Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 9 octobre 2014, et un mémoire, enregistré le 28 octobre 2015, la SARL Chevrières Distri, représentée par Me B...A..., demande à la cour :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 3 juillet 2014 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a autorisé la SCI WDV Longueil à étendre la superficie d'un magasin à l'enseigne Match à Longueuil-Sainte-Marie ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat et de la SCI WDV Longueil la somme de 2 000 euros chacune sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le projet est incompatible avec les préconisations du schéma de cohérence territoriale ;
- les dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme ont été méconnues ;
- l'extension est disproportionnée, compte tenu de la faible augmentation de la zone de chalandise ;
- le projet ne satisfait pas aux objectifs de l'article L. 752-6 du code de commerce en matière d'aménagement du territoire et de développement durable ;
- il compromet la survie des commerces de centre ville ;
- l'impact sur les transports n'a pas été mesuré ;
- le centre commercial, qui n'est pas aisément accessible aux piétons et aux cyclistes, ne sera pas desservi par un mode alternatif à la voiture ;
- les efforts d'insertion paysagère étant insuffisants, le projet affectera la qualité du site de l'église Saint-Martin et du manoir.
Par un mémoire, enregistré le 22 septembre 2015, la SCI WDV Longueil, représentée par la SCP Lebègue, Pauwels, Derbise, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la SARL Chevrières Distri la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Christian Bernier, président-assesseur,
- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,
- et les observations de Me B...A..., représentant la SARL Chevrières Distri.
Sur la compatibilité du projet avec le schéma de cohérence territoriale du syndicat mixte de la Basse Automne et de la Plaine d'Estrées :
1. Considérant qu'en vertu de l'article L. 122-1-15 du code de l'urbanisme, une autorisation d'exploitation commerciale doit être compatible avec le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale ;
2. Considérant que le plan de développement et d'aménagement durable du schéma de cohérence territoriale du syndicat mixte de la Basse Automne et de la Plaine d'Estrées, approuvé le 29 mai 2013, ne comporte aucune prescription spécifique en matière d'aménagement commercial ; qu'il se fixe comme objectif prioritaire une plus grande " polarisation " du territoire sur deux secteurs déjà dotés en termes de commerces, d'équipements et de services, avec, au nord, le pôle regroupant les communes d'Estrées-Saint-Denis, Moyvilliers et Remy et, au sud, le pôle formé autour des communes de Chevrières, Longueil-Sainte-Marie et Verberie, où il est prévu de développer le petit commerce ; que, pour corriger la tendance des résidents à délaisser les petits commerces pour se porter vers les centres commerciaux situés dans l'agglomération compiégnoise, le schéma se fixe également pour objectif de maintenir les commerces et de développer l'offre de proximité dans les bourgs et villages ;
3. Considérant que le projet contesté vise à porter de 805 m² à 1 450 m2 la surface de vente d'un supermarché Match situé dans une zone pavillonnaire de la commune de Longueil-Sainte-Marie, laquelle ne comporte qu'une boulangerie ; qu'alors même que cette extension, qui élargit la gamme des produits non alimentaires offerts par cet établissement, aurait pour conséquence de placer le nouvel équipement plus en concurrence avec le commerce de proximité situé dans sa zone de chalandise et en particulier avec la superette d'alimentation générale " 8 à Huit " gérée par la société requérante située à Chevrières, qu'avec les centres de grande distribution de l'agglomération compiégnoise, cette circonstance, à la supposer d'ailleurs établie, ne révèle pas en elle-même une incompatibilité avec les orientations du schéma de cohérence territoriale ;
Sur la méconnaissance de l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 752-1 du code de commerce : " I. Sont soumis à une autorisation d'exploitation commerciale les projets ayant pour objet : / 1° La création d'un magasin de commerce de détail d'une surface de vente supérieure à 1 000 mètres carrés (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur issue de la loi n°2014-366 du 24 mars 2014 : " (...) / III.- Dans les communes qui ne sont pas couvertes par un schéma de cohérence territoriale applicable, il ne peut être délivré (...) d'autorisation d'exploitation commerciale en application de l'article L. 752-1 du code de commerce (...) à l'intérieur d'une zone ou d'un secteur rendu constructible après l'entrée en vigueur de la loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003 urbanisme et habitat. / IV. Jusqu'au 31 décembre 2016, les I à III du présent article ne sont pas applicables dans les communes situées (...) à plus de quinze kilomètres de la limite extérieure d'une unité urbaine de plus de 15 000 habitants, au sens du recensement général de la population " ;
5. Considérant que la commune de Longueil-Sainte-Marie, couverte par un schéma de cohérence territoriale depuis mai 2013, se situe à moins de 15 kilomètres de la limite extérieure de l'unité urbaine de Compiègne qui comporte plus de 15 000 habitants ; qu'en application des dispositions de l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme citées au point précédent, avant l'entrée en vigueur du schéma de cohérence territoriale du syndicat mixte de la Basse Automne et de la Plaine d'Estrées, il ne pouvait être délivré d'autorisation d'exploitation commerciale en application notamment du 1° de l'article L. 752-1 du code de commerce pour les créations de commerce de détail d'une surface de vente de plus de 1 000 m² ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'avant l'entrée en vigueur du schéma de cohérence territoriale, la SCI WDV Longueil a demandé la création d'un magasin de commerce de détail d'une surface de vente de 805 m² ; qu'elle n'avait donc pas à solliciter une autorisation d'exploitation commerciale en application de l'article L. 752-1 du code de commerce ; que, dès lors, elle n'a pas méconnu les dispositions du III et du IV de l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme ; qu'en outre, ni ces dispositions ni aucune autre disposition ne faisaient obstacle à ce que l'exploitante sollicite, après l'entrée en vigueur du schéma de cohérence territoriale, une autorisation d'exploitation commerciale sous la forme d'une extension du commerce existant dépassant 1 000 m² ; qu'en procédant comme elle l'a fait, la SCI WDV Longueil n'a pas commis de détournement de procédure ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir de la violation des dispositions citées au point précédent ;
