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31/03/2016 | FRANCE | N°15DA00092

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 31 mars 2016, 15DA00092


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...H...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 29 novembre 2013 par laquelle l'inspecteur du travail de la 8ème section du Nord a autorisé la société par actions simplifiée Visteon Systèmes Intérieurs (VSI) à procéder à son licenciement pour motif économique.

Par un jugement n° 1400629 du 19 novembre 2014, le tribunal administratif de Lille a fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés

le 20 janvier 2015, le 27 avril 2015, le 12 juin 2015, le 24 juin 2015, le 23 septembre 2015, le 23...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...H...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 29 novembre 2013 par laquelle l'inspecteur du travail de la 8ème section du Nord a autorisé la société par actions simplifiée Visteon Systèmes Intérieurs (VSI) à procéder à son licenciement pour motif économique.

Par un jugement n° 1400629 du 19 novembre 2014, le tribunal administratif de Lille a fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 20 janvier 2015, le 27 avril 2015, le 12 juin 2015, le 24 juin 2015, le 23 septembre 2015, le 23 octobre 2015, le 3 décembre 2015, la société par actions simplifiée Reydel Automotive France (RAF), anciennement dénommée Visteon Systèmes Intérieurs, représentée par Me D...B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 19 novembre 2014 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. H...devant ce tribunal ;

3°) de mettre à la charge de M. H...une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- pour estimer que la réalité du motif économique invoqué pour justifier le licenciement de M. H...était établie, l'inspecteur du travail n'a pas commis d'erreur d'appréciation ;

- les autres moyens soulevés par M. H...devant le tribunal administratif de Lille ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 26 mars 2015, le 18 mai 2015 et le 5 octobre 2015 et le 16 février 2016, M.H..., représentée par Me E...G..., conclut au rejet de la requête, à l'annulation de la décision contestée du 29 novembre 2013 et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la SAS RAF au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable, faute d'être accompagnée d'une copie du jugement attaqué et de sa lettre de notification ;

- le décision contestée, en ce qu'elle admet la réalité du motif économique avancé pour justifier son licenciement, est entachée d'erreur d'appréciation ;

- cette décision, qui a été prise après son licenciement, est dépourvue de cause et d'objet ;

- pour prendre cette décision, l'inspecteur du travail s'est mépris dans son appréciation du respect par l'employeur de ses obligations légales et conventionnelles de reclassement à son égard ;

- l'inspecteur du travail a omis de s'assurer de la régularité de la procédure préalable d'information et de consultation des instances représentatives du personnel.

Par un mémoire, enregistré le 2 décembre 2015, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a présenté des observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Maryse Pestka, rapporteur public,

- et les observations de Me F...A..., substituant MeB..., représentant la SAS RAF.

1. Considérant que la société par actions simplifiée Visteon Systèmes Intérieurs (VSI), devenue Reydel Automotive France (RAF), a demandé à l'inspecteur du travail de la 8ème section du Nord l'autorisation de licencier M.H..., qui détenait le mandat de délégué du personnel titulaire ; que la SAS RAF relève appel du jugement du 19 novembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé l'autorisation délivrée le 29 novembre 2013 par l'inspecteur du travail, au motif que ce dernier n'avait pu sans erreur d'appréciation regarder comme établie la réalité du motif économique invoqué par l'employeur ;

2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des délégués syndicaux et des membres du comité d'entreprise, qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, est subordonné à une autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ; que si la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise peut constituer un tel motif, c'est à la condition que soit établie une menace pour la compétitivité de l'entreprise, laquelle s'apprécie, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, au niveau du secteur d'activité dont relève l'entreprise en cause au sein du groupe ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment de la note d'information économique présentée au comité central d'entreprise en avril 2013, que la crise ayant affecté le secteur automobile à la fin des années 2000 et qui s'est notamment accentuée à la fin de l'année 2008, a fortement pesé sur le chiffre d'affaires du groupe Visteon, dont l'activité était, à la date de la décision contestée, entièrement tournée vers le marché des équipements pour automobiles et répartie en trois secteurs d'activité, dont celui des équipements intérieurs dans lequel s'inscrivait l'activité de la SAS VSI, qui a elle-même connu une situation difficile, caractérisée notamment par des résultats constamment négatifs de 2007 à 2010 ; que le chiffre d'affaires du groupe Visteon a, lui aussi, connu une nette chute en 2009, en raison de la baisse des volumes de production et de l'impact des mesures d'ores et déjà prises pour rationaliser les activités du groupe, puis est reparti à la hausse dès 2010, cette tendance s'étant confirmée en 2011, sans toutefois retrouver le niveau des premiers mois de 2008 ; que ce chiffre d'affaires a de nouveau connu une baisse très sensible en 2012, évaluée à 8,25 % à périmètre constant par rapport au chiffre de l'année 2011, le secteur d'activités de l'aménagement intérieur ayant connu, à lui seul, une baisse de chiffre d'affaires de 784 millions de dollars ;

