Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par deux requêtes distinctes, M. A...E...a demandé au tribunal administratif de Lille la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2005 à 2007 et, d'autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007, ainsi que des pénalités correspondantes.
Après avoir prononcé la jonction de ces demandes, le tribunal administratif de Lille les a rejetées par un jugement nos 1104500-1104501 du 26 décembre 2013.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 février 2014, M. E..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 26 décembre 2013 du tribunal administratif de Lille ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ont été méconnues dès lors que le vérificateur ne l'a pas informé de la nature et de la teneur des renseignements et documents obtenus par l'exercice du droit de communication et ne l'a pas mis à même d'en demander la communication.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juillet 2014, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le contribuable a été informé de la teneur et l'origine des renseignements et documents obtenus par l'exercice du droit de communication ;
- ces documents et renseignements, consistant en des factures d'achats auprès des fournisseurs, étaient nécessairement connus du contribuable ;
- ils ont été mis à sa disposition ;
- le contribuable, qui supporte la charge de la preuve, n'établit pas l'exagération des bases d'imposition en litige.
Par un mémoire, enregistré le 15 mai 2015, M.E..., représenté par MeD..., conclut aux mêmes fins que sa requête.
Il soutient, en outre, que :
- l'année 2005 est prescrite ;
- il ne supporte pas la charge de la preuve ;
- les prix de vente pris en compte par le vérificateur ne correspondent pas à ceux pratiqués pendant la période vérifiée ;
- les offres promotionnelles momentanées sont courantes, notamment en fin de marché le dimanche matin, et n'ont pas été prises en compte ;
- le taux de perte à la découpe sur le boeuf n'est pas de 15 % mais de 25 % ;
- la répartition des viandes par secteurs de vente est inexacte ;
- il n'a pas délibérément éludé l'impôt.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Domingo, premier conseiller,
- les conclusions de M. Guyau, rapporteur public,
- et les observations de Me B...substituant MeD..., représentant M.E....
1. Considérant qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité de l'activité de boucherie de M. E..., l'administration fiscale, après avoir constaté le défaut de présentation de la comptabilité, a reconstitué le chiffre d'affaires de l'entreprise ; qu'elle a mis à la charge de M. E... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2005 à 2007 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007 ; que M. E...relève appel du jugement du 26 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande " ;
3. Considérant qu'il résulte des termes de la proposition de rectification du 24 décembre 2008, notifiée le même jour à M.E..., et de la proposition de rectification du 28 mai 2009, réceptionnée par l'intéressé le 2 juin 2009, que l'administration l'a informé de l'exercice de son droit de communication auprès de quatorze de ses fournisseurs, dont elle a indiqué les noms et adresses, et a fait figurer en annexe à ces propositions de rectification la liste des factures d'achats de viande, présentées par les fournisseurs avec notamment l'indication du numéro de facture, du produit acheté, de sa quantité et de son prix, qu'elle a utilisées pour reconstituer le chiffre d'affaires de l'entreprise de M.E..., soit que ces factures aient été remises par ce dernier au vérificateur, soit qu'elles aient été obtenues par l'exercice du droit de communication ; qu'ainsi, M. E...a été régulièrement informé de la teneur et de l'origine des renseignements obtenus par l'administration dans le cadre de l'exercice de son droit de communication au cours des opérations de contrôle, lui permettant d'en vérifier, et le cas échéant d'en discuter, l'authenticité et la teneur ;
4. Considérant que, lorsque le contribuable en fait la demande à l'administration, celle-ci est tenue de lui communiquer les documents ou copies de documents contenant les renseignements obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés, sauf si leur nature ou leur volume nécessitent une communication sous forme de consultation dans les locaux du service ; qu'en l'espèce, le volume des documents recueillis par l'administration, consistant en des factures d'achats auprès de plusieurs fournisseurs pour trois années consécutives, faisait obstacle à leur transmission au contribuable sous forme de copies ; qu'ainsi, l'administration a pu, sans entacher la procédure d'imposition d'irrégularité, indiquer à M.E..., dans la réponse du 15 septembre 2009 aux observations du 27 juillet 2009 par lesquelles l'intéressé sollicitait la communication des renseignements obtenus par l'administration auprès de ses fournisseurs, que devant la masse importante de ces pièces, celles-ci étaient mises à sa disposition dans les locaux de l'administration ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne la prescription de l'année 2005 :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due " ; qu'aux termes de l'article L. 189 du même livre : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification (...) " ;
6. Considérant que la proposition de rectification du 24 décembre 2008, notifiée le même jour à M. E..., soit avant l'expiration du délai de reprise prévu par les dispositions citées ci-dessus de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales s'agissant de l'année 2005, a eu pour effet, dès lors qu'il est constant qu'elle était suffisamment motivée, d'interrompre la prescription ; que si l'administration a ensuite adressé à M.E..., le 28 mai 2009, une nouvelle proposition de rectification qui, dans la limite des redressements initialement notifiés, a eu pour effet d'annuler et de remplacer la proposition du 24 décembre 2008 s'agissant de l'année 2005, cette circonstance n'a pas privé cette première proposition de rectification de son effet interruptif de prescription ;
En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires :
7. Considérant que le vérificateur a dressé, le 18 novembre 2008, un procès-verbal pour défaut de présentation de comptabilité, signé par M.E..., dans la mesure où celui-ci ne lui a communiqué aucun document comptable s'agissant des exercices clos en 2005, 2006 et 2007, notamment le grand livre, le livre journal ou le livre de caisse de chacun de ces exercices ; que, dans ces conditions, l'administration pouvait procéder à la reconstitution extra-comptable des recettes de M. E... ;
