Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...E...F...C...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 7 juillet 2015 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a fixé le pays vers lequel il sera éloigné et a ordonné son placement en rétention administrative.
Par un jugement n° 1505614 du 13 juillet 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 7 juillet 2015.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 août et 22 octobre 2015, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. F...C...devant le tribunal administratif de Lille.
Il soutient que l'interdiction définitive du territoire français judiciaire qui est la base légale de l'arrêté en litige, concerne effectivement l'étranger en cause.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 12 octobre et 6 novembre 2015, M. A...E...F...C..., représenté par Me I...D..., conclut au rejet de la requête du préfet du Pas-de-Calais et à la mise à la charge de l'Etat du versement d'une somme de 2 000 euros à son conseil sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et celles de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le moyen de la requête n'est pas fondé ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;
- il n'a pas été mis en possession d'un laissez-passer consulaire contrairement à ce qu'énonce l'arrêté litigieux ;
- le préfet a commis une erreur d'appréciation en ordonnant son placement en rétention administrative.
M. F...C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 octobre 2015 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Douai désignant Me I...D....
II. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 août et 22 octobre 2015, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :
1°) d'ordonner, sur le fondement des dispositions des articles R. 811-15, R. 811-16 et R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à l'exécution du jugement du 13 juillet 2015 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille.
Il soutient que :
- les moyens de sa requête d'appel sont sérieux ;
- les conséquences de l'exécution du jugement son difficilement réparables.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2015, M. A...E...F...C..., représenté par Me I...D..., conclut au rejet de la demande de sursis à l'exécution du jugement et à la mise à la charge de l'Etat du versement d'une somme de 2 000 euros à son conseil sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et celles de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la requête du préfet est irrecevable ;
- les deux conditions du moyen sérieux et des conséquences difficilement réparables ne sont pas vérifiées.
M. F...C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 octobre 2015 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Douai désignant Me I...D....
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signé à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code pénal ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Olivier Yeznikian, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
1. Considérant, d'une part, qu'aux termes des premiers alinéas des dispositions de l'article 131-30 du code pénal : " Lorsqu'elle est prévue par la loi, la peine d'interdiction du territoire français peut être prononcée, à titre définitif ou pour une durée de dix ans au plus, à l'encontre de tout étranger coupable d'un crime ou d'un délit. / L'interdiction du territoire entraîne de plein droit la reconduite du condamné à la frontière, le cas échéant, à l'expiration de sa peine d'emprisonnement ou de réclusion " ;
2. Considérant, d'autre part, qu'aux termes des dispositions de l'article L. 551-1 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : / (...) / 3° Doit être reconduit à la frontière en exécution d'une interdiction judiciaire du territoire prévue au deuxième alinéa de l'article 131-30 du code pénal ; / (...) " ;
3. Considérant que M. F...C..., ressortissant angolais né le 7 juillet 1968, déclare être entré en France au cours l'année 1989 ; que, pour l'exécution de la peine d'interdiction définitive du territoire français prononcée par un jugement du 8 décembre 1995 devenu définitif de la vingt-troisième chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris, le préfet du Pas-de-Calais a pris à l'encontre de M. F...C...un arrêté fixant le pays de destination vers lequel il sera reconduit et ordonnant son placement en rétention administrative ; qu'il ressort du jugement de la chambre correctionnelle que la peine a été prononcée à l'encontre d'un dénommé X se disant Victor Manuel alias B...G...alias E...A...; qu'en outre, la fiche d'interdiction du territoire français de X se disant Victor Manuel signé par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris le 27 mars 2015 fait apparaître une mention manuscrite " alias F...C...A...E...né le 07-07-68 à Luanda (Angola) " ; qu'en cause d'appel, l'autorité préfectorale produit le procès-verbal d'audition du 17 avril 2014 au cours de laquelle M. F...C..., alors incarcéré à... ; que, contrairement à ce qu'il allègue par ailleurs, M. F... C...n'apporte aucun élément permettant de constater que cette interdiction du territoire prononcée par le juge judiciaire ait fait l'objet d'un relèvement ou même qu'une telle procédure aurait été engagée devant la juridiction judiciaire, ni que cette peine ne pourrait plus être exécutée ; que, dans ces conditions, l'arrêté du 7 juillet 2015 du préfet du Pas-de-Calais qui tend à exécuter la mesure judiciaire n'est pas privé de base légale ; que, par suite, ce dernier est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a retenu un tel motif pour prononcer l'annulation de sa décision ;
4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. F...C...devant la juridiction administrative ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
5. Considérant que, par un arrêté n° 2015-10-54 du 16 février 2015, publié le même jour au recueil spécial n° 16 des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Pas-de-Calais a donné délégation à M. J...H..., chef de la section éloignement, à l'effet de signer, notamment les décisions fixant le pays de destination et les décisions de placement en rétention dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de cinq jours ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté ;
6. Considérant que l'arrêté comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, par suite, le moyen tiré de son insuffisance de motivation doit être écarté ;
7. Considérant que la décision attaquée ayant été prise pour l'exécution de l'interdiction définitive de territoire français, M. F...C...ne peut utilement exciper devant le juge administratif de l'illégalité de l'interdiction définitive de territoire pour contester l'arrêté préfectoral pris sur son fondement ;
