Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F...G...a demandé au tribunal administratif de Lille, à titre principal, de condamner le centre hospitalier de Tourcoing à lui verser une somme de 300 000 euros avec intérêts au taux légal en réparation des préjudices subis à la suite de complications survenues lors de son accouchement le 16 décembre 2009 puis du décès de son fils le 22 décembre 2009 et, à titre subsidiaire, d'ordonner une mesure d'expertise.
Par un jugement n° 1100430 du 19 février 2014, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 avril 2014 et le 5 décembre 2014, Mme G..., agissant en qualité d'ayant droit de son fils décédé, Ruben, de représentante légale de son fils Etienne Bolivar et en son nom personnel, représentée par la SCP Manuel Gros Héloïse B...et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 19 février 2014 du tribunal administratif de Lille ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Tourcoing à lui verser une somme de 215 000 euros en réparation des préjudices subis ;
3°) de mettre en cause l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) au titre de la solidarité nationale ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Tourcoing une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- ni l'expert, ni le tribunal administratif ne se sont prononcés sur l'existence d'une faute de service ou d'un aléa thérapeutique ;
- le centre hospitalier de Tourcoing a commis des fautes résultant du retard de sa prise en charge par les différents médecins spécialistes, d'une surveillance insuffisante par le personnel infirmier et, enfin, de la tardiveté avec laquelle la césarienne a été pratiquée ;
- la rupture utérine intervenue à l'occasion de l'accouchement constitue un aléa thérapeutique dont la réparation relève de la solidarité nationale ;
- l'enfant a subi une perte de chance de survie de 80 % et les divers préjudices en résultant peuvent être évalués à 50 000 euros ;
- compte tenu de la perte de chance précitée, l'ensemble des préjudices représentent la somme globale de 195 000 euros ;
- le préjudice moral subi par le frère du nouveau né peut être estimé à 20 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2014, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les conclusions indemnitaires de la requérante en première instance n'étaient dirigées que contre le centre hospitalier de Tourcoing ;
- les conditions ouvrant droit à une indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont pas réunies.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 novembre 2014, le centre hospitalier de Tourcoing, représenté par MeE..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- il n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité ;
- si l'aléa thérapeutique devait être retenu, le centre hospitalier devrait être mis hors de cause ;
- la perte de chance éventuelle ne peut excéder 20 % ;
- le préjudice au titre des souffrances endurées doit être limité à 1 500 euros ;
- le préjudice moral de la requérante doit être limité à 3 000 euros ;
- le préjudice du jeune H...doit être évalué à 800 euros ;
- les prétentions au titre des autres chefs de préjudices ne sont pas fondées.
La requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix-Tourcoing qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- les conclusions de M. Guyau, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant MmeG....
Sur la régularité du jugement attaqué :
1. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'examen du jugement attaqué que le tribunal administratif, qui a pris connaissance des conclusions du rapport de l'expertise qu'il avait ordonnée par un jugement avant dire droit du 16 janvier 2013, n'a pas omis de se prononcer sur l'existence d'une faute de service qui aurait pu être imputée le cas échéant au centre hospitalier de Tourcoing ;
2. Considérant, d'autre part, que pour rejeter la demande de la requérante, le tribunal administratif s'est, dans son jugement, fondé sur ce que le centre hospitalier de Tourcoing n'avait commis aucune faute de nature à engager la responsabilité de cet établissement hospitalier ; qu'en statuant ainsi, le tribunal administratif a nécessairement jugé que les conditions de mise en oeuvre de la solidarité nationale n'étaient pas réunies et que, par suite, il n'y avait pas lieu de faire application des dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique et d'appeler l'ONIAM à la cause ;
3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme G...n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué du tribunal administratif de Lille serait entaché d'irrégularité ;
Sur les conclusions dirigées contre le centre hospitalier de Tourcoing :
4. Considérant que MmeG..., suivie par le centre hospitalier de Tourcoing pour sa seconde grossesse dont le terme était prévu le 14 décembre 2009, a été admise au sein de cet établissement le 16 décembre 2009 où il a été décidé de procéder à 11h00 au déclenchement de son accouchement par l'application d'un gel de prostaglandine ; qu'après qu'il ait été constaté à 21h15 une dilatation de son col utérin " de deux centimètres et mi-long ", Mme G...a présenté à 00h30 des contractions douloureuses à la suite desquelles l'équipe soignante a réalisé une péridurale ; que la constatation à 1h05 d'une dilatation de plus de 9 centimètres du col de l'utérus conjuguée à un ralentissement important du rythme cardiaque du foetus ont nécessité de pratiquer une césarienne à 1h17, la patiente donnant naissance à un enfant en état de mort apparente que son transfert à l'unité de réanimation pédiatrique du CHRU de Lille ne permettra pas de réanimer avant la constatation de son décès intervenu le 22 décembre 2009 ;
5. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction notamment des deux rapports d'expertise produits au dossier et remis en exécution d'une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lille le 13 avril 2011 et d'un jugement avant dire droit du même tribunal du 16 janvier 2013, que, contrairement à ce que soutient MmeG..., la décision, prise le 16 décembre 2009, de déclencher l'accouchement à partir de 11 heures par application d'un gel de Prostine, était justifiée dès lors que la parturiente, âgée à l'époque de 39 ans, accusait un retard de deux jours par rapport au terme prévu de la délivrance et que les mouvements actifs du foetus, qui pesait près de 3,8 kilos, étaient moins ressentis ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que si la requérante reproche au centre hospitalier de Tourcoing de ne pas avoir réalisé de péridurale dès 21h15, qui l'aurait privée, selon l'avis du premier expert, d'une aide précieuse pour le déclenchement de l'accouchement, il résulte toutefois de l'instruction notamment du rapport du second expert, qu'il n'y avait aucune indication d'y procéder à ce moment-là, compte tenu de la faible intensité des contractions et de la dilatation limitée du col de l'utérus ; qu'en outre, la mise en place de la péridurale, que la littérature médicale ne recommande que lorsque le travail d'accouchement débute véritablement, aurait nécessité, du fait d'une diminution trop importante des contractions, de recourir à une perfusion d'ocytocine avec le risque d'entraîner une hyperstimulation de l'utérus ainsi qu'une rupture de la poche des eaux préjudiciable au foetus ; que, par suite, aucune faute ne peut être reprochée à l'établissement hospitalier à ce titre ;
7. Considérant, en troisième lieu, que si Mme G...fait valoir que le choix de pratiquer la césarienne a été tardif et qu'elle aurait dû intervenir dès 18h30, il résulte toutefois de l'instruction que le travail d'accouchement n'ayant pas débuté et le rythme cardiaque du foetus étant normal, aucun élément médical ne justifiait de recourir à une telle intervention à cet instant précis ;
8. Considérant, en quatrième lieu, que si la requérante relève qu'elle n'a pas fait l'objet d'une surveillance attentive pendant la période de déclenchement de son accouchement, il résulte toutefois de l'instruction que Mme G...a été placée sous monitorage de 11h00 à 13h30 avec un enregistrement du rythme cardiaque du foetus qui n'a révélé alors aucune anomalie ; que cette surveillance par monitorage a été reprise de 17h15 à 18h00, le médecin de garde, après s'être enquis de l'état de santé de l'intéressée auprès d'une sage femme à 18h30, ayant vu personnellement la patiente à 20h30 pour constater que le travail n'avait pas débuté et que le rythme cardiaque du foetus était toujours normal ; que l'intéressée, à laquelle des numéros d'appel d'urgence avaient été également communiqués, a ensuite reçu la visite régulière des sages femmes de permanence de nuit qui l'ont notamment examinée à 21h15 puis à 00h30, heure à partir de laquelle la parturiente a été transférée en salle de naissance où l'a rejoint à 00h45 le médecin anesthésiste qui, après avoir vérifié le rythme cardiaque foetal qui ne présentait toujours aucune anomalie, a procédé à la pose d'une péridurale ; qu'ainsi, et eu égard au suivi régulier dont a bénéficié MmeG..., aucune faute dans l'organisation du service ne peut être reprochée au centre hospitalier ;
9. Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte de l'instruction que les soins post-opératoires ont été conformes aux règles de l'art en ce que le chirurgien appelé par la sage-femme à 1h15, soit une minute après la rupture utérine, est arrivé immédiatement et a pris la décision de pratiquer une césarienne et que l'extraction foetale est survenue aussitôt après le début de ce geste opératoire ; qu'en outre, l'expert a relevé que l'occlusion sur bride précoce survenue deux jours après le transfert de la patiente à l'hôpital Jeanne de Flandres était imprévisible ; que, dès lors, aucune faute n'a été commise dans la réalisation de la césarienne et le suivi post-opératoire de MmeG... ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme G...n'est pas fondée à soutenir que le centre hospitalier de Tourcoing aurait commis des fautes de nature à engager sa responsabilité ;
Sur les conclusions dirigées contre l'ONIAM :
11. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique dans sa rédaction applicable compte tenu de la date des faits : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'incapacité permanente ou de la durée de l'incapacité temporaire de travail. Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'incapacité permanente supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret. " ;
12. Considérant que Mme G...fait valoir que son fils a été victime d'un accident médical et que son décès est en lien avec les actes de soins effectués lors du déclenchement du travail d'accouchement ; qu'il résulte toutefois de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du DrA..., que le décès de l'enfant a pour origine une anoxie périnatale sévère provoquée par une rupture utérine dont la survenance pendant l'accouchement était imprévisible et résulte de complications liées au déroulement du travail lui-même ; que cette rupture utérine n'est donc pas directement imputable à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins ; que par suite, les conditions fixées par les dispositions précitées du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique permettant d'ouvrir droit à une réparation au titre de la solidarité nationale ne sont pas réunies ; qu'il s'ensuit, sans qu'il soit besoin de statuer sur leur recevabilité, que les conclusions de MmeG... dirigées contre l'ONIAM ne peuvent qu'être rejetées ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme G...n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
15. Considérant qu'en vertu de ces dispositions, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par Mme G... doivent, dès lors, être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme G...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F...G..., au centre hospitalier de Tourcoing, à la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix-Tourcoing et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
Délibéré après l'audience publique du 1er décembre 2015 à laquelle siégeaient :
- M. Michel Hoffmann, président de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- M. Laurent Domingo, premier conseiller.
Lu en audience publique le 14 décembre 2015.
Le rapporteur,
Signé : M. LAVAIL DELLAPORTALe président de chambre,
Signé : M. D...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le Greffier
Marie-Thérèse Lévèque
''
''
''
''
7
N°14DA00596