, en particulier au titre de l'exercice clos le 30 avril 2007 pour lequel les 112 tickets dépouillés ne couvrent que des mois d'automne et d'hiver où la consommation de liquides est moins importante, il résulte de l'instruction que le vérificateur s'est fondé sur l'intégralité des tickets Z que lui a fournis la société, qui sont en nombre suffisant, et que les pourcentages auxquels il est parvenu, soit 36,93 % et 37,53 %, sont comparables pour les deux exercices contrôlés, alors même que les tickets Z utilisés en 2008 couvrent des mois du printemps et de l'été ; que la circonstance que, entre le 8 juin 2007 et le 30 septembre 2007, cette proportion s'établisse à 38,46 %, selon les calculs de la société, n'est pas de nature à démontrer que le chiffre de 36,93 % retenu par le vérificateur serait insuffisant, dès lors que sur la période du 8 juin 2007 au 30 avril 2008 l'examen des tickets Z disponibles aboutit, ainsi qu'il a été dit, à un pourcentage de 37,53 % ; qu'il s'ensuit que la part des liquides dans le chiffre d'affaires réalisé au titre de l'exercice clos le 30 avril 2007 ne peut être regardée comme insuffisante ; qu'en outre, si le service a retenu un prix de boisson de 2,90 euros, prix de la boisson proposée le plus élevé, pour les menus enfants à 6,90 euros et de 4,60 euros, prix moyen des boissons proposées, pour les formules à 11,90 euros, soit respectivement des taux de 42,02 % et 38,65 %, la société, qui ne démontre pas qu'une proportion équivalente de boisson serait achetée par les clients qui consomment à la carte, ne justifie pas, par des éléments probants tirés de son activité, de ce que le taux global des liquides devrait être fixé à 39 % pour l'ensemble des repas consommés dans le restaurant ; que le moyen tiré de ce que la part des liquides dans le chiffre d'affaires réalisé par la société serait insuffisante doit ainsi être écarté ;
7. Considérant que, sur la base des tickets Z disponibles, le vérificateur a relevé, pour chacun des exercices vérifiés, que le nombre de menus enfants s'établissait à respectivement 1 147 et 3 715 ventes et que le nombre de formules s'établissait à respectivement 1 270 et 7 357 ventes ; que cette augmentation significative du nombre de menus enfants et de formules vendus d'un exercice à l'autre n'est pas, par elle-même, de nature à établir que la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires mise en oeuvre serait radicalement viciée et ne tiendrait pas compte des conditions réelles d'exploitation de l'entreprise, dès lors, d'une part, que l'administration a relevé que l'EURL LPC a commencé son activité en avril 2006 et a fait procéder, dans les premiers mois de son exploitation, à des travaux d'agrandissement et d'amélioration de la salle de service et, d'autre part, qu'il n'est pas démontré par la société, en l'absence de pièces comptables probantes, que les menus enfants et les formules étaient proposés à la clientèle avant le 1er décembre 2006 ; que, par ailleurs, cette augmentation du nombre de menus enfants et de formules vendus est sans incidence sur la détermination de la part des liquides dans le chiffre d'affaires, laquelle s'exprime en proportion des recettes réalisées ; qu'enfin, l'EURL LPC ne justifie pas de ce que les quantités de menus enfants et de formules vendus au titre de l'exercice clos le 30 avril 2007 devraient être identiques à celles retenues par le service au titre de l'exercice clos le 30 avril 2008 ;
8. Considérant qu'en l'absence, ainsi qu'il a été dit au point 2, de fiabilité des inventaires physiques des stocks en fin d'exercice et dans la mesure où, en tout état de cause, les achats de liquides, soit 18 266,20 euros TTC en 2007 et 15 256,57 euros TTC en 2008, sont constants dans les derniers jours précédant la clôture de chacun des exercices contrôlés, le vérificateur a pu, sans vicier la reconstitution des recettes de la société, ne pas tenir compte des stocks de l'entreprise ;
9. Considérant qu'en l'absence de pièces justificatives ou probantes, l'EURL LPC, qui demande que des abattements de 15 % sur les cocktails et de 10 % sur les vins et un taux de 12 % pour les pertes, vols et offerts soient appliqués aux recettes reconstituées, n'établit pas que les pertes et les offerts qui ont été retenus par le vérificateur, qui n'a par ailleurs pas valorisé des alcools ne figurant pas sur la carte, tels que 48 bouteilles de vin au titre de l'exercice clos en avril 2007 et 145 boîtes de 10 litres de vin blanc au titre de l'exercice clos en avril 2008, auraient été insuffisamment pris en compte par l'administration et ne correspondraient pas aux conditions réelles d'exploitation ;
Sur les pénalités :
10. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ;
11. Considérant que pour justifier l'application des majorations prévues par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts aux rehaussements d'impôt assignés à l'EURL LPC, l'administration a relevé, dans la proposition de rectification du 29 mars 2010, le caractère irrégulier de la comptabilité de l'entreprise, qui lui a permis de dissimuler, sur deux exercices comptables, son chiffre d'affaires dans des proportions s'élevant respectivement à 17,9 % et à 15,66 % du montant total des recettes réelles hors taxes des exercices clos en 2007 et en 2008 ; que ces éléments de fait caractérisent l'importance et le caractère répétitif des omissions constatées et traduisent en l'espèce la volonté délibérée, de la part de la société, d'éluder une partie de l'impôt ; que l'administration, qui a ainsi suffisamment motivé sa décision, doit être regardée comme ayant apporté la preuve du manquement délibéré de la société à ses obligations fiscales et, par suite, du bien-fondé de l'application des pénalités prévues par l'article 1729 du code général des impôts ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'EURL LPC n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à l'EURL LPC la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'EURL LPC est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL LPC et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 29 mars 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme C...B..., première conseillère,
- M. Laurent Domingo, premier conseiller.
Lu en audience publique le 26 avril 2016.
Le rapporteur,
Signé : L. DOMINGOLe président-assesseur,
Signé : M. D...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque
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N°14DA00496