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14/12/2015 | FRANCE | N°14DA01760

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 14 décembre 2015, 14DA01760


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...C...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler les arrêtés du 7 octobre 2014 par lesquels le préfet de la Seine-Maritime a ordonné sa remise aux autorités polonaises et a prononcé son assignation à résidence.

Par un jugement n° 1403362 du 10 octobre 2014, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé ces arrêtés.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 novembre 2014, le préfet de la Seine-Maritime

demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 10 octobre 2014 du tribunal administratif de Rouen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...C...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler les arrêtés du 7 octobre 2014 par lesquels le préfet de la Seine-Maritime a ordonné sa remise aux autorités polonaises et a prononcé son assignation à résidence.

Par un jugement n° 1403362 du 10 octobre 2014, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé ces arrêtés.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 novembre 2014, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 10 octobre 2014 du tribunal administratif de Rouen ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme C...devant le tribunal administratif de Rouen.

Il soutient que :

- son arrêté décidant la remise de Mme C...aux autorités polonaises n'a pas été pris dans des conditions méconnaissant les dispositions de l'article 18 du règlement n° 2725/2000/CE ;

- l'information sur l'identité du responsable du traitement des empreintes digitales n'est pas constitutive d'une garantie et n'était pas de nature à exercer une influence sur le sens de la décision.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 décembre 2014, MmeC..., représentée par MeA..., conclut :

1°) au rejet de la requête du préfet de la Seine-Maritime ;

2°) à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Seine-Maritime de réexaminer sa situation ;

3°) à ce qu'une somme de 1 500 euros à verser à son avocat soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que les informations mentionnées à l'article 18 du règlement (CE) n° 2725/2000 lui ont été communiquées tardivement et de manière incomplète.

Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er décembre 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement n° 2725/2000/CE du 11 décembre 2000 ;

- le règlement n° 604/2013/UE du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Domingo, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que, par un jugement du 12 août 2014, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 1er août 2014 par lequel le préfet de la Seine-Maritime avait décidé de remettre MmeC..., de nationalité géorgienne, aux autorités polonaises dans le cadre des dispositions du règlement susvisé de l'Union européenne du 26 juin 2013 ; qu'à la suite de cette annulation, le représentant de l'Etat, saisi à nouveau du dossier, a repris la procédure et, après s'être assuré que l'intéressée maintenait sa demande d'asile, a décidé, par deux arrêtés du 7 octobre 2014, de remettre Mme C...aux autorités polonaises et de l'assigner à résidence pour une durée de quarante-cinq jours dans l'attente de son éloignement ; que le préfet de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 10 octobre 2014 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé ces deux arrêtés ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 18 du règlement n° 2725/2000/CE du Conseil du 11 décembre 2000 : " Toute personne visée par le présent règlement est informée par l'Etat membre d'origine : / a) de l'identité du responsable du traitement et de son représentant, le cas échéant ; b) de la raison pour laquelle les données vont être traitées par Eurodac ; / c) des destinataires des données ; / d) dans le cas des personnes visées à l'article 4 ou à l'article 8, de l'obligation d'accepter que ses empreintes digitales soient relevées ; / e) de l'existence d'un droit d'accès aux données la concernant et d'un droit de rectification de ces données. / Dans le cas de personnes visées à l'article 4 ou à l'article 8, les informations visées au premier alinéa sont fournies au moment où les empreintes digitales sont relevées (...) " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le guide du demandeur d'asile en langue russe, langue que Mme C...a déclaré comprendre, a été remis à l'intéressée le 23 septembre 2014 lors du nouvel examen de sa situation dans le cadre de l'exécution de la chose jugée par le tribunal administratif de Rouen par son jugement du 12 août 2014 ; que ce document mentionne notamment que l'enregistrement des empreintes digitales sera transmis à la base de donnée européenne " Eurodac " aux fins de comparaison avec les données enregistrées par tous les autres Etats membres et que le résultat des recherches transmis par cette base de donnée déterminera la suite à donner à la demande d'asile qui sera soit traitée par la France soit traitée par un autre Etat membre ; que la circonstance que ce document ne comporte pas l'identité du responsable du traitement des données recueillies lors du relevé de ses empreintes digitales ou que parmi la liste des autorités mentionnées page 11 de ce guide, il était difficile de déterminer celle qui était responsable du traitement de son dossier, n'a pas privé Mme C...d'une garantie qui s'attacherait au bon déroulement de la procédure ; qu'il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que cette omission ait eu une quelconque influence sur le sens de la décision de remise aux autorités polonaises ; que par suite, le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 7 octobre 2014 au motif qu'il aurait été pris en méconnaissance des dispositions de l'article 18 du règlement du 11 décembre 2000 ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C...devant le tribunal administratif de Rouen et la cour ;

Sur l'arrêté de remise aux autorités polonaises :

