Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SCS Carrier a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2013 par lequel le préfet de l'Eure l'a mise en demeure de respecter dans un délai de trois mois les articles L. 512-6-1 et R. 512-39-1 du code de l'environnement en ce qui concerne l'ancien site situé rue Jean Jaurès à Gravigny.
Par un jugement n° 1303528 du 26 juin 2014, le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 août 2014 et des mémoires, enregistrés le 2 juin 2015 et le 18 janvier 2016, la SCI Gesim 3B, représentée par la SELARL Huglo, Lepage et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de mettre à la charge respectivement de l'Etat et de la SCS Carrier la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'obligation de remise en état du site pèse sur la SCS Carrier en sa qualité d'ayant droit du dernier exploitant de l'installation classée ;
- l'arrêté du préfet de l'Eure n'était entaché d'aucune illégalité.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 janvier 2015, 11 décembre 2015 et 19 février 2016, la SCS Carrier, représentée par la SELARL Sekri Valentin Zerrouk, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la SCI Gesim 3B de la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle ne vient pas au droit de la société Haden, dernier exploitant du site de la rue Jean Jaurés ;
- l'arrêté n'est pas suffisamment motivé ;
- le principe du contradictoire a été méconnu.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Christian Bernier, président-assesseur,
- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,
- et les observations de Me D...C..., représentant la SCI Gesim 3B, et de Me A...B..., représentant la société Carrier SCS.
Une note en délibéré présentée pour la SCI Gesim 3B a été enregistrée le 29 mars 2016.
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-6-1 du code de l'environnement : " Lorsque l'installation soumise à autorisation est mise à l'arrêt définitif, son exploitant place son site dans un état tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l' article L. 511-1 et qu'il permette un usage futur du site déterminé conjointement avec le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'urbanisme et, s'il ne s'agit pas de l'exploitant, le propriétaire du terrain sur lequel est sise l'installation (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 512-39-1 du même code : " I. Lorsqu'une installation classée soumise à autorisation est mise à l'arrêt définitif, l'exploitant notifie au préfet la date de cet arrêt trois mois au moins avant celui-ci (...). / II.-La notification prévue au I indique les mesures prises ou prévues pour assurer, dès l'arrêt de l'exploitation, la mise en sécurité du site (...). / III.-En outre, l'exploitant doit placer le site de l'installation dans un état tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et qu'il permette un usage futur du site déterminé selon les dispositions des articles R. 512-39-2 et R. 512-39-3 " ; qu'aux termes de l'article R. 512-39-5 : " Pour les installations ayant cessé leur activité avant le 1er octobre 2005, le préfet peut imposer à tout moment à l'exploitant, par arrêté pris dans les formes prévues à l'article R. 512-31, les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, en prenant en compte un usage du site comparable à celui de la dernière période d'exploitation de l'installation " ;
2. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que l'obligation de remise en état du site imposée par l'article R. 512-39-5 du code de l'environnement pèse sur l'ancien exploitant ou, si celui-ci a disparu, sur son ayant-droit ; que lorsque l'exploitant ou son ayant- droit a cédé le site à un tiers, cette cession ne l'exonère de ses obligations que si le cessionnaire s'est substitué à lui en qualité d'exploitant ;
3. Considérant qu'à la suite d'un accord commercial passé entre le groupe américain Carrier Corporation et le groupe britannique Haden MacLellan, la SA Haden, filiale française de ce dernier groupe créée en 1961, a été autorisée à utiliser le nom commercial " Carrier - société française d'exploitation des procédés Carrier " pour fabriquer et commercialiser des produits conçus par le groupe Carrier Corporation ; que la SA Haden a repris l'usage de son nom d'origine à la fin de l'accord commercial entre le groupe Carrier et le groupe Haden et après avoir cessé de produire sous licence des produits Carrier ; qu'elle a fait l'objet d'une procédure collective en 1986 et d'une liquidation judiciaire clôturée en 1998 ;
4. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que les trois parcelles cadastrées AC 288, 360 et 362 rue Jean Jaurès à Gravigny, ont été acquises le 3 octobre 1961 par la " société Carrier-société française d'exploitation des procédés Carrier " immatriculée au registre de commerce de la Seine sous le numéro 55B 6.903 et dont le siège social était situé 90 rue Rouget de l'Isle à Suresnes ; que cette adresse et ce numéro d'immatriculation correspondent à ceux de la SA Haden ; qu'ainsi qu'il vient d'être dit, cette société avait été autorisée à des fins commerciales à porter le nom de la société Carrier ; que, par conséquent, l'acquéreur doit être identifié avec la SA Haden et non avec la filiale française du groupe Carrier ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'autorisation d'exploiter en ce lieu un atelier de tôlerie, au titre de la législation sur les installations classées, a été délivrée le 1er juin 1962 par le préfet de l'Eure à une société dénommée " société Carrier " ; que cet arrêté mentionne en outre comme siège social, l'adresse située au 90 rue Rouget de l'Isle à Suresnes ; qu'ainsi et en l'absence de tout autre élément contraire, l'autorisation préfectorale doit être regardée comme délivrée à la SA Haden, alors connue sous le nom de " société Carrier-société française d'exploitation des procédés Carrier " ; que, dans ces conditions, la SA Haden doit être regardée comme le dernier exploitant du site de la rue Jean Jaurés ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort notamment des extraits k-bis produits par le défendeur que la SCS Carrier, filiale française du groupe Carrier, née de la fusion par voie d'absorption de la SAS Carrier en 2005, constitue une personne morale distincte de la SA Haden qu'elle n'a pas absorbée ; que la circonstance que la SCS Carrier ait dépollué, au titre des obligations pesant sur la SAS Carrier qui y avait exploité une installation classée, un terrain situé rue de l'industrie à Gravigny ayant autrefois appartenu à la SA Haden est sans incidence sur la situation de l'installation rue Jean Jaurès à Gravigny ; que, dans ces conditions, la SCS Carrier ne peut être regardée comme étant l'ayant-droit de la SA Haden au titre de cette dernière installation ; qu'au demeurant, contrairement à ce que soutient la société requérante, la SCS Carrier n'a jamais revendiqué cette qualité ; que, par suite, c'est à tort que le préfet de l'Eure a mis en demeure la société SCS Carrier de remettre en état le site de la rue Jean Jaurès à Gravigny ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCI Gesim 3B, qui est actuellement propriétaire des parcelles sur lesquelles porte l'arrêté de dépollution, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du préfet de l'Eure du 24 octobre 2013 ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à sa charge la somme de 1 500 euros à verser à la SCS Carrier au titre de cet article L. 761-1.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SCI Gesim 3B est rejetée.
Article 2 : La SCI Gesim 3B versera à la société Carrier SCS une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Gesim 3B, à la SCS Carrier et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Eure.
Délibéré après l'audience publique du 24 mars 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- M. Christian Bernier, président-assesseur,
- M. Hadi Habchi, premier conseiller.
Lu en audience publique le 7 avril 2016.
Le président-rapporteur,
Signé : C. BERNIERLe premier vice-président de la cour,
Président de chambre,
Signé : O. YEZNIKIAN
Le greffier,
Signé : S. DUPUIS
La République mande et ordonne au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Sylviane Dupuis
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N°14DA01463 3