4. Considérant, toutefois, que, d'une part, si ce document fait apparaître que, dans le même temps, le résultat net du groupe a chuté brutalement en 2011, il précise que le résultat de l'année 2010 était artificiellement majoré par la renégociation de la dette du groupe dans le cadre de l'application de la loi américaine des faillites et qu'en neutralisant ce facteur, le ratio résultat net sur chiffre d'affaires est stable depuis 2009 ; que, d'autre part, si le ratio marge brute sur chiffre d'affaires a fortement baissé entre 2011 et 2012, passant de 8,2 % à 7,8 %, ce qui révèle une détérioration de la compétitivité du groupe et si cette baisse s'est notablement fait sentir dans le secteur d'activités de l'aménagement intérieur, ce ratio étant passé de 6,26 % à 5,33 %, les liquidités disponibles ne s'en sont pas trouvées affectées grâce à des optimisations des postes bilanciels ; qu'ainsi, ce document fait apparaître que le groupe Visteon a su amorcer les restructurations nécessaires en temps utile et amortir ainsi l'impact de la conjoncture, tant en termes de réorganisation de ses outils de production que d'un point de vue comptable et financier, même s'il a souffert de la crise affectant le secteur de la production automobile et si sa compétitivité a continué de s'éroder en 2012 ; que ce constat est confirmé par l'expert comptable missionné par le comité d'entreprise, dont le rapport, déposé en septembre 2012, relève que le secteur d'activités de l'aménagement intérieur continuait, en 2011, de représenter 30 % du chiffre d'affaires du groupe Visteon, qui détenait 12 % des parts du marché des composants intérieurs pour automobiles et se plaçait en deuxième position sur ce marché, en pouvant escompter une croissance de 3 % par an sur les exercices suivants, même si le marché européen, qui avait tendance à se recentrer sur l'Europe de l'Est où le groupe renforçait son implantation, offrait des perspectives plus limitées ; qu'il ressort, enfin, de ce rapport que les liquidités dégagées par le groupe Visteon au cours de l'exercice 2012, qui a vu le taux de marge brute de l'activité intérieure repartir à la hausse et se maintenir à 7 % au troisième trimestre, ont notablement augmenté, que les fonds propres ont été renforcés et que l'endettement a été réduit, ces facteurs positifs ayant joué à la hausse sur le cours du groupe en bourse ; qu'au demeurant, le président-directeur général du groupe Visteon a présenté, à l'occasion de communiqués de presse publiés à la fin de l'année 2013 et au début de l'année 2014, une situation très favorable du groupe, en évoquant une compétitivité retrouvée, en soulignant que les trois secteurs d'activités, dont celui des produits intérieurs, avaient dépassé, au cours de l'année 2013, leurs objectifs et en mettant en évidence une augmentation de 590 millions de dollars du bénéfice net du groupe et du taux de marge opérationnelle de 12 % par rapport aux données observées en 2012 ; qu'ainsi, s'il ne revenait pas à l'inspecteur du travail d'apprécier dans quelle mesure les difficultés rencontrées par la SAS VSI en 2011 et 2012 avaient pu peser sur la compétitivité du groupe, mais seulement de s'assurer de l'existence d'une menace pour la compétitivité au sein du secteur concerné de ce groupe, en estimant, le 29 novembre 2013, que la réalité du motif économique invoqué par la SAS VSI pour justifier le licenciement de M. H... était établie, sans tirer toutes les conséquences des documents précités, dont il n'est pas allégué qu'il n'avait pas la disposition, l'inspecteur du travail a commis une erreur d'appréciation ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par M.H..., que la SAS RAF n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 19 novembre 2014, le tribunal administratif de Lille a prononcé l'annulation de la décision du 29 novembre 2013 ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M.H..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par la SAS RAF et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SAS RAF, sur le fondement des mêmes dispositions, une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. H... et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS RAF est rejetée.

Article 2 : La SAS RAF versera à M. H...la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Reydel Automotive France (RAF), à M. C...H...et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Copie en sera adressée, pour son information, au directeur régional des entreprises, de la concurrence, du travail et de l'emploi du Nord-Pas-de-Calais-Picardie.

Délibéré après l'audience publique du 17 mars 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Nizet, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 31 mars 2016.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PAPINLe président de

la formation de jugement,

Signé : O. NIZET

Le greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Isabelle Genot

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N°15DA00092

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA00092
Date de la décision : 31/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation - Licenciement pour motif économique.

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés non protégés - Licenciement pour motif économique (avant les lois du 3 juillet et du 30 décembre 1986) - Réalité du motif économique.


Composition du Tribunal
Président : M. Nizet
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: Mme Pestka
Avocat(s) : CAMPAGNOLO NATHALIE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-03-31;15da00092 ?
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