8. Considérant que les conséquences d'un éloignement du territoire français sur la vie privée et familiale de M. F...C...résultent de la peine d'interdiction judiciaire du territoire français dont il a fait l'objet et non de la décision attaquée par laquelle le préfet du Pas-de-Calais s'est borné à prendre les mesures qu'implique l'exécution de la décision du juge pénal ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. F...C...n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée est entachée d'illégalité ;
Sur le placement en rétention administrative :
10. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point précédent que M. F...C...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision fixant le pays de destination pour soutenir que la décision attaquée serait privée de base légale ;
11. Considérant que, pour les mêmes raisons que celles exposées au point 5, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté ;
12. Considérant que, pour les mêmes raisons que celles exposées au point 6, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée doit être écarté ;
13. Considérant qu'il ressort des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment du III de son article L. 512-1, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises les décisions par lesquelles l'autorité administrative place l'étranger en rétention administrative ; que, dès lors, l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 fixant les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, ne saurait être utilement invoqué à l'encontre d'une décision de placement en rétention administrative ;
14. Considérant que les dispositions des articles L. 512-1 et suivants et L. 551-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoient que l'étranger placé en rétention administrative peut contester cette décision, dans un délai de quarante-huit heures, devant le président du tribunal administratif, qui statue dans un délai de soixante-douze heures, y compris le cas échéant à l'appui d'une demande tendant à l'annulation de la mesure d'éloignement concernée pour laquelle le recours a un effet suspensif et que cette mesure privative de liberté ne peut être prolongée au-delà de cinq jours que sur décision du juge des libertés et de la détention, qui statue dans un délai de vingt-quatre heures à compter de sa saisine ; que le législateur a ainsi entendu, dans le respect des règles de répartition des compétences entre les ordres de juridiction, que le juge administratif statue rapidement sur la légalité des mesures administratives relatives à l'éloignement des étrangers avant que n'intervienne le juge judiciaire ; qu'en organisant ce contentieux, le législateur a eu pour but de garantir l'examen prioritaire de la légalité de ces mesures et, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, de permettre un traitement plus efficace des procédures d'éloignement des étrangers en situation irrégulière ; que l'arrêté plaçant l'intéressé en rétention administrative ne fait pas obstacle à ce qu'il introduise un recours devant le tribunal afin qu'il y soit statué dans un délai bref ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée de placement en rétention administrative aurait été prise sur le fondement de dispositions législatives méconnaissant les stipulations du paragraphe 4 de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
15. Considérant qu'un justiciable ne peut se prévaloir, à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, des stipulations inconditionnelles d'une directive que lorsque l'Etat n'a pas pris, dans les délais impartis par celle-ci, les mesures de transposition nécessaires ; qu'il suit de là que M. F...C...ne peut se prévaloir des stipulations des articles 8-4 et 15 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 et des paragraphes 16 et 17 de son préambule, laquelle a été transposée dans le droit national par la loi du 16 juin 2011, antérieurement à la décision litigieuse ;
16. Considérant que les dispositions pertinentes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoient la mise en rétention administrative à défaut d'une assignation à résidence, d'un étranger pour lequel l'exécution d'une mesure de reconduite d'un étranger faisant l'objet d'une interdiction du territoire français prononcée par le juge pénal est envisagée, ont été citées au point 2 ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation (...) " ;
17. Considérant que M. F...C...est titulaire d'un passeport angolais valable dix ans jusqu'au 8 février 2023 et dispose d'une adresse stable au domicile de sa concubine, ressortissante française où elle réside avec leurs trois enfants à Clichy en région parisienne ; que, néanmoins, l'intéressé a été condamné à quatre reprises par les tribunaux correctionnels de Paris et de Nanterre notamment en se prévalant de fausses identités ou d'identités d'emprunt ; qu'en outre, deux de ces condamnations, bien qu'anciennes, concernent des infractions relatives à la législation sur le droit au séjour des étrangers et notamment l'absence d'exécution de deux mesures d'éloignement ; que, dans ces conditions, M. F...C...ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir tout risque d'inexécution de l'interdiction judiciaire du territoire prononcée à son encontre ; que, par suite, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas commis d'erreur d'appréciation en ordonnant le placement de M. F...C...en rétention administrative pour une durée de cinq jours ;
18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et la mesure de placement en rétention administrative prises à l'encontre de M. F... C... ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
19. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme de 1 000 euros à Me I...D..., conseil de M. F...C..., sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution :
20. Considérant que la cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête du préfet du Pas-de-Calais tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête n° 15DA01418 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet ; qu'il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer ;
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution présentées par le préfet du Pas-de-Calais.
Article 2 : Les articles 2 et 3 du jugement du 13 juillet 2015 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille sont annulés.
Article 3 : La demande présentée par M. F...C...devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...E...F...C..., au ministre de l'intérieur et à Me I...D....
Copie en sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.
Délibéré après l'audience publique du 10 décembre 2015 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- M. Christian Bernier, président-assesseur,
- M. Hadi Habchi, premier conseiller.
Lu en audience publique le 28 décembre 2015.
Le président-assesseur,
Signé : C. BERNIERLe président de chambre,
Président-rapporteur,
Signé : O. YEZNIKIAN
Le greffier,
Signé : S. DUPUIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Sylviane Dupuis
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Nos15DA01417,15DA01418 2