5. Considérant que si le préfet, du fait de l'annulation de son précédent arrêté par le tribunal administratif de Rouen, demeurait saisi de la demande d'asile de Mme C...introduite le 31 mars 2014 et devait à nouveau statuer sur cette demande, il n'était toutefois pas tenu de procéder à une nouvelle prise des empreintes digitales de l'intéressée qui figuraient déjà dans le dossier et dont l'intéressée, ainsi qu'il a été dit dans l'arrêt de la cour rendu ce même jour sur la légalité de l'arrêté du 1er août 2014, avait été régulièrement informée de l'obligation de s'y soumettre ; qu'en outre, Mme C...était déjà en possession depuis le 5 juin 2014 d'un guide du demandeur d'asile en langue russe, langue qu'elle a déclaré comprendre ; que, par suite, et alors même que le représentant de l'Etat, dans le cadre du nouvel examen de la situation de Mme C...aurait remis à celle-ci, le 23 septembre 2014, un nouvel exemplaire du guide du demandeur d'asile en langue russe, cette circonstance n'a aucune incidence sur la régularité de la procédure telle qu'elle est rappelée par les dispositions de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 ;

6. Considérant qu'aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement du 26 juin 2013 : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable " ;

7. Considérant que si la Pologne est un Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il appartient néanmoins à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités de ce pays répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ; que les documents d'ordre général produits et constitués d'une étude de 2008 sur les centres de détention en Pologne ainsi que d'un article de presse d'octobre 2012 que mentionne MmeC..., ne suffisent pas à établir que la réadmission d'un demandeur d'asile vers la Pologne est, par elle-même, constitutive d'une atteinte grave au droit d'asile du fait de l'existence de défaillances systémiques dans l'accueil des demandeurs d'asile ; que, dans ces conditions, Mme C...n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige ferait obstacle à ce que sa demande d'asile soit traitée dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ;

8. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 17 du règlement n° 604/2013/UE : " Par dérogation à l'article 3, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement " ;

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressée est entrée en France à l'âge de 34 ans le 30 mars 2014 ; que, selon ses propres déclarations lors de sa demande d'asile, son père, ses parents et sa soeur résident en Géorgie ; que si elle se prévaut de la présence en France de plusieurs membres de sa famille et de la scolarisation de sa fille âgée de 12 ans qui l'a rejointe, elle ne justifie ni de l'intensité de ses liens familiaux sur le territoire national ni de l'impossibilité de poursuivre sa vie privée et familiale en dehors du territoire national ; qu'elle ne se prévaut, ni n'allègue, d'aucune autre circonstance de nature à justifier qu'il soit fait application de la clause discrétionnaire du 1 de l'article 17 du règlement précité ; que, par suite, les moyens tirés de ce que le préfet aurait méconnu ces dispositions et entaché sa décision d'une erreur d'appréciation, doivent être écartés ; qu'il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que le préfet de la Seine-Maritime, qui ne comporte aucune erreur de fait susceptible de modifier le sens de la décision prise, a procédé à un examen particulier de la situation de Mme C... ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 7 octobre 2014 par lequel il procédait à la remise de Mme C...aux autorités polonaises ;

Sur l'assignation à résidence :

11. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 10, que c'est à tort que le magistrat a annulé l'arrêté du 7 octobre 2014 prononçant l'assignation à résidence de Mme C... par voie de conséquence de l'annulation de l'arrêté du même jour portant remise de celle-ci aux autorités polonaises ;

12. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C...devant le tribunal administratif de Rouen et la cour ;

13. Considérant que l'arrêté attaqué comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, par suite, le représentant de l'Etat, qui n'avait pas à rappeler l'ensemble de la procédure suivie jusqu'alors, a suffisamment motivé sa décision ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment, que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté du 7 octobre 2014 ordonnant son assignation à résidence est illégal à raison de l'illégalité de l'arrêté du même jour par lequel le préfet de la Seine-Maritime a décidé sa remise aux autorités polonaises ;

15. Considérant qu'en imposant à Mme C...de se présenter chaque mercredi au commissariat du Port Quai du Havre à Rouen, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas assorti son assignation à résidence de conditions excessives ; que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit, par suite, être écarté ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé les arrêtés du 7 octobre 2014 portant remise de Mme C... aux autorités polonaises et prononçant son assignation à résidence ; que, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction de Mme C...et celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 10 octobre 2014 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme C...devant le tribunal administratif de Rouen et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme D...C....

Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 1er décembre 2015 à laquelle siégeaient :

- M. Michel Hoffmann, président de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- M. Laurent Domingo, premier conseiller.

Lu en audience publique le 14 décembre 2015.

Le rapporteur,

Signé : L. DOMINGOLe président de chambre,

Signé : M. B...

Le greffier,

Signé : M.T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le Greffier

Marie-Thérèse Lévèque

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N°14DA01760


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14DA01760
Date de la décision : 14/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. Hoffmann
Rapporteur ?: M. Laurent Domingo
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : BIDAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-12-14;14da01760 ?
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