La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/03/2016 | FRANCE | N°14DA01994-14DA02052

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 03 mars 2016, 14DA01994-14DA02052


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 26 janvier 2012 par lequel le recteur de l'académie de Lille l'a suspendu de ses fonctions de professeur certifié de mathématiques au collège Jean Monnet de Grand-Fort-Philippe et l'arrêté du 13 août 2012 par lequel le recteur de l'académie de Lille a décidé d'opérer une retenue de la moitié de son traitement et de l'indemnité de résidence ;

Par un jugement n° 1202193-1205601 du 21 octobre 2014 le tribunal administr

atif de Lille a, par l'article 1er de son jugement, rejeté la demande de M. D...tendan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 26 janvier 2012 par lequel le recteur de l'académie de Lille l'a suspendu de ses fonctions de professeur certifié de mathématiques au collège Jean Monnet de Grand-Fort-Philippe et l'arrêté du 13 août 2012 par lequel le recteur de l'académie de Lille a décidé d'opérer une retenue de la moitié de son traitement et de l'indemnité de résidence ;

Par un jugement n° 1202193-1205601 du 21 octobre 2014 le tribunal administratif de Lille a, par l'article 1er de son jugement, rejeté la demande de M. D...tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 janvier 2012 et par son article 2, annulé l'arrêté du 13 août 2012.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 14DA01994 le 19 décembre 2014, M. C... D..., représenté par la SELARL Detrez-Cambrai Avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement du 21 octobre 2014 du tribunal administratif de Lille ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 26 janvier 2012 du recteur de l'académie de Lille ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier faute pour le tribunal administratif de lui avoir communiqué un mémoire du ministre de l'éducation nationale de l'enseignement supérieur et de la recherche, enregistré le 17 septembre 2014 ;

- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis ;

- le lien de causalité entre son intervention pour mettre un élève en rang et la tentative de suicide de ce dernier n'est pas établi ;

- l'existence même de cette tentative n'est pas établie ;

- les faits reprochés ne sont pas d'une gravité telle qu'ils justifient la décision de suspension ;

- la décision de suspension constitue une sanction disciplinaire déguisée ;

- il est un professeur sérieux et apprécié.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 février 2016 le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D...ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 14DA02052 le 29 décembre 2014 le ministre de l'éducation nationale de l'enseignement supérieur et de la recherche demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 2 et 3 du jugement du 21 octobre 2014 du tribunal administratif de Lille ;

2°) de rejeter les conclusions dirigées contre l'arrêté du 13 août 2012 du recteur de l'académie de Lille, présentées par M. D...devant le tribunal administratif.

Il soutient avoir fait une exacte application de l'article 30 de la loi 83-634 du 13 juillet 1983 en diminuant la rémunération de M. D...dès lors que ce dernier faisait l'objet de poursuites pénales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mars 2015, M. C...D...représenté par la SELARL Detrez-Cambrai Avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- la requête est tardive ;

- les moyens soulevés par le ministre de l'éducation nationale de l'enseignement supérieur et de la recherche ne sont pas fondés.

Un mémoire, présenté par le ministre de l'éducation nationale de l'enseignement supérieur et de la recherche, a été enregistré le 5 février 2016.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Maryse Pestka, rapporteur public,

- et les observations de Me A...F...subsituant MeE..., représentant M.D....

1. Considérant que les deux requêtes visées ci-dessus, présentées par M. D...et par le ministre de l'éducation nationale de l'enseignement supérieur et de la recherche sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) la requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...) /. Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux " ;

3. Considérant que pour rejeter la demande présentée devant eux par M.D..., les premiers juges ne se sont pas fondés sur les faits et moyens que contenait le mémoire présenté par le ministre de l'éduction nationale de l'enseignement supérieur et de la recherche, enregistré au greffe du tribunal le 17 septembre 2014 ; que, par suite, la circonstance que le tribunal n'a pas communiqué ce mémoire à M. D...n'entache pas le jugement d'irrégularité ;

Sur la légalité de l'arrêté du 26 janvier 2012 :

4. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. (...) " ;

