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31/12/2015 | FRANCE | N°15DA00925

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 31 décembre 2015, 15DA00925


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler l'arrêté en date du 20 janvier 2015 par lequel le préfet de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de tente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office, d'autre part, de faire injonction, sous astreinte, au préfet de la Somme de lui délivrer un titre de séjour, enfin, de mettre une somme de 1 000 euros

à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice admin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler l'arrêté en date du 20 janvier 2015 par lequel le préfet de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de tente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office, d'autre part, de faire injonction, sous astreinte, au préfet de la Somme de lui délivrer un titre de séjour, enfin, de mettre une somme de 1 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1500373 du 7 mai 2015, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 juin 2015, M.A..., représenté par Me D...B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 7 mai 2015 et l'arrêté du préfet de la Somme en date du 20 janvier 2015 ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Somme, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier pour omission de réponse à plusieurs moyens et pour erreur de fait ;

- la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- le préfet de la Somme ne s'est pas livré à un examen suffisamment approfondi de sa demande au regard du fondement invoqué ;

- cette décision de refus de séjour méconnaît l'article 6 de la décision n°1/80 du Conseil d'association du 19 septembre 1980 relative au développement entre la Communauté économique européenne et la Turquie ;

- cette même décision méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- pour lui opposer ce refus, le préfet de la Somme a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;

- l'illégalité de la décision de refus de séjour emporte celle de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.

Les pièces du dossier révèlent que le préfet de la Somme a régulièrement reçu communication de la requête le 17 juin 2015 et n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la décision 64-732 CEE du Conseil du 23 décembre 1963 portant conclusion de l'accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie ;

- le règlement CEE n° 2760/72 du Conseil du 19 décembre 1972 portant conclusion du protocole additionnel ainsi que du protocole financier, signés le 23 novembre 1970, annexés à l'accord susvisé ;

- la décision n° 1/80 du Conseil d'association du 19 septembre 1980 relative au développement entre la Communauté économique européenne et la Turquie ;

- la décision n° C-237/91 du 16 décembre 1992 de la Cour de justice des communautés européennes ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Sur la régularité du jugement attaqué :

1. Considérant qu'il ressort de l'examen des motifs du jugement attaqué que le tribunal administratif d'Amiens a répondu aux moyens tirés par M.A..., d'une part, de l'insuffisante motivation de la décision de refus de séjour contestée, d'autre part, de ce que, pour prendre cette décision, le préfet de la Somme aurait omis d'examiner sa demande au regard de l'article 6 de la décision n° 1/80 du Conseil d'association du 19 septembre 1980 relative au développement entre la Communauté économique européenne et la Turquie ; que les premiers juges n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments développés au soutien de ces moyens ; qu'il suit de là que ce jugement n'est entaché d'aucune omission de réponse aux moyens qui étaient soumis aux premiers juges ;

2. Considérant que, si M. A...soutient que le tribunal administratif d'Amiens aurait entaché son jugement d'erreur de fait, une telle circonstance, à la supposer même établie, serait sans incidence sur la régularité de ce jugement ;

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

3. Considérant qu'il ressort des motifs de l'arrêté contesté du préfet de la Somme en date du 20 janvier 2015 que ceux-ci comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles est fondée la décision refusant à M. A..., ressortissant turc, la délivrance d'un titre de séjour ; que, par suite et alors même que ces motifs ne font pas une référence expresse à la décision n° 1/80 du Conseil d'association du 19 septembre 1980 relative au développement entre la Communauté économique européenne et la Turquie, que le conseil de M. A...avait invoquée à titre complémentaire au soutien de la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'intéressé dans le but d'être autorisé à exercer en France une activité salariée, la décision de refus de séjour en litige est suffisamment motivée ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la décision du 19 septembre 1980 du conseil d'association institué par l'accord d'association conclu le 12 septembre 1963, entre la Communauté économique européenne et la République de Turquie : " 1. Sous réserve des dispositions de l'article 7 relatif au libre accès à l'emploi des membres de sa famille, le travailleur turc, appartenant au marché régulier de l'emploi d'un Etat membre : / - a droit, dans cet Etat membre, après un an d'emploi régulier, au renouvellement de son permis de travail auprès du même employeur, s'il dispose d'un emploi (...) " ;

