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12/11/2015 | FRANCE | N°14DA01822

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 12 novembre 2015, 14DA01822


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 26 novembre 2014 et 17 août 2015, la société à responsabilité limitée MC Distribution, représentée par Me E...B..., demande à la cour :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 10 septembre 2014 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a délivré à la SCI Thiant l'autorisation préalable requise en vue de procéder à la création d'un ensemble commercial sur le territoire de la commune de Thiant (Nord) ;

2°) de mettre à la charge

de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 26 novembre 2014 et 17 août 2015, la société à responsabilité limitée MC Distribution, représentée par Me E...B..., demande à la cour :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 10 septembre 2014 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a délivré à la SCI Thiant l'autorisation préalable requise en vue de procéder à la création d'un ensemble commercial sur le territoire de la commune de Thiant (Nord) ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article L. 752-21 du code de commerce, dès lors que la SCI Thiant ne pouvait déposer une nouvelle demande pour un même projet, sans attendre l'expiration d'un délai d'un an ;

- la zone de chalandise ayant été inexactement évaluée, l'appréciation de la Commission nationale d'aménagement commercial, qui a dû se prononcer à partir d'un dossier incomplet, a été faussée ;

- l'équipement projeté est disproportionné par rapport aux besoins de la population locale et aux surfaces commerciales existantes ;

- eu égard aux avis défavorables rendus par les différents services instructeurs, la Commission nationale aurait dû opposer un refus à la demande qui lui était soumise ;

- le projet apparaît incompatible avec les dispositions du schéma de cohérence territoriale du Valenciennois ;

- le projet ne répond pas aux objectifs d'aménagement du territoire et de développement durable au regard des dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce ;

- l'implantation d'une station essence classée site " Seveso ", et située à proximité du projet, constitue un risque pour la sécurité, du fait d'un trafic routier important aux abords du site.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 février 2015 et 28 septembre 2015, la SCI Thiant, représentée par Me C...D..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société MC Distribution d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 3 septembre 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 30 septembre 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Hadi Habchi, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,

- et les observations de Me E...B..., représentant la société MC Distribution, et de Me F...A..., représentant la SCI Thiant.

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 752-21 du code de commerce applicable à la date de la décision attaquée : " En cas de rejet pour un motif de fond de la demande d'autorisation par la commission nationale susmentionnée, il ne peut être déposé de nouvelle demande par le même pétitionnaire, pour un même projet, sur le même terrain pendant une période d'un an à compter de la date de la décision de la commission nationale " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si, par une décision du 25 juin 2013, la Commission nationale d'aménagement commercial a refusé à la SCI Thiant l'autorisation de créer un ensemble commercial de 2 800 m² de surface de vente sur le même site que celui prévu pour le projet autorisé par la décision attaquée, le projet en litige prévoit la création d'un ensemble commercial dont la surface de vente est de 1 500 m², doté d'une emprise foncière réduite par rapport au projet initial, et présente des éléments nouveaux en ce qui concerne l'aménagement des aires de stationnement ; que, par suite, eu égard aux différences entre ces deux projets, les dispositions précitées de l'article L. 752-21 du code de commerce prévoyant un délai minimum à respecter entre deux demandes relatives à un même projet n'étaient pas applicables ;

3. Considérant que, pour évaluer la zone de chalandise du projet, la Commission nationale a pris en considération, ainsi que l'y invitait la société pétitionnaire, une population estimée à 65 700 habitants environ, regroupée sur dix-neuf communes situées autour du projet, dans un rayon équivalant à dix minutes, maximum, de temps de trajet en voiture ; qu'il ne ressort d'aucune pièce versée au dossier que cette délimitation de la zone de chalandise, qui n'a pas été au demeurant contestée par les services instructeurs, reposerait sur des éléments erronés ou un dossier incomplet ; que, par suite, l'appréciation de la Commission nationale d'aménagement commercial n'a pas été de nature à avoir été faussée par cette délimitation ;

4. Considérant qu'en vertu de l'article L. 122-1 du code de l'urbanisme, les autorisations délivrées par la Commission nationale d'aménagement commercial doivent être compatibles avec les schémas de cohérence territoriale ; qu'il résulte de ces dispositions qu'à l'exception des cas limitativement prévus par la loi dans lesquels les schémas de cohérence territoriale peuvent contenir des normes prescriptives, ceux-ci doivent se borner à fixer des orientations et des objectifs ; qu'en matière d'aménagement commercial, s'il ne leur appartient pas, sous réserve des dispositions applicables aux zones d'aménagement commercial, d'interdire par des dispositions impératives certaines opérations de création ou d'extension relevant des qualifications et procédures prévues au titre V du livre VII du code de commerce, ils peuvent fixer des orientations et des objectifs d'implantations préférentielles des activités commerciales définis en considération des exigences d'aménagement du territoire, de protection de l'environnement ou de qualité de l'urbanisme ; que si de tels objectifs peuvent être pour partie exprimés sous forme quantitative, il appartient aux commissions d'aménagement commercial non de vérifier la conformité des projets d'exploitation commerciale qui leur sont soumis aux énonciations des schémas de cohérence territoriale mais d'apprécier la compatibilité de ces projets avec les orientations générales et les objectifs qu'ils définissent ;

