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25/02/2016 | FRANCE | N°15DA01087

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 25 février 2016, 15DA01087


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés du 18 mars 2015 par lesquels le préfet du Nord, d'une part, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination pour l'exécution de cette obligation et, d'autre part, a ordonné son assignation à résidence.

Par un jugement n° 1502451 du 25 mars 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa d

emande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 juin 2015, M. D...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés du 18 mars 2015 par lesquels le préfet du Nord, d'une part, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination pour l'exécution de cette obligation et, d'autre part, a ordonné son assignation à résidence.

Par un jugement n° 1502451 du 25 mars 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 juin 2015, M. D...A..., représenté par Me C...B..., demande à la cour :

1°) de poser une question préjudicielle à la Cour justice de l'Union européenne relative à la conventionnalité des dispositions du a), b) et c) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avec les dispositions de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 et de surseoir à statuer dans l'attente de la réponse de la Cour ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler ce jugement ;

3°) d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés préfectoraux ;

4°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou à défaut d'examiner sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de le mettre en possession, dans cette attente, d'une autorisation provisoire de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à son conseil sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- la motivation retenue permet de constater que le préfet s'est refusé à examiner l'atteinte portée à la vie privée et familiale de l'intéressé par sa décision ;

- cette décision est illégale dès lors qu'il pouvait se voir délivrer de plein droit un titre de séjour sur le fondement des 4° ou 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle repose sur une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur sa situation personnelle ;

- la décision de refus de délai de départ volontaire est illégale dès lors que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquelles elle se fonde sont inconventionnelles au regard de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- la décision d'assignation à résidence est insuffisamment motivée ;

- elle repose sur un défaut d'examen de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a commis une erreur d'appréciation en fixant la durée de l'assignation à quarante-cinq jours.

La requête a été communiquée au préfet du Nord qui n'a pas produit de mémoire.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 mai 2015 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Douai et désignant Me C...B...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties on été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- et les observations de Me C...B..., représentant M.A....

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

1. Considérant qu'il ressort des termes de l'arrêté attaqué prononçant la mesure d'éloignement que le préfet du Nord a énoncé les raisons de fait et de droit qui justifiaient, selon lui, sa mesure ; qu'en particulier, il a motivé de manière suffisante sa décision au regard de la situation conjugale de l'intéressé sans être tenu de se prononcer distinctement sur la mise en oeuvre des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté d'éloignement du 18 mars 2015 doit écarté ; qu'une telle motivation ne permet pas, en outre, de constater que le préfet s'est, contrairement à ce qui est allégué, refusé à examiner l'atteinte à la vie privée et familiale de l'intéressé ;

2. Considérant que, selon les dispositions du 7° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire : " L'étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint ait conservé la nationalité française " ;

3. Considérant que M.A..., de nationalité ivoirienne, s'est marié en France avec une ressortissante française le 7 mars 2015, soit depuis moins de trois ans à la date de l'arrêté attaqué ; que par suite, il n'entrait pas dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire en vertu des dispositions citées au point précédent ;

4. Considérant qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une telle mesure à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse lui être fait légalement obligation de quitter le territoire français ;

5. Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un titre de séjour est délivré de plein droit notamment en vertu du 4° au conjoint de français ou sur le fondement du 7° en raison de l'atteinte excessive à la vie privée et familiale que comporterait une décision de refus ; que ces deux dispositions, dont M. A... se prévaut, ne prévoient toutefois pas une dispense de la condition prévue à l'article L. 311-7 du même code selon laquelle l'octroi du titre de séjour est subordonné à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ; qu'il est constant que M. A...est entré en France sans être muni d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ; que, par suite, il n'entrait pas davantage dans la catégorie des étrangers qui peuvent bénéficier de plein droit d'une carte de séjour en vertu des 4° ou 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.A..., ressortissant ivoirien né le 8 décembre 1971, déclare être entré en France à la fin de l'année 2014 ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'il a résidé auparavant en Belgique et a vécu dans la région de Bruxelles en couple avec une ressortissante française ; que sa demande de titre de séjour belge déposée le 6 septembre 2013 a été refusé le 4 mars 2014 par les autorités de ce pays ; que le couple se serait alors installé en France à Lille à partir du mois de septembre 2014 ; qu'un bail pour un logement commun a été signé en janvier 2015 et le mariage a été célébré en mairie de Lille le 7 mars 2015, soit quelques jours avant l'intervention de la décision attaquée qui a été prise le 18 mars 2015 ; qu'à cette date, la vie commune en France ainsi que le mariage étaient particulièrement récents ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que, compte tenu de la durée et des conditions du séjour en France et, notamment de la situation de la conjointe de M. A...ou du couple, l'obligation de quitter le territoire français dont fait l'objet l'intéressé, qui ne s'oppose pas à un retour en France dans des conditions régulières, a porté au droit de ce dernier au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été prise ; que, pour les mêmes raisons, cette décision, qui ne porte pas, en outre, atteinte à la libre circulation de la conjointe de M. A...citoyenne de l'Union européenne, n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M.A... ;