5. Considérant que la mesure provisoire de suspension prévue par ces dispositions législatives ne présente pas par elle-même un caractère disciplinaire ; qu'elle est uniquement destinée à écarter temporairement un agent du service, en attendant qu'il soit statué disciplinairement ou pénalement sur sa situation ; qu'elle peut être légalement prise dès lors que l'administration est en mesure d'articuler à l'encontre de l'intéressé des griefs qui ont un caractère de vraisemblance suffisant et qui permettent de présumer que celui-ci a commis une faute grave ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'il est notamment reproché à M. D... d'avoir, le 4 novembre 2011, poussé un élève qui en chutant s'est blessé à la jambe, d'en avoir frappé un second à la tête le 7 novembre 2011 et enfin, d'avoir le 13 janvier 2012 bousculé un élève, afin de le faire rentrer dans les rangs ; que, le soir même, cet élève faisait une tentative de suicide que ses parents mettent en relation avec l'attitude de M. D...à l'égard de leur fils ; qu'ainsi et alors même que l'intéressé conteste l'existence d'un lien entre son intervention pour assurer le bon ordre dans les rangs et la tentative de suicide de son élève, et produit de nombreuses attestations le décrivant comme un professeur sérieux et un collègue apprécié, ces faits présentaient au jour de la décision attaquée un caractère suffisant de vraisemblance et permettaient de présumer l'existence d'une faute grave de nature à justifier la décision attaquée ;

7. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté en litige dont l'objet se borne à suspendre provisoirement le requérant de ses fonctions, constituerait une sanction disciplinaire déguisée ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par son article 1er, le jugement attaqué du 21 octobre 2014 du tribunal administratif de Lille a écarté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 janvier 2012 ;

Sur la légalité de l'arrêté du 13 août 2012 :

9. Considérant qu'aux termes des deuxième et troisième alinéas de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 : " (...) Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, l'intéressé, sauf s'il est l'objet de poursuites pénales, est rétabli dans ses fonctions. / Le fonctionnaire qui, en raison de poursuites pénales, n'est pas rétabli dans ses fonctions peut subir une retenue qui ne peut être supérieure à la moitié de la rémunération mentionnée à l'alinéa précédent. Il continue, néanmoins, à percevoir la totalité des suppléments pour charges de famille " ;

10. Considérant qu'un fonctionnaire doit être regardé comme faisant l'objet de poursuites pénales au sens des dispositions précitées lorsque l'action publique pour l'application des peines a été mise en mouvement à son encontre ; que le déclenchement de l'action publique peut résulter du simple dépôt d'une plainte avec constitution de partie civile ou d'une citation directe de la victime ou de l'ouverture d'une information judiciaire sur réquisitoire du ministère public ;

11. Considérant qu'à l'issue de la période de quatre mois prévue par les dispositions précitées M. D...n'avait fait l'objet d'aucune décision de l'autorité détentrice du pouvoir disciplinaire, ni de poursuite pénale ; qu'il n'a toutefois pas été rétabli dans ses fonctions ; que ce choix de prolonger la période de suspension de l'intéressé ne saurait, comme il vient d'être dit, être fondé sur l'existence de poursuites pénales ; que, par suite, il résulte des termes mêmes du troisième alinéa des dispositions précitées que l'intéressé ne pouvait pas, dans ces circonstances, faire l'objet d'une retenue sur sa rémunération ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par M.D..., que le ministre de l'éduction nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par l'article 2 de son jugement du 21 octobre 2014 le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 13 août 2012 et par son article 3 a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. D...et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : Le recours du ministre de l'éduction nationale, de l'enseignement supérieure et de la recherche est rejeté.

Article 3 : L'Etat versera à M. D...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...D...et au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Délibéré après l'audience publique du 11 février 2015 d'audience à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller.

Lu en audience publique le 3 mars 2016.

Le rapporteur,

Signé : O. NIZETLe président de chambre,

Signé : P.-L. ALBERTINI

Le greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier

Isabelle Genot

''

''

''

''

N°14DA01994,14DA02052 3


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14DA01994-14DA02052
Date de la décision : 03/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-01 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Suspension.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Olivier Nizet
Rapporteur public ?: Mme Pestka
Avocat(s) : DETREZ-CAMBRAI ; DETREZ-CAMBRAI ; DETREZ-CAMBRAI

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-03-03;14da01994.14da02052 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award