La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/03/2016 | FRANCE | N°14DA00208

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3 (bis), 24 mars 2016, 14DA00208


Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme E...A..., M. J...L..., Mme I...H..., Mme G... C...et Mme F...B...ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 28 avril 2011 du conseil municipal de Senlis instituant un périmètre d'étude sur le secteur de la rue des Bordeaux en application de l'article L. 111-10 du code de l'urbanisme et la décision implicite de rejet par laquelle le maire de Senlis a refusé de l'abroger. Par un jugement n° 1102914 du 29 octobre 2013, le tribunal administrati

f d'Amiens a annulé ces deux décisions et mis à la charge de...

Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme E...A..., M. J...L..., Mme I...H..., Mme G... C...et Mme F...B...ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 28 avril 2011 du conseil municipal de Senlis instituant un périmètre d'étude sur le secteur de la rue des Bordeaux en application de l'article L. 111-10 du code de l'urbanisme et la décision implicite de rejet par laquelle le maire de Senlis a refusé de l'abroger. Par un jugement n° 1102914 du 29 octobre 2013, le tribunal administratif d'Amiens a annulé ces deux décisions et mis à la charge de la commune de Senlis la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 3 février 2014, la commune de Senlis, représentée par la SCP Ricard, Demeure et associés, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de rejeter l'ensemble des conclusions de Mme A...et autres ; 3°) de mettre à la charge des défendeurs la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que : - le tribunal administratif a commis une irrégularité en se livrant à un contrôle en opportunité du périmètre d'étude en litige ; - la délimitation d'un périmètre d'étude ne repose pas sur une erreur manifeste d'appréciation ; - les autres moyens de la demande de première instance ne sont pas fondés. Par deux mémoires en défense, enregistrés les 1er juillet et 28 novembre 2014, Mme E...A..., M. J...L..., Mme I...H..., Mme G...C...et Mme F...B..., représentés par la SELAS Citylex avocats, concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune de Senlis de la somme de 3 752,70 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - la requête ne satisfait pas à l'exigence de motivation prévue à l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; - la commune a méconnu l'obligation de notification prévue à l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ; - les moyens de la requête ne sont pas fondés ; - la délibération attaquée est en outre insuffisamment motivée ; - la commune disposait d'une autre possibilité avec la parcelle AH 100 ; - elle fait obstacle à la réalisation d'initiatives privées. Par deux nouveaux mémoires, enregistrés les 10 octobre 2014 et 6 janvier 2016, la commune de Senlis confirme ses précédentes écritures et soutient, en outre, que : - les fins de non-recevoir opposées par les défendeurs ne sont pas fondées ; - le moyen tiré du défaut de motivation de la délibération et ceux tirés, d'une part, de l'existence d'une variante avec l'inclusion de la parcelle AH 100 et, d'autre part, de l'obstacle créé à l'initiative privée ne sont pas fondés. Par un mémoire, enregistré le 29 février 2016, Mme A...et autres concluent aux mêmes fins par les moyens et portent à 5 432, 70 euros la somme demandée sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'urbanisme ; - la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller, - les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public, - et les observations de Me K...D..., représentant la commune de Senlis, et de MeM..., représentant Mme A...et autres.

