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28/12/2015 | FRANCE | N°15DA00904

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 28 décembre 2015, 15DA00904


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...D...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 16 septembre 2014 par lequel le préfet du Nord l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1500048 du 26 mars 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 juin 2015, Mme A...D..., représentée par Me C...B..., demande à la cou

r :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté préfectoral ;

3°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...D...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 16 septembre 2014 par lequel le préfet du Nord l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1500048 du 26 mars 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 juin 2015, Mme A...D..., représentée par Me C...B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté préfectoral ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai d'un mois, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer dans cette attente un récépissé l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 340 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français n'est pas motivée en fait et en droit ;

- le préfet n'a pas examiné sa situation personnelle ;

- il a méconnu les dispositions de l'article L. 121-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la durée de séjour de l'intéressée en France n'est pas supérieure à trois mois ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français a été prise en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de son quatrième protocole additionnel ;

- le préfet a entaché sa décision d'éloignement de discrimination ;

- la décision fixant le pays de destination a été prise en violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation de l'intéressée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2015, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 avril 2015 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Douai désignant Me C...B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Hadi Habchi, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que l'arrêté attaqué qui vise notamment les dispositions de l'article L. 121-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que celles de l'article L. 511-3-1 de ce code, est suffisamment motivé en droit ; que la mesure d'éloignement contestée fait également état de la situation personnelle et familiale de l'intéressée et de ses conditions d'entrée sur le territoire français ; que, par suite, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué n'est pas motivé ;

2. Considérant qu'il ne ressort ni des termes de la décision, ni des autres pièces du dossier que le préfet du Nord n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation de Mme D...et, notamment, des considérations personnelles et familiales qu'elle faisait valoir à la suite de son interpellation par les services de la police de l'air et des frontières de Lille ; qu'ainsi, le moyen tiré du défaut d'examen ne peut qu'être écarté ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : / 1° Qu'il ne justifie plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 121-1, L. 121-3 ou L. 121-4-1 (...) / L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée du séjour de l'intéressé en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine. L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à trente jours à compter de sa notification. A titre exceptionnel, l'autorité administrative peut accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. (...) " ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-1 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne (...) a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; / 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; / (...) " ; que selon les termes de l'article L. 121-4 de ce code : " Tout citoyen de l'Union européenne, (...) ou les membres de sa famille qui ne peuvent justifier d'un droit au séjour en application de l'article L. 121-1 ou de l'article L. 121-3 ou dont la présence constitue une menace à l'ordre public peut faire l'objet, selon le cas, d'une décision de refus de séjour, d'un refus de délivrance ou de renouvellement d'une carte de séjour ou d'un retrait de celle-ci ainsi que d'une mesure d'éloignement prévue au livre V " ;

5. Considérant que MmeD..., ressortissante roumaine née le 9 juillet 1991, est entrée en France accompagnée de son époux et de leurs trois enfants mineurs ; qu'elle a déclaré aux agents de la police de l'air et des frontières de Lille être en France depuis six mois à la date du 12 septembre 2014 ; que, par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Nord aurait commis une erreur de fait en retenant qu'à la date de l'arrêté attaqué, le séjour en France de l'intéressée excédait la durée de trois mois retenue par les dispositions de l'article L. 121-1 citées au point 4 ;

6. Considérant qu'il est constant que l'intéressée n'exerce aucune activité professionnelle salariée et vend de la ferraille pour subvenir à ses besoins ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme D...dispose de ressources suffisantes du fait de cette activité ou de celle de son conjoint lui permettant de vivre habituellement avec sa famille en France ; que la circonstance qu'elle ne serait pas effectivement une charge pour le système d'assurance sociale français à la date de la décision attaquée est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué, dès lors que les dispositions tant de la directive 2004/38/CE que de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne font pas de cette vérification une condition de régularité du séjour des ressortissants communautaires ; qu'ainsi, après avoir constaté que Mme D...n'entrait ni dans le champ d'application du 1° de l'article L. 121-1, ni dans celui du 2° de cet article, le préfet du Nord a pu légalement obliger l'intéressée à quitter le territoire français ;

7. Considérant que, pour obliger la requérante à quitter le territoire français, le préfet du Nord, qui ne s'est pas fondé sur un motif tiré d'une menace à l'ordre public, a estimé, ainsi qu'il a été dit au point précédent, que Mme D...ne réunissait aucune des conditions du droit au séjour prévues aux 1° ou 2° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier de première instance, ni des éléments versés en appel par la requérante, que l'administration aurait entaché sa décision d'éloignement d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de l'intéressée ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier que la durée de séjour en France de Mme D...était très brève à la date de l'arrêté attaqué ; qu'elle ne fait état d'aucune insertion sociale et professionnelle sur le territoire français, ni n'établit de manière probante une intensité de liens privés et familiaux en France ; que rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue avec les trois enfants mineurs en Roumanie, pays dont elle a la nationalité avec son époux lequel se trouve également en situation irrégulière ; que, par suite, le préfet du Nord n'a pas violé les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

9. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 2, la décision litigieuse obligeant Mme D... à quitter le territoire français a été prise après examen particulier de sa situation personnelle et se fonde sur des circonstances de fait propres à cette situation ; que, dès lors, la requérante ne peut pas utilement se prévaloir de l'interdiction d'expulsions collectives d'étrangers, et la circonstance que d'autres mesures d'éloignement auraient été prononcées le même jour, à l'encontre d'étrangers de même nationalité ; que, dès lors, la décision contestée n'a pas méconnu les stipulations de l'article 4 du quatrième protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

10. Considérant que Mme D...invoque la circonstance qu'elle appartient à la communauté rom ; qu'eu égard à ses écritures, à supposer qu'elle ait entendu se prévaloir du principe de non-discrimination reconnu par l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il ne ressort pas des termes de l'arrêté litigieux ni des autres pièces versées au dossier que le préfet aurait édicté sa décision d'éloignement sur le fondement d'une telle considération ; que, par suite, le moyen tiré de l'existence d'une discrimination, ou d'un détournement de pouvoir doivent être écartés ;

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; que l'article 3 de cette convention énonce que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;

12. Considérant que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

13. Considérant que les pièces produites au dossier par la requérante ne permettent pas d'établir l'existence d'un risque personnel et actuel en cas de retour dans son pays d'origine ; que, dès lors, les moyens tirés de la violation des dispositions de droit national citées au point 11 et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés ;

14. Considérant qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier qu'en fixant la Roumanie comme pays de renvoi, le préfet du Nord aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation de MmeD... ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au prononcé d'une injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D..., au ministre de l'intérieur et à Me C...B....

Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 10 décembre 2015 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- M. Christian Bernier, président-assesseur,

- M. Hadi Habchi, premier conseiller.

Lu en audience publique le 28 décembre 2015.

Le rapporteur,

Signé : H. HABCHILe président de chambre,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : S. DUPUIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Sylviane Dupuis

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA00904
Date de la décision : 28/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-02-01 Étrangers. Séjour des étrangers. Autorisation de séjour. Demande de titre de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Hadi Habchi
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : CLEMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-12-28;15da00904 ?
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