Sur le refus de délai de départ volontaire :

7. Considérant que les dispositions du paragraphe II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur lesquelles s'est fondée l'autorité préfectorale pour refuser un délai de départ volontaire, qui fixent des critères objectifs permettant de penser que l'étranger faisant l'objet de la mesure d'éloignement est susceptible de prendre la fuite, ne sont pas incompatibles avec celles de la directive 2008/115/CE que la loi du 16 juin 2011 a eu pour objet de transposer ; qu'en prévoyant que des circonstances particulières peuvent faire obstacle à ce que le risque de fuite soit considéré comme établi dans l'hypothèse où un étranger entrerait dans un des six cas définis par le 3° du II de l'article L. 511-1 du code précité, le législateur a imposé à l'administration un examen de la situation particulière de chaque étranger, à même d'assurer le respect du principe de proportionnalité entre les moyens et les objectifs poursuivis lorsqu'il est recouru à des mesures coercitives ; que, par suite et sans qu'il soit besoin de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, le moyen, tiré de l'incompatibilité des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avec la directive 2008/115/CE, doit être écarté ;

8. Considérant qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par le premier juge, d'écarter le moyen repris à l'identique en appel tiré de la violation, au cas d'espèce, des dispositions des a) et f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision fixant le pays de destination par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ;

Sur l'assignation à résidence :

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve de la durée maximale de l'assignation, qui ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois " ;

11. Considérant que l'arrêté assignant M. A...à résidence dans l'arrondissement de Lille pour une durée de quarante-cinq jours, comporte les raisons de fait et de droit qui en constituent le fondement ; qu'en prenant cette mesure et en retenant le domicile de l'intéressé, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Nord n'a pas pris en considération l'atteinte à la vie privée et familiale de ce dernier au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le préfet n'était pas tenu de motiver spécifiquement sa décision sur ce point en l'absence d'éléments particuliers le nécessitant ; qu'il n'avait pas davantage à préciser préalablement et dans les motifs de sa décision les éléments justifiant qu'il existait une perspective raisonnable d'éloignement ;

12. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en retenant comme délai d'assignation à résidence celui maximal de quarante-cinq jours, le préfet n'a pas pris en compte les circonstances de l'espèce et se soit estimé en compétence liée ;

13. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, le préfet du Nord a choisi d'assigner à résidence l'intéressé qui était entré irrégulièrement en France, n'avait accompli aucune démarche en vue de solliciter la régularisation de sa situation ; qu'il devait également s'assurer de sa présence en vue d'assurer un départ effectif dans les plus brefs délai ; que, dans ces conditions, cette autorité n'a pas fait une inexacte application des dispositions rappelées au point 10 ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre ; que, par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées par son conseil sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A..., au ministre de l'intérieur et à Me C...B....

Copie en sera adressée pour information au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 4 février 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- M. Christian Bernier, président-assesseur,

- M. Hadi Habchi, premier conseiller.

Lu en audience publique le 25 février 2016.

Le président-assesseur,

Signé : C. BERNIERLe premier vice-président de la cour,

Président-rapporteur,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Isabelle Genot

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N°15DA01087 7


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA01087
Date de la décision : 25/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Autorisation de séjour - Octroi du titre de séjour - Délivrance de plein droit.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière - Légalité interne - Étrangers ne pouvant faire l`objet d`une OQTF ou d`une mesure de reconduite.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Olivier Yeznikian
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : HERDEWYN

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-02-25;15da01087 ?
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