5. Considérant qu'il résulte de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes en date du 16 décembre 1992 que l'article 6 premier paragraphe, premier tiret, de la décision du 19 septembre 1980 du conseil d'association, qui a un effet direct en droit interne, doit être interprété en ce sens que, d'une part, un ressortissant turc qui a obtenu un permis de séjour sur le territoire d'un Etat membre et y a travaillé depuis plus d'un an auprès du même employeur sous le couvert d'un permis de travail valide a droit au renouvellement de son permis de travail en vertu de cette disposition et que, d'autre part, un travailleur turc qui remplit les conditions de l'article 6, premier paragraphe, premier tiret, de la décision susmentionnée peut obtenir, outre la prorogation du permis de travail, celle du permis de séjour, le droit de séjour étant indispensable à l'accès et à l'exercice d'une activité salariée ; que, toutefois, si M. A...a invoqué, en cours d'examen de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, le bénéfice de l'article 6 de la décision du 19 septembre 1980 et s'il n'est pas contesté que l'intéressé est employé en tant que maçon depuis le 23 septembre 2013 sous contrat à durée indéterminée, par la société ECRK qui exerce son activité dans le secteur du bâtiment et a son siège dans le département des Yvelines, il ne ressort d'aucune des pièces versées au dossier que l'intéressé aurait été, comme il se borne à l'alléguer, en possession du titre de séjour et de l'autorisation de travail requis pour lui permettre d'occuper régulièrement cet emploi ; qu'ainsi, M. A...ne pouvait utilement se prévaloir, au soutien de sa demande de titre de séjour, des dispositions précitées de l'article 6 de la décision du 19 septembre 1980, dans le champ d'application desquelles il n'entrait pas ; que, dans ces conditions et alors même que l'arrêté contesté ne fait pas référence à ces dispositions, il n'est pas établi que, pour refuser de régulariser sa situation administrative, le préfet de la Somme se serait livré à un examen insuffisamment attentif de sa demande ; que M. A...ne peut, à cet égard, utilement se prévaloir des prévisions de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 qui ne s'imposaient pas à l'autorité préfectorale ; qu'enfin, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 6 de la décision du 19 septembre 1980 ne peut qu'être écarté ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / (...) " et qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. (...) " ;

7. Considérant que M.A..., qui serait entré sur le territoire français le 1er août 2006, soutient qu'il résidait habituellement depuis plus de huit années à la date à laquelle la décision de refus de séjour du 20 janvier 2015 a été prise et de ce qu'il est bien intégré à la société française et inséré professionnellement ; que, toutefois, l'intéressé n'apporte aucun élément de nature à justifier de l'ancienneté de séjour dont il se prévaut ; qu'en outre, il admet ne pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, dans lequel il a vécu au moins jusqu'à l'âge de dix-huit ans ; que, dans ces conditions, eu égard aux conditions irrégulières du séjour de M. A... et malgré les perspectives d'insertion professionnelle régulière dont il pourrait se prévaloir, la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, cette décision n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en outre et en tout état de cause, cette décision n'a pas davantage été prise en méconnaissance des dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne constituaient pas le fondement de sa demande de titre de séjour ; qu'enfin et dans ces circonstances, pour refuser de régulariser la situation administrative de l'intéressé, le préfet de la Somme n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé ;

8. Considérant qu'eu égard à ce qui vient d'être dit aux points 3 à 7, le moyen tiré de ce que la décision de refus de séjour serait entachée d'illégalités de nature à affecter la décision faisant obligation à M. A...de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction assortie d'astreinte et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet de la Somme.

Délibéré après l'audience publique du 17 décembre 2015 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 31 décembre 2015.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PAPINLe président de chambre,

Signé : P.-L. ALBERTINI

Le greffier,

Signé : M.-T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

Marie-Thérèse Lévèque

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N°15DA00925

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA00925
Date de la décision : 31/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: Mme Pestka
Avocat(s) : DEMIR

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-12-31;15da00925 ?
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