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31/12/2015 | FRANCE | N°15DA01194

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 31 décembre 2015, 15DA01194


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...D...a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler l'arrêté en date du 9 février 2015 par lequel le préfet de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office, d'autre part, d'enjoindre, sous astreinte, au préfet de l'Oise de lui délivrer un titre de séjour, à défaut, de procéder à un nouvel examen de s

a situation, enfin, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au ti...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...D...a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler l'arrêté en date du 9 février 2015 par lequel le préfet de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office, d'autre part, d'enjoindre, sous astreinte, au préfet de l'Oise de lui délivrer un titre de séjour, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation, enfin, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 1500796 du 23 juin 2015, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 juillet 2015, MmeD..., représentée par Me C...B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 23 juin 2015 et l'arrêté du préfet de l'Oise en date du 9 février 2015 ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Oise de lui délivrer, dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".

Elle soutient que :

- elle était en situation, à la date à laquelle l'arrêté contesté a été pris, de se voir délivrer de plein droit une carte de séjour temporaire sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est contraire à l'intérêt de ses enfants, tel que protégé par le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant la République démocratique du Congo comme le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2015, le préfet de l'Oise conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- en tant qu'il est dirigé contre la décision de refus de séjour prononcée au seul titre de l'asile, le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant ;

- les autres moyens soulevés par Mme D...ne sont pas fondés.

Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 août 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Sur la légalité du refus de séjour :

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : / (...) / 8° A l'étranger qui a obtenu le statut de réfugié en application du livre VII du présent code (...) " et qu'aux termes de l'article L. 742-7, alors en vigueur, de ce code : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre, doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prévue au titre Ier du livre V et, le cas échéant, des pénalités prévues au chapitre Ier du titre II du livre VI " ;

2. Considérant qu'aucune disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'impose à l'autorité préfectorale, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'admission au séjour au seul titre de l'asile, d'examiner d'office si le demandeur peut prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur un autre fondement, même si elle conserve la faculté de faire usage, à titre gracieux, du pouvoir de régularisation qui lui est reconnu ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 9 février 2015 en litige a pour seul objet de se prononcer sur la demande de titre de séjour que MmeD..., ressortissante de la République démocratique du Congo, avait présentée au titre de l'asile ; que la demande d'asile que l'intéressée a formée le 2 avril 2013 a fait l'objet d'une décision de rejet par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 18 juin 2014, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 15 décembre 2014 ; que le préfet de l'Oise, qui n'a pas examiné la demande de Mme D... sur un autre fondement que celui de l'asile, mais s'est seulement assuré, avant de lui faire obligation de quitter le territoire français, de ce qu'elle n'était pas dans une situation faisant légalement obstacle au prononcé d'une telle mesure, était ainsi tenu de refuser à l'intéressée la délivrance de la carte de résident qu'elle sollicitait sur le seul fondement du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré par Mme D... de ce que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour aurait été prise en méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté comme inopérant ;

Sur la légalité de la décision faisant obligation au requérant de quitter le territoire français :

3. Considérant qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une telle mesure à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse lui être fait légalement obligation de quitter le territoire français ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire / (...) " et qu'aux termes de l'article L. 511-4 de ce code : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi (...) " ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des certificats médicaux émis les 30 mai, 11 septembre, 3 octobre et 17 décembre 2014, ainsi que le 13 avril 2015 par le docteur Azad, praticien hospitalier exerçant au centre médico-psychologique de Liancourt (Oise), que Mme D... souffre d'un syndrome de stress post-traumatique qui se manifeste notamment par un état dépressif et anxieux, ainsi que par des épisodes de panique et des cépahlées anxiogéniques ; que ces documents précisent que cette pathologie a justifié la prescription d'un traitement médicamenteux, malgré lequel l'état de l'intéressée demeure fragile, ainsi que la mise en place d'un suivi psychiatrique régulier qu'il est nécessaire de maintenir sauf à l'exposer à des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que, toutefois, ces seuls documents, qui se bornent à émettre des doutes sur la disponibilité d'une prise en charge médicale appropriée à l'état de santé de Mme D... dans son pays d'origine, ne sont pas de nature à établir l'indisponibilité d'une telle prise en charge ; qu'à cet égard, le préfet de l'Oise fait valoir, sans être contredit, que, selon des informations provenant de l'ambassade de France en République démocratique du Congo et corroborées par plusieurs rapports publiés par des organisations non gouvernementales, les anti-anxiolytiques, antihistaminiques et antidépresseurs figurent parmi les médicaments disponibles dans ce pays, qui dispose de structures hospitalières spécialisées dans la prise en charge des troubles psychiatriques ; qu'au demeurant, le médecin de l'agence régionale de santé, consulté sur la base d'une demande ultérieure de l'intéressée, a confirmé la disponibilité, dans son pays d'origine, d'un traitement approprié à son état ; qu'il suit de là qu'il n'est pas établi que la requérante était, comme elle le soutient, en situation, à la date à laquelle l'arrêté contesté a été pris, de prétendre de plein droit à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni qu'elle aurait été au nombre des étrangers visés par les dispositions précitées de l'article L. 511-4 de ce code qui ne peuvent légalement faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ;

6. Considérant qu'aux termes des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation ;

7. Considérant que Mme D..., dont, ainsi qu'il a été dit au point 2, les allégations afférentes aux risques qu'elle encourrait en cas de retour dans son pays d'origine n'ont convaincu ni l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, ni la Cour nationale du droit d'asile, n'établit pas que des circonstances particulières feraient obstacle à ce qu'elle puisse emmener, le cas échéant, ses trois enfants, nés en 2006, 2009 et 2010, afin de reconstituer sa vie familiale en République démocratique du Congo, où elle n'établit pas être dépourvue d'attaches ; qu'ainsi, pour lui faire obligation de quitter le territoire français, le préfet de l'Oise n'a pas porté une attention insuffisante à l'intérêt supérieur de ces enfants, eu égard à leur jeune âge et malgré leur scolarisation en école primaire et maternelle, ni n'a, par suite, méconnu les stipulations précitées du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

8. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

9. Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être regardé comme dirigé contre la seule décision fixant la République démocratique du Congo comme le pays à destination duquel Mme D... pourra être reconduite d'office ; que, toutefois, l'intéressée ne produit aucun élément probant de nature à établir la réalité des risques personnels, directs et actuels qu'elle encourrait en cas de retour dans ce pays ; qu'au demeurant, il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 2, que sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 18 juin 2014, confirmée le 15 décembre 2014 par la Cour nationale du droit d'asile ; qu'ainsi, le préfet de l'Oise n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour prendre cette décision ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D...et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet de l'Oise.

Délibéré après l'audience publique du 17 décembre 2015 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 31 décembre 2015.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PAPINLe président de chambre,

Signé : P.-L. ALBERTINI

Le greffier,

Signé : M.-T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

Marie-Thérèse Lévèque

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N°15DA01194


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA01194
Date de la décision : 31/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: Mme Pestka
Avocat(s) : SCP CARON-DAQUO-AMOUEL-PEREIRA

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-12-31;15da01194 ?
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