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17/12/2015 | FRANCE | N°15DA00460

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 17 décembre 2015, 15DA00460


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 13 août 2014 du préfet de la Seine-Maritime l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.

Par un jugement n° 1403598 du 13 janvier 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 mars 2015, M.B..., représenté par MeC..., demande à la cour :<

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1°) d'annuler le jugement du 13 janvier 2015 du tribunal administratif de Rouen ;

2°) d'annuler ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 13 août 2014 du préfet de la Seine-Maritime l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.

Par un jugement n° 1403598 du 13 janvier 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 mars 2015, M.B..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 13 janvier 2015 du tribunal administratif de Rouen ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer une carte de séjour temporaire le temps nécessaire à ce nouvel examen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français a été prise dans des conditions qui méconnaissent son droit à être entendu préalablement tel qu'il ressort du droit de l'Union ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation personnelle de la part du préfet ;

- elle méconnaît le 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît son droit au respect de sa vie privée et familiale tel qu'il ressort des termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle ;

- la décision lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire est insuffisamment motivée ;

- l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français a pour conséquence l'illégalité de la décision de refus d'un délai de départ volontaire ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision de refus d'un délai de départ volontaire sur sa situation personnelle ;

- la décision de refus d'un délai de départ volontaire n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation personnelle de la part du préfet ;

- le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence en s'estimant lié par les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de destination de cette mesure est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur de fait en ce qui concerne sa nationalité ;

- l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français a pour conséquence l'illégalité de la décision fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2015, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 février 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative au statut des apatrides ouverte à la signature à New-York le 28 septembre 1954 ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 60-1066 du 4 octobre 1960 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Albertini, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Sur la décision faisant obligation de quitter le territoire français :

1. Considérant qu'une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B...disposait d'informations tenant à sa situation personnelle qu'il a été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise à son encontre la mesure d'obligation de quitter le territoire français et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à l'édiction de cette décision ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaîtrait le principe général du droit d'être entendu qui est au nombre des principes fondamentaux du droit de l'Union européenne, ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;

2. Considérant qu'en dépit notamment de l'absence de mention relative à la demande de reconnaissance du statut d'apatride pendante devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M.B... ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / (...) " ;

4. Considérant qu'il ressort de l'arrêté contesté que le préfet de la Seine-Maritime qui a notamment fait mention de ce que M. B...ne justifiait pas être entré régulièrement sur le territoire et qu'il ne détenait aucun document lui permettant de s'y maintenir, a entendu fonder la décision contestée sur les dispositions du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il est également fait mention ; que la mention par laquelle le préfet a aussi fait référence, dans les visas de l'arrêté, au 3° du I de l'article L. 511-1 du code ne constitue qu'une erreur matérielle ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dernières dispositions est, en tout état de cause, inopérant ;

5. Considérant que M. B...fait notamment valoir qu'il serait isolé dans son pays d'origine en raison du décès de ses deux parents, qu'il est entré en France en 2009, à l'âge de vingt-et-un ans et qu'il bénéficie du soutien de la communauté Emmaüs au sein de laquelle il vit ; que, toutefois, l'intéressé qui est célibataire et sans charge de famille, ne justifie pas d'une intégration particulière à la société française ; qu'ainsi, eu égard aux conditions de son séjour en France, la décision contestée n'a pas porté au droit de M. B...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et ne méconnaît ainsi pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit à s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. (...) " ; que, par suite, si M. B... justifie avoir présenté une demande à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides tendant à ce que lui soit reconnue la qualité d'apatride, aucune disposition législative ou réglementaire, et notamment pas les dispositions précitées ouvrant un droit au séjour jusqu'à la notification de la décision en matière d'asile, ni aucun principe ne lui ouvrait droit à séjourner en France jusqu'à ce qu'il soit statué sur cette demande ni ne faisait obstacle au prononcé d'une mesure d'éloignement ; qu'ainsi et compte tenu des éléments relevés au point 6, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas non plus commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision contestée sur la situation personnelle de M. B...;

Sur la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que la décision portant refus d'un délai de départ volontaire serait illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ;

8. Considérant que la décision contestée qui comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde est suffisamment motivée ;

9. Considérant qu'aux termes des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) / d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) : f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité (...) " ;

10. Considérant qu'il ressort de l'arrêté contesté que le préfet de la Seine-Maritime a notamment fait mention de ce que M. B...n'avait pas déféré à une précédente mesure d'éloignement à l'issue de la procédure juridictionnelle ayant conduit à sa confirmation ; qu'il a également relevé que l'intéressé ne justifiait de la production d'aucun document de voyage ; que compte tenu de la présence de ces mentions qui, au demeurant, révèlent que le préfet de la Seine-Maritime a entendu fonder la décision contestée sur le d) et le f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. B..., ni qu'il aurait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire ; qu'il a, en outre, exactement qualifié les faits de soustraction à une précédente mesure d'éloignement au sens du d) du 3° du II de l'article L. 511-1 précité ; qu'il ne ressort pas davantage de l'arrêté contesté que le préfet se serait estimé lié par les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code et ainsi méconnu l'étendue de sa compétence ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit serait illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ;

12. Considérant que la décision contestée, qui comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, est suffisamment motivée ;

13. Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; que cet article 3 énonce que " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

14. Considérant que M. B...ne produit aucun élément probant de nature à établir la réalité des risques personnels, directs et actuels qu'il encourrait en cas de retour en Géorgie ou en Russie ; qu'au demeurant, il ressort des pièces du dossier que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, par une décision du 7 février 2012, confirmée par une décision du 1er juin 2012 de la Cour nationale du droit d'asile ; qu'ainsi, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur d'appréciation ;

15. Considérant que si M. B...soutient qu'il n'a pas la nationalité russe, alors pourtant qu'il a déclaré avoir cette nationalité en demandant l'asile, il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que l'intéressé doit être reconduit à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout autre pays où il est légalement admissible ; que, dès lors, l'arrêté contesté, en tant qu'il fixe le pays de renvoi, ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait et de l'erreur de droit dont serait entachée cette décision doit être écarté ;

16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 3 décembre 2015 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller.

Lu en audience publique le 17 décembre 2015.

L'assesseur le plus ancien,

Signé : O. NIZETLe président de chambre,

président rapporteur,

Signé : P.-L. ALBERTINILe greffier,

Signé : S. DUPUIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Sylviane Dupuis

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N°15DA00460

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA00460
Date de la décision : 17/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Paul Louis Albertini
Rapporteur public ?: Mme Pestka
Avocat(s) : SELARL MADELINE-LEPRINCE-MAHIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-12-17;15da00460 ?
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