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17/03/2016 | FRANCE | N°14DA01514

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 17 mars 2016, 14DA01514


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 6 août 2012 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social annulant la décision du 6 février 2012 de l'inspecteur du travail et autorisant son licenciement.

Par un jugement n° 1202981 du 8 juillet 2014, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 septembre 2014, MmeA

..., représentée par Me D...C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 8 juill...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 6 août 2012 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social annulant la décision du 6 février 2012 de l'inspecteur du travail et autorisant son licenciement.

Par un jugement n° 1202981 du 8 juillet 2014, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 septembre 2014, MmeA..., représentée par Me D...C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 8 juillet 2014 du tribunal administratif d'Amiens ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 6 août 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le délai de dix jours prévu à l'article R. 2421-14 du code du travail entre sa mise à pied et la consultation du comité d'entreprise n'a pas été respecté ;

- le délai de 48 heures entre la réunion du comité d'entreprise et la demande d'autorisation adressée à l'inspecteur du travail a été dépassé ;

- l'employeur a fixé unilatéralement l'ordre du jour du comité d'entreprise ;

- elle a toujours régulièrement transmis ses arrêts de travail à son employeur ;

- les faits reprochés ne justifiaient pas qu'elle soit licenciée ;

- le ministre a commis une erreur d'appréciation en retenant l'absence de lien entre le licenciement et son mandat.

Par des mémoires, enregistrés les 5 novembre 2014 et le 22 mai 2015, la société Stokomani, representée par la SELARL Le Faucheur, conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens présentés par Mme A...ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 20 avril 2015, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens présentés par Mme A...ne sont pas fondés.

Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 novembre 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Maryse Pestka, rapporteur public.

1. Considérant qu'aux termes de l'article R. 2421-14 du code du travail : " En cas de faute grave, l'employeur peut prononcer la mise à pied immédiate de l'intéressé jusqu'à la décision de l'inspecteur du travail. / La consultation du comité d'entreprise a lieu dans un délai de dix jours à compter de la date de la mise à pied. / La demande d'autorisation de licenciement est présentée dans les quarante-huit heures suivant la délibération du comité d'entreprise. S'il n'y a pas de comité d'entreprise, cette demande est présentée dans un délai de huit jours à compter de la date de la mise à pied. (...). " ; que, si ces délais ne sont pas prescrits à peine de nullité de la procédure, ils doivent cependant être aussi courts que possible, eu égard à la gravité de la mesure de mise à pied ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le comité d'entreprise de la société Stokomani a émis son avis sur le projet de licenciement de MmeA..., membre suppléante de ce comité, le 12 décembre 2011, après que celle-ci s'est vu notifier le 29 novembre 2011 une mise à pied conservatoire ; que ce dépassement de délai, au demeurant limité, n'a pas en l'espèce vicié la procédure ; que si la société Stokomani a adressé par courrier daté du 15 décembre 2011, la demande d'autorisation à l'inspecteur du travail, qui l'a reçue le 22 décembre, le dépassement du délai de 48 heures n'est pas davantage, dans les circonstances de l'espèce, de nature à entacher d'irrégularité la procédure dès lors que la mise à pied dont faisait l'objet la requérante était alors dépourvue d'effet en raison de son placement en arrêt de travail ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2325-15 du code du travail : " L'ordre du jour des réunions du comité d'entreprise est arrêté par l'employeur et le secrétaire. / Toutefois, lorsque sont en cause des consultations rendues obligatoires par une disposition législative, réglementaire ou par un accord collectif de travail, elles y sont inscrites de plein droit par l'employeur ou le secrétaire " ; qu'aux termes de l'article L. 2421-3 du même code : " Le licenciement envisagé par l'employeur d'un délégué du personnel ou d'un membre élu du comité d'entreprise titulaire ou suppléant, d'un représentant syndical au comité d'entreprise ou d'un représentant des salariés au comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail est soumis au comité d'entreprise, qui donne un avis sur le projet de licenciement " ; qu'à la supposer même établie, la circonstance que l'ordre du jour de la réunion du comité d'entreprise du 12 décembre 2011 aurait été fixé unilatéralement par l'employeur est sans incidence sur la régularité de la procédure de licenciement, dès lors que la consultation de cette instance sur le projet de licenciement d'un membre du comité devait être inscrite de plein droit à l'ordre du jour de cette réunion en application des dispositions précitées de l'article L. 2421-3 du code du travail ;

4. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont avérés et d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;

5. Considérant que si Mme A...soutient avoir fait parvenir à son employeur la prolongation de son arrêt de travail du 3 octobre 2011 au 24 octobre 2011, elle ne l'établit pas ; qu'il ressort, en revanche, des pièces du dossier qu'elle n'a justifié de cette prolongation que le 7 décembre suivant, soit postérieurement à la réception de sa convocation à un entretien préalable au licenciement ; que la requérante avait déjà, à plusieurs reprises au cours de l'année 2011, tardé à faire parvenir certains de ses arrêts de travail, ce qui a conduit son employeur à lui adresser les lettres des 20 octobre et 4 novembre 2011 par lesquelles il lui demandait de justifier de cette absence et auxquelles elle n'a pas répondu ; qu'elle ne peut sérieusement soutenir que son employeur ne lui aurait pas opposé ses envois tardifs d'arrêts de travail alors que la lettre de convocation à l'entretien préalable évoque " les nouvelles absences injustifiées du mois d'octobre 2011 " ; que son état de santé ne faisait pas obstacle non plus à ce qu'elle puisse transmettre dans le délai requis ses arrêts de travail ; que, dès lors, eu égard à ce comportement récurrent, et alors que la société Stokomani fait valoir sans être sérieusement contestée que l'attitude de Mme A...a eu des répercussions sur l'organisation du travail dans le magasin où elle était employée, le ministre n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que ces faits étaient constitutifs d'une faute suffisamment grave pour justifier son licenciement ;

6. Considérant que Mme A...soutient que la première procédure disciplinaire engagée à son égard en mai 2010 pour un fait de vol a été concomitante à sa présentation sur une liste syndicale en vue des élections au comité d'entreprise ; que cette procédure a été engagée par son employeur alors qu'elle avait déjà fait l'objet de deux rappels à l'ordre en juillet 2008 et avril 2009 pour erreurs de caisse ; qu'il ressort des termes d'un rapport du 9 mai 2011 du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, qu'aucun acte de harcèlement de l'encadrement sur les effectifs ni sur Mme A...en particulier n'a pu être établi ; que Mme A..., qui n'a au demeurant pas répondu aux propositions de rendez-vous qui lui ont été faites par cette instance, n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause la teneur de ce rapport ; que, par ailleurs, la dégradation de son état de santé attestée par son médecin traitant est antérieure à l'obtention de son mandat représentatif et ne saurait, par suite, être la conséquence de pressions de l'encadrement liées à ce mandat ; que si le contrôleur du travail a effectué une visite dans l'établissement, relative aux conditions de travail des salariés, il ne ressort pas des pièces du dossier que la société Stokomani aurait tenu compte du rôle qu'aurait joué Mme A... dans le déclenchement de cette visite ; qu'enfin, la circonstance que six représentants du personnel sur vingt-deux ont fait l'objet de sanctions disciplinaires n'est pas suffisante pour établir que ces derniers feraient au sein de la société Stokomani l'objet de discrimination par la direction ; que, par suite, il n'est pas établi de ces différentes circonstances que la demande de licenciement soit en lien avec le mandat de la salariée ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ; que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à la société Stokomani.

Délibéré après l'audience publique du 3 mars 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 17 mars 2016.

Le rapporteur,

Signé : O. NIZETLe président de chambre,

Signé : P-L. ALBERTINILe greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Isabelle Genot

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14DA01514
Date de la décision : 17/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour faute. Existence d'une faute d'une gravité suffisante.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Olivier Nizet
Rapporteur public ?: Mme Pestka
Avocat(s) : LECOURT

Origine de la décision
Date de l'import : 01/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-03-17;14da01514 ?
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