1. Considérant que, par une délibération du 28 avril 2011, la commune de Senlis a décidé, en application de l'article L. 111-10 du code de l'urbanisme, d'instaurer un périmètre d'étude sur le secteur de la rue des Bordeaux, comprenant les parcelles cadastrées AH 101 et AH 117 lui appartenant et une partie des parcelles AH 60 a, b et c appartenant à MmeA..., M. L..., MmeH..., Mme C...et MmeB... ; que ces derniers ont demandé l'abrogation de cette délibération au maire de Senlis par une lettre du 21 juin 2011, reçue le 23 juin, demeurée sans réponse ; qu'à leur demande, le tribunal administratif d'Amiens, par un jugement du 29 octobre 2013, a annulé cette délibération et la décision implicite de rejet née du silence gardé par le maire sur leur demande d'abrogation ; que la commune de Senlis relève appel de ce jugement ; Sur les fins de non-recevoir opposées en appel : 2. Considérant, en premier lieu, que la requête présentée par la commune de Senlis, laquelle avait au demeurant la qualité de défendeur devant le tribunal administratif d'Amiens, ne se borne pas, en tout état de cause et contrairement à ce qui est soutenu, à reproduire intégralement et exclusivement le texte de son mémoire de première instance mais critique le raisonnement tenu par les premiers juges pour prononcer l'annulation de la délibération qu'elle avait prise ; que, par suite, elle satisfait aux prescriptions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; 3. Considérant, en second lieu, que, si l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue du décret du 5 janvier 2007, oblige l'auteur d'une " demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant un certificat d'urbanisme, une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou un permis de construire, d'aménager ou de démolir " à la notifier à l'auteur de la décision et au bénéficiaire de l'autorisation, la délimitation d'une aire d'étude au sens de l'article L. 111-10 du code de l'urbanisme ne relève pas des décisions soumises à cette obligation de notification ; que, contrairement à ce qui est soutenu par Mme A...et autres, la commune de Senlis n'était donc pas tenue de notifier sa requête d'appel aux défendeurs ; Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal : 4. Considérant que, pour prononcer l'annulation de la délibération du 28 avril 2011 par laquelle le conseil municipal de Senlis a délimité, en application de l'article L. 111-10 du code de l'urbanisme, un périmètre d'étude sur le secteur de la rue des Bordeaux, le tribunal administratif d'Amiens, par le jugement attaqué, s'est fondé sur un unique motif tiré d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des possibilités limitées d'extension de stationnement sans rapport avec l'objectif poursuivi visant le désengorgement du centre ville ; qu'en application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il appartient à la cour de se prononcer sur ce motif d'annulation qui est contesté devant elle ; 5. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 111-10 du code de l'urbanisme : " Lorsque des travaux, des constructions ou des installations sont susceptibles de compromettre ou de rendre plus onéreuse l'exécution de travaux publics, le sursis à statuer peut être opposé, dans les conditions définies à l'article L. 111-8, dès lors que la mise à l'étude d'un projet de travaux publics a été prise en considération par l'autorité compétente et que les terrains affectés par ce projet ont été délimités " ;

6. Considérant que les dispositions du premier alinéa de l'article L. 111-10 du code de l'urbanisme doivent s'appliquer indépendamment de la nature, privée ou publique, des propriétés concernées ou des personnes qui les détiennent ; qu'elles ne doivent recevoir application que pour autant que l'autorité compétente estime, à la date où elle statue, qu'en raison de leur situation, de leur consistance, de leur vocation, des normes de toutes natures qui leur seraient applicables et des projets dont elles peuvent constituer ou constituent l'assiette, il est nécessaire, afin de protéger le coût et la possibilité de l'opération prise en considération, de prévoir la possibilité de surseoir à statuer sur les demandes d'autorisation d'urbanisme relatives à ces propriétés ; 7. Considérant que, par la délibération attaquée, le conseil municipal de Senlis a instauré un périmètre d'étude sur le secteur de la rue des Bordeaux afin d'envisager l'hypothèse de l'extension et d'un aménagement différent du parking qui s'y trouve, dans l'objectif notamment de " libérer l'hyper centre de son engorgement routier, faciliter les accès et ne pas trop éloigner les espaces de stationnement des pôles attractifs " ; que le périmètre délimité pour la prise en considération de ce projet comprend deux parcelles communales, dont celle où se trouve le parking dont le réaménagement est envisagé, et une parcelle privée appartenant aux demandeurs de première instance, sur laquelle existe un projet de construction d'un ensemble immobilier de logements ayant fait l'objet d'une demande de permis de construire en juin 2011 ; que le périmètre couvre une surface non sérieusement contestée d'environ 5 400 m², suffisante pour la réalisation d'un parking supplémentaire d'appoint à proximité immédiate du centre ville historique de Senlis ; que ce projet communal s'inscrit dans le cadre " d'une vaste réflexion sur l'organisation des déplacements " lancée par la ville en 2007 avec la réalisation d'un diagnostic pour l'élaboration d'une politique globale de déplacements ayant conduit, en 2009, à l'adoption d'un programme d'actions dont le premier objectif est la maîtrise des flux automobiles et l'optimisation de l'offre de stationnement ; que ces parcelles sont classées en zone U du plan de sauvegarde et de mise en valeur de Senlis ; que la seule circonstance qu'elles sont en partie protégées par un classement en espace boisé ne fait pas obstacle à tout aménagement d'un parking, ainsi qu'il ressort d'ailleurs du plan de sauvegarde et de mise en valeur de Senlis au regard de l'article UA 1 ; que le projet de construction des propriétaires privés est de nature à compromettre l'exécution des travaux envisagés ; qu'enfin, si l'inclusion des deux parcelles communales qui entourent la parcelle privée dans le périmètre de prise en considération, présenté comme un périmètre d'étude, ne présente pas d'utilité quant à la possibilité de mettre en oeuvre le sursis à statuer sur cette partie du périmètre, cette délimitation ne porte atteinte à la propriété d'aucune autre personne publique ou privée et doit être regardée, pour la commune de Senlis, comme simplement superfétatoire ; que, dans ces conditions, eu égard à l'objectif de la procédure de prise en considération de ne pas compromettre ou rendre plus onéreux la réalisation de travaux publics en ce qui concerne la parcelle appartenant à Mme A...et autres, la commune de Senlis n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en délimitant ce périmètre pour le réaménagement et l'extension du parking de la rue des Bordeaux afin d'augmenter la capacité de stationnement de la ville en bordure de son centre ville ; 8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur l'unique motif tiré d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des possibilités limitées d'extension de stationnement sans rapport avec l'objectif poursuivi visant le désengorgement du centre ville pour annuler la délibération du conseil municipal de Senlis ; 9. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... et autres devant la juridiction administrative ;

