La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/12/2015 | FRANCE | N°14DA00317

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3, 14 décembre 2015, 14DA00317


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Rouen la décharge de la contribution sociale généralisée, de la contribution pour le remboursement de la dette sociale, du prélèvement social et des contributions additionnelles auxquels il a été assujetti au titre des années 2008, 2009, 2010 et 2011 à raison de revenus fonciers.

Par un jugement nos 1101089,1102224,1200470,1300320 du 13 décembre 2013, le tribunal administratif de Rouen a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur des dégrèvemen

ts accordés en cours d'instance et a rejeté le surplus des demandes.

Procédure devan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Rouen la décharge de la contribution sociale généralisée, de la contribution pour le remboursement de la dette sociale, du prélèvement social et des contributions additionnelles auxquels il a été assujetti au titre des années 2008, 2009, 2010 et 2011 à raison de revenus fonciers.

Par un jugement nos 1101089,1102224,1200470,1300320 du 13 décembre 2013, le tribunal administratif de Rouen a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur des dégrèvements accordés en cours d'instance et a rejeté le surplus des demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 20 février 2014, le 11 septembre 2014, le 13 avril 2015 et le 19 novembre 2015, M. C..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 13 décembre 2013 du tribunal administratif de Rouen ;

2°) à titre principal, de prononcer la décharge des prélèvements sociaux restant en litige ;

3°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- un Etat membre de l'Union européenne ne peut assujettir à des prélèvements sociaux un travailleur migrant, au sens de l'article 45 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui n'a pas vocation à bénéficier des prestations de sécurité sociale de cet Etat ;

- ces prélèvements sociaux entravent la liberté de circulation des travailleurs et constituent une mesure discriminatoire ;

- ces principes s'appliquent à un fonctionnaire de la Commission européenne ;

- ils concernent les revenus d'activité ou de remplacement comme les revenus du patrimoine.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 26 juin 2014 et le 20 novembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les prélèvements obligatoires en litige n'ont pas la nature de cotisations sociales mais d'impositions de toute nature et n'ouvrent ainsi droit à aucune prestation ou avantage servi par un régime de sécurité sociale ;

- les principes communautaires relatifs à l'assujettissement des travailleurs à des prélèvements sociaux ne s'appliquent pas aux revenus du patrimoine ;

- les personnes affiliées à un régime de sécurité sociale d'une organisation internationale ne sont pas régies par le règlement (CEE) n° 1408/71 du 14 juin 1971, remplacé par le règlement (CE) n° 883/2004 du 29 avril 2004.

M. C...a produit un mémoire le 25 novembre 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le Traité instituant la Communauté européenne ;

- le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et notamment son article 267 ;

- le protocole sur les privilèges et immunités de l'Union européenne ;

- le règlement (CEE) n° 1408/71 du 14 juin 1971 ;

- le règlement (CE) n° 883/2004 du 29 avril 2004 ;

- le Statut des fonctionnaires des Communautés européennes ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Domingo, premier conseiller,

- les conclusions de M. Guyau, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., représentant M. C.fiscalement en France

1. Considérant que M. B...C..., fonctionnaire titulaire de la Commission européenne, domicilié..., a été assujetti à la contribution sociale généralisée, à la contribution pour le remboursement de la dette sociale, au prélèvement social et aux contributions additionnelles à ce prélèvement à raison de revenus fonciers imposables à son nom au titre des années 2008, 2009, 2010 et 2011 ; qu'il relève appel du jugement du 13 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Rouen, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à hauteur des dégrèvements accordés en cours d'instance de l'intégralité des contributions pour le remboursement de la dette sociale auxquelles il avait été assujetti au titre de chacune des années en litige, a rejeté le surplus de ses demandes qui tendaient à la décharge des autres contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de ces années ;

2. Considérant qu'en vertu de l'article 1600-0 C du code général des impôts, qui renvoie à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, les personnes physiques fiscalement domiciliées en France sont assujetties à une " contribution sociale généralisée sur les revenus du patrimoine " (CSG), assise sur le montant net retenu pour l'établissement de l'impôt sur le revenu afférent aux revenus du patrimoine, au nombre desquels figurent les revenus fonciers ; qu'en vertu de l'article 1600-0 F bis du code général des impôts, qui renvoie à l'article L. 245-14 du code de la sécurité sociale, ces personnes sont, en outre, assujetties, sur ces revenus, à un " prélèvement social ", dont le taux était, en vertu de l'article L. 245-16 du code de la sécurité sociale applicable aux années en litige, fixé à 2 %, ainsi que, en vertu de l'article L. 14-10-4 du code de l'action sociale et des familles, à une contribution additionnelle de 0,3 % ; qu'enfin, une contribution additionnelle à ce prélèvement social au taux de 1,1 % a été instituée par l'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles ;

3. Considérant que ces " contributions " et " prélèvement " constituent des " impositions " au sens du droit national ; qu'ainsi, la circonstance que M. C...ou les membres de sa famille ne bénéficient d'aucune contrepartie directe à raison de l'acquittement de ces impositions est sans incidence sur leur bien-fondé ;