Sur le caractère disproportionné de l'extension :
6. Considérant que si l'extension de la surface de vente de l'équipement en litige excède les besoins liés à l'augmentation de la population dans la zone de chalandise, une telle circonstance est, en tout état de cause, sans influence sur la légalité de la décision attaquée ; qu'en outre, la densité d'équipement commercial de la zone de chalandise concernée ne figure plus au nombre des critères que la Commission nationale d'aménagement commercial peut prendre en compte depuis l'entrée en vigueur de la loi du 4 août 2008 ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que l'extension envisagée présenterait un caractère disproportionné ;
Sur les critères de l'article L. 752-6 du code de commerce :
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce dans sa rédaction alors en vigueur : " Lorsqu'elle statue sur l'autorisation d'exploitation commerciale visée à l'article L. 752-1, la commission départementale d'aménagement commercial se prononce sur les effets du projet en matière d'aménagement du territoire, de développement durable et de protection des consommateurs. Les critères d'évaluation sont : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et de montagne ; / b) L'effet du projet sur les flux de transport ; / c) Les effets découlant des procédures prévues aux articles L. 303-1 du code de la construction et de l'habitation et L. 123-11 du code de l'urbanisme ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet ; / b) Son insertion dans les réseaux de transports collectifs " ;
8. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'extension du supermarché Match compromettra inéluctablement la survie des commerces de proximité à Longueil-Sainte-Marie ou dans les bourgs avoisinants et aura ainsi un effet négatif sur l'animation de la vie urbaine et rurale de la zone concernée, contraire à l'objectif d'aménagement du territoire poursuivi par l'article L. 752-6 du code de commerce ;
9. Considérant que si la SCI WDV Longueil n'a pas chiffré les effets sur les flux de transport du projet d'extension, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette augmentation de la surface de vente de 645 m2 , qui reposera principalement sur un élargissement de la gamme de produits non alimentaires, serait telle qu'elle engendrera une augmentation sensible des flux de circulation dans le secteur et non seulement un changement dans les habitudes d'achat de la clientèle existante de la zone de chalandise ; qu'il n'est pas davantage démontré qu'il existerait un risque de saturation des voies d'accès à l'établissement ; que, par suite, la SARL Chevrières Distri n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée n'aurait pas suffisamment pris en compte les effets du projet sur les transports en violation du b) du 1° de l'article L. 752-6 du code de commerce ;
10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les piétons pourront accéder sans risque à l'établissement par un large trottoir courant le long de la route départementale 26 et qu'il existe une piste cyclable utilisée pour les loisirs ; que, compte tenu de la surface de l'établissement et de sa fréquentation, il n'est pas établi que l'accès à ce supermarché par ces modes de déplacement ne sera pas assuré en toute sécurité ;
11. Considérant que la Commission nationale d'aménagement commercial, qui a relevé que l'ensemble du bâtiment présentera une insertion paysagère satisfaisante, n'avait pas à se prononcer spécifiquement sur la compatibilité du parti pris architectural avec l'église Saint-Martin et le manoir situé à proximité qui comporte une porte fortifiée inscrite au titre des monuments historiques, cette question relevant de l'appréciation portée par l'autorité chargée de délivrer le permis de construire ; qu'en outre, la société requérante n'a pas assorti le moyen tiré de ce que les efforts d'insertion paysagère seraient manifestement insuffisants au regard de la qualité du site, des précisions suffisantes permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé au regard des dispositions du a) du 2° de l'article L. 752-6 du code de commerce ;
12. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet est situé dans une zone pavillonnaire à caractère rural qui n'est pas desservie par les transports en commun ; que, toutefois, cette absence de desserte du supermarché par une ligne régulière de transports collectifs ne suffit pas, en l'espèce compte tenu des habitudes de déplacement dans le secteur, à justifier un refus d'autorisation de l'extension au regard des dispositions du b) du 2° de l'article L. 752-6 du code de commerce ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Chevrières Distri n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision attaquée ;
14. Considérant que l'Etat et la SARL Chevrières Distri n'étant pas les parties perdantes, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la SARL Chevrières Distri présentées sur leur fondement ; que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la SCI WDV Longueil tendant à ce que soient mis à la charge de la SARL Chevrières Distri les frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Chevrières Distri est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la SCI WDV Longueil présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Chevrières Distri, à la Commission nationale d'aménagement commercial et à la SCI WDV Longueil.
Délibéré après l'audience publique du 26 novembre 2015 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- M. Christian Bernier, président-assesseur,
- M. Hadi Habchi, premier conseiller.
Lu en audience publique le 10 décembre 2015.
Le président-rapporteur,
Signé : C. BERNIERLe président de chambre,
Signé : O. YEZNIKIAN
Le greffier,
Signé : S. DUPUIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Sylviane Dupuis
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N°14DA01617 2