Sur le moyen tiré du défaut de motivation de la délibération attaquée : 10. Considérant que ni les dispositions de la loi du 11 juillet 1979, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n'imposent à l'autorité compétente pour décider de la mise à l'étude d'un projet de motiver l'acte, de nature réglementaire, par lequel elle prend en considération ce projet en délimitant un périmètre d'application du sursis à statuer, sur le fondement de l'article L. 111-10 du code de l'urbanisme ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la délibération litigieuse ne peut qu'être écarté ; Sur les moyens tirés de l'existence d'une variante et de projets privés : 11. Considérant que l'acte de prise en considération, qui a pour objet de délimiter un secteur dans lequel il pourra être sursis à statuer sur des décisions d'urbanisme, n'a ni pour objet, ni pour effet, d'amener l'autorité décidant d'étudier un projet à se prononcer sur les mérites des différentes variantes possibles d'implantation de ce projet, mais uniquement d'en faciliter la réalisation ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le projet pourrait être réalisé différemment, notamment selon une emprise incluant un terrain propriété du département, lequel conduit nécessairement à apprécier le choix fait entre plusieurs variantes pour la réalisation d'un projet et non l'utilité même de la prise en considération, est inopérant ; 12. Considérant que le moyen tiré de l'existence de projets privés, d'ailleurs postérieurs, en admettant même qu'ils permettent d'atteindre les objectifs que la commune de Senlis s'est fixée, conduit nécessairement à apprécier les mérites de différents projets, relevant par ailleurs de maîtrises d'ouvrage différentes ; que ce moyen, inopérant, doit, dès lors, être écarté ; Sur le moyen tiré du classement en espaces boisés : 13. Considérant que le classement en espaces boisés d'une partie des terrains inclus dans le périmètre, en admettant même qu'il imposerait certaines contraintes, ne fait pas obstacle par lui-même, ainsi qu'il a été dit au point 7, à leur prise en compte dans l'assiette délimitée précisément pour la mise à l'étude de ce projet ; 14. Considérant que le moyen tiré du défaut de précision de la délimitation du périmètre concerné manque en fait ; Sur le détournement de pouvoir : 15. Considérant que, contrairement à ce que soutiennent Mme A...et autres, il ne ressort pas des pièces du dossier que les auteurs de la décision attaquée ont été animés par des préoccupations étrangères à l'urbanisme et aux finalités poursuivies par la procédure de prise en considération ; qu'ainsi, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Senlis est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé sa délibération du 18 avril 2011 ; que, dès lors, il y a lieu de mettre à la charge de Mme A...et autres, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement à la commune de Senlis d'une somme de 1 500 euros au titre des frais que celle-ci a exposés tant en première instance qu'en appel et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées sur ce même fondement par Mme A...et autres ne peuvent, en revanche, qu'être rejetées ; DÉCIDE : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens est annulé. Article 2 : La demande présentée par Mme A...et autres devant le tribunal administratif d'Amiens et leurs conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : MmeA..., M.L..., MmeH..., Mme C...et Mme B...verseront à la commune de Senlis une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Senlis, à Mme E...A..., à M. J... L..., à Mme I...H..., à Mme G...C..., à Mme F... B...et au ministre du logement et de l'habitat durable. Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Oise. Délibéré après l'audience publique du 10 mars 2016 à laquelle siégeaient : - M. Olivier Yeznikian, président de chambre, - M. Christian Bernier, président-assesseur, - Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller. Lu en audience publique le 24 mars 2016. Le rapporteur,Signé : A. FORT-BESNARDLe premier vice-président de la cour,Président de chambre,Signé : O. YEZNIKIANLe greffier,Signé : S. DUPUIS

La République mande et ordonne au ministre du logement et de l'habitat durable en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme,Le greffier en chef,Par délégation,Le greffier,Sylviane Dupuis N°14DA00208 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 14DA00208
Date de la décision : 24/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Nature de la décision. Sursis à statuer.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: Mme Amélie Fort-Besnard
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : SCP RICARD DEMEURE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-03-24;14da00208 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award