4. Considérant, il est vrai, que dans l'arrêt n° C-623/13 du 26 février 2015, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que les prélèvements fiscaux sur les revenus du patrimoine tels que la contribution sociale généralisée sur les revenus du patrimoine, le prélèvement social de 2 % et la contribution additionnelle de 0,3 % à ce prélèvement présentaient un lien direct et pertinent avec certaines des branches de sécurité sociale énumérées à l'article 4 du règlement n° 1408/71 du 14 juin 1971, devenu l'article 3 du règlement n° 883/2004 du 29 avril 2004, applicable depuis le 1er mai 2010 ; que pour les mêmes motifs que ceux retenus par la Cour de justice de l'Union européenne, la contribution additionnelle au taux de 1,1 % instituée par l'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles, dont le produit est affecté au fonds national des solidarités actives, lequel participe au financement du revenu de solidarité active, doit également être regardée comme entrant dans le champ d'application du règlement du 14 juin 1971 et du règlement du 29 avril 2004, dès lors qu'ils s'étendent également aux prestations destinées à couvrir, à titre complémentaire, subsidiaire ou de remplacement, les risques correspondant aux branches de sécurité sociale et à garantir aux intéressés un revenu minimal de subsistance eu égard à l'environnement économique et social dans l'Etat membre concerné ;

5. Mais considérant que, ainsi que l'a jugé la Cour de justice des Communautés européennes dans l'arrêt n° C-411/98 du 3 octobre 2000 (paragraphe 41), les fonctionnaires de l'Union européenne et les membres de leur famille qui, comme M.C..., sont obligatoirement affiliés au régime de sécurité sociale des institutions de l'Union européenne, prévu aux articles 72 et suivants du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, ne sauraient être qualifiés de travailleurs au sens du règlement du 14 juin 1971, remplacé par le règlement du 29 avril 2004 ; que, dès lors, le principe d'unicité de législation consacré par les règlements du 14 juin 1971 et du 29 avril 2004, qui en fixent les modalités d'application, ne peut être directement appliqué à la situation de M.C... ;

6. Considérant cependant, comme l'a jugé la Cour de justice dans le même arrêt (paragraphe 42), qu'un fonctionnaire de l'Union européenne a la qualité de travailleur au sens des dispositions de l'article 39 du Traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 45 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

7. Considérant que si M.C... soutient que son assujettissement à la contribution sociale généralisée, au prélèvement social et aux contributions additionnelles à ce prélèvement à raison de revenus fonciers en France méconnaît le principe de la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de l'Union et constitue en conséquence une mesure discriminatoire, l'article 39 du Traité instituant la Communauté européenne, puis l'article 45 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ne prescrivent toutefois pas de critères généraux pour la répartition des compétences entre les Etats membres et les institutions de l'Union européenne s'agissant du financement des prestations de sécurité sociale ou des prestations spéciales en espèces à caractère non contributif ; qu'aucunes mesures spécifiques prises par les autorités compétentes ne fixent ces critères s'agissant des fonctionnaires de l'Union européenne ;

8. Considérant que la question se pose ainsi, en l'absence de telles mesures, de savoir si un principe du droit de l'Union fait obstacle à ce qu'un fonctionnaire de la Commission européenne soit assujetti aux contributions sociales en litige sur des revenus fonciers perçus dans un Etat membre de l'Union européenne ;

9. Considérant que cette question est déterminante pour la solution du litige que doit trancher la cour ; qu'elle présente une difficulté sérieuse ; qu'il y a lieu, par suite, d'en saisir la Cour de justice de l'Union européenne en application de l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et, jusqu'à ce que celle-ci se soit prononcée, de surseoir à statuer sur la requête de M.C... ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête présentée par M.C... jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur la question suivante : " Un principe du droit de l'Union fait-il obstacle à ce qu'un fonctionnaire de la Commission européenne soit assujetti à la contribution sociale généralisée, au prélèvement social et aux contributions additionnelles à ce prélèvement, aux taux de 0,3 % et de 1,1 %, sur des revenus fonciers perçus dans un Etat membre de l'Union européenne ' ".

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., au ministre des finances et des comptes publics et au président de la Cour de justice de l'Union européenne.

Copie sera adressée au Premier ministre et à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 1er décembre 2015 à laquelle siégeaient :

- M. Michel Hoffmann, président de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- M. Laurent Domingo, premier conseiller.

Lu en audience publique le 14 décembre 2015.

Le rapporteur,

Signé : L. DOMINGOLe président de chambre,

Signé : M. A...

Le greffier,

Signé : M.T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le Greffier

Marie-Thérèse Lévèque

6

N°14DA00317


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14DA00317
Date de la décision : 14/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices.


Composition du Tribunal
Président : M. Hoffmann
Rapporteur ?: M. Laurent Domingo
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : SCP BONDIGUEL et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-12-14;14da00317 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award