8. Considérant qu'à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu et dès lors que les impositions contestées ont été établies conformément à l'avis rendu le 18 juin 2010 par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, il incombe au requérant, en vertu des dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, de démontrer l'exagération de ses bases d'imposition ;
9. Considérant que le contribuable à qui incombe la charge de prouver l'exagération de l'évaluation administrative peut, s'il n'est pas en mesure d'établir le montant exact de ses résultats en s'appuyant sur une comptabilité régulière et probante, soit critiquer la méthode d'évaluation que l'administration a suivie en vue de démontrer que cette méthode aboutit, au moins sur certains points et pour un certain montant, à une exagération des bases imposables, soit encore aux mêmes fins, soumettre à l'appréciation du juge une autre méthode d'évaluation permettant de déterminer les bases d'imposition avec une précision meilleure que celle pouvant être atteinte par la méthode initialement utilisée par l'administration ;
10. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour reconstituer le chiffre d'affaires de l'activité de boucherie de M. E...au titre des années 2005, 2006 et 2007, le vérificateur s'est fondé sur des données propres à l'exploitation pour déterminer, à partir de l'analyse des factures d'achats de viande, le montant des achats revendus sur la base de relevés des prix établis contradictoirement ; qu'il a appliqué aux quantités de viande achetées des abattements différents selon les produits pour tenir compte des pertes ; que le vérificateur a procédé, en dehors des produits de charcuterie et de volaille vendus à la pièce, à une ventilation des produits achetés en secteurs de vente selon l'utilisation qui est faite de la viande, telle que de la viande hachée, des biftecks, des côtelettes ou encore des merguez ; que selon les secteurs de vente, il a également procédé à une répartition des achats revendus par lots de 1 kilogramme ou par lots de 3 kilogrammes ;
11. Considérant que M.E..., qui ne démontre pas que la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires serait radicalement viciée dans son principe ou excessivement sommaire, fait toutefois valoir que les prix de vente mentionnés par le service pour reconstituer les résultats de l'entreprise, ne correspondraient pas à ceux pratiqués lors des années vérifiées et ne tiendraient pas compte de l'inflation constatée sur le prix d'achat de certains produits ; qu'il résulte cependant de l'instruction que, lors des opérations de contrôle, des relevés contradictoires des prix ont été établis le 18 décembre 2008, le 23 décembre 2008 et le 30 janvier 2009 en présence de M.E... et que ce dernier n'établit pas, par des pièces probantes, l'inexactitude des prix relevés par le service alors surtout que le requérant a déclaré au vérificateur, ainsi qu'il ressort de la proposition de rectification du 28 mai 2009, que ses prix de vente n'avaient pas évolué, ni à la hausse, ni à la baisse en raison des faibles moyens économiques de sa clientèle ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que les prix de vente utilisés par l'administration pour déterminer le montant des achats revendus seraient inexacts doit être écarté ;
12. Considérant qu'en l'absence de pièces justificatives ou probantes, il n'est pas établi que les pertes à la découpe retenus pour les caparaçons et les flanchets à hauteur de 15 %, au lieu de 25 % selon le requérant, auraient été insuffisamment prises en compte par l'administration et ne correspondraient pas aux conditions réelles d'exploitation ; qu'en outre, si M. E...soutient qu'il pratique régulièrement des offres promotionnelles, notamment le dimanche matin en fin de marché et en particulier pour les volailles qui ont une date de péremption plus courte, il ne justifie pas, après avoir admis ne pas pouvoir chiffrer précisément la proportion de volailles vendues à des prix réduits, qu'un pourcentage de perte à hauteur de 2,5 % du chiffre d'affaires soit appliqué à ces produits vendus à la pièce ;
13. Considérant qu'il n'est pas davantage démontré que la ventilation des produits achetés entre les différents secteurs de vente selon l'utilisation faite de la viande serait erronée, alors que l'administration s'est fondée sur les conditions réelles d'exploitation de la boucherie de M. E... ; que si, à la suite d'une erreur matérielle, la ventilation opérée par le vérificateur conduit, pour les seuls avants de boeuf, à retenir un pourcentage équivalent à 101 % du produit acheté, cette circonstance n'est pas de nature, à elle seule, à établir que la méthode suivie par le service ne serait pas fiable ;
Sur les pénalités :
14. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ;
15. Considérant que, pour justifier l'application des majorations prévues par les dispositions précitées du code général des impôts aux rehaussements d'impôt assignés à M. E... au titre des années 2005, 2006 et 2007, l'administration a relevé que l'intéressé ne tenait pas de comptabilité et a été dans l'impossibilité de présenter des documents comptables au vérificateur, alors que les mêmes insuffisances en matière comptable avaient été constatées lors d'un précédent contrôle portant sur la période du 5 août 2003 au 31 décembre 2003 ; que M. E... ne peut utilement se prévaloir ni de la circonstance que ses employés seraient dans l'incapacité de se servir d'une caisse enregistreuse qu'il n'était pas lui-même dispensé d'utiliser, ni qu'il aurait omis de déclarer plus de 60 000 euros de charges déductibles en 2005 alors que les graves irrégularités affectant sa comptabilité ont favorisé des omissions importantes de revenus ; que l'administration doit, dès lors, être regardée comme établissant l'intention délibérée de M. E... d'éluder l'impôt au titre des années en litige ;
16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. E... la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E...et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 26 janvier 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Michel Hoffmann, président de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- M. Laurent Domingo, premier conseiller.
Lu en audience publique le 9 février 2016.
Le rapporteur,
Signé : L. DOMINGOLe président de chambre,
Signé : M. F...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque
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N°14DA00356