5. Considérant que le document d'orientations générales du schéma de cohérence territoriale du Valenciennois, approuvé par délibération du 17 février 2014, et applicable à la date du 10 septembre 2014, énonce notamment, en son chapitre 7, intitulé " équilibrer et dynamiser l'armature commerciale du Valenciennois ", que les enjeux du commerce sur le territoire de l'agglomération sont de renforcer l'attractivité commerciale du Valenciennois en favorisant la diversité de l'offre commerciale, ainsi que la structuration de " l'armature commerciale " du territoire couvert par le SCOT, en cohérence avec " l'armature urbaine " ; qu'il est également préconisé de favoriser la diversité des fonctions, y compris commerciales, dans les zones urbanisées ou à urbaniser, en veillant à développer des projets qui participent à la qualité urbaine et architecturale des entrées de ville, ainsi qu'à la maîtrise de la consommation foncière ; que les auteurs de ce schéma ont, par ailleurs, entendu définir trois catégories de commerces pour réglementer leur implantation, en retenant l'existence de " commerces de proximité ", de " commerces intermédiaires " et ceux qualifiés de " majeurs " dont la surface utile de vente correspond respectivement à 400 m², à 1 500 m², et à plus de 1 500 m² ; que, selon les termes du schéma, " les commerces majeurs s'implantent prioritairement dans les Zacom (zones d'activités commerciales) ", considérées comme ayant vocation à accueillir des ensembles commerciaux de grande taille, à l'échelle du territoire couvert par le schéma ; que ce document favorise la création de commerces de proximité et intermédiaires dans les centres villages, autour du tissu urbain existant, mais aussi dans les pôles secondaires et périurbains de l'agglomération valenciennoise ;

6. Considérant que, pour accorder l'autorisation d'exploitation requise, la Commission nationale d'aménagement commercial a estimé, d'une part, que le projet en litige, qui est situé à environ 450 mètres du centre-ville de la commune de Thiant, participe à une gestion équilibrée et économe de l'espace dès lors qu'il a vocation à s'implanter sur l'ancienne friche du collège de la commune détruit en 2010 ; qu'elle a constaté, d'autre part, que le projet, qui complète l'offre commerciale sur la zone de chalandise, contribue, par son implantation géographique et les aménagements paysagers qu'il propose, à améliorer l'entrée de ville aux abords de la route départementale 40 ; qu'elle a, enfin, considéré que le projet a pour effet de diversifier l'offre commerciale existante, notamment alimentaire, et le confort d'achat des habitants du territoire intercommunal ; qu'ainsi, et alors même qu'il ne se situe pas dans une zone d'activités commerciales (Zacom) prévue par le schéma, le projet en litige, bien que légèrement supérieur au seuil de 1 500 m² retenu pour les " commerces intermédiaires " et comportant un équipement désigné comme un " drive ", n'est pas incompatible avec les orientations du schéma de cohérence territoriale du Valenciennois rappelées au point précédent, et notamment celles relatives à l'implantation des " commerces majeurs " ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce dans sa rédaction alors applicable : " Lorsqu'elle statue sur l'autorisation d'exploitation commerciale visée à l'article L. 752-1, la commission départementale d'aménagement commercial se prononce sur les effets du projet en matière d'aménagement du territoire, de développement durable et de protection des consommateurs. Les critères d'évaluation sont : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) L'effet sur l'animation de la vie urbaine (...) ; / b) L'effet du projet sur les flux de transport ; / c) Les effets découlant des procédures prévues aux articles L. 303-1 du code de la construction et de l'habitation et L. 123-11 du code de l'urbanisme ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet ; / b) Son insertion dans les réseaux de transports collectifs " ;

8. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ces effets, le projet compromet la réalisation des objectifs prévus par la loi ; qu'il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles se prononcent sur un projet d'exploitation commerciale soumis à autorisation en application de l'article L. 752-1 du code de commerce, d'apprécier la conformité de ce projet aux objectifs prévus à l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 et à l'article L. 750-1 du code de commerce, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du même code ;

9. Considérant que la circonstance que l'avis de l'un des ministres intéressés a été défavorable au projet ne suffit pas à démontrer que la Commission nationale a fait une inexacte application de ces dispositions en l'autorisant ; qu'il en va de même des avis antérieurement émis par les services instructeurs de la direction départementale des territoires et de la mer du Nord qui ne liaient pas la Commission nationale quant au sens de sa décision ;

10. Considérant que le projet de la SCI Thiant est implanté, ainsi qu'il a été dit au point 6, en continuité du tissu bâti du centre-ville de la commune, sur l'ancienne friche du collège de Thiant, dont l'emprise dépasse les 16 000 m² ; qu'il est aisément accessible par les habitants de la zone de chalandise ; qu'il s'intègre à l'urbanisation de la commune et facilite, par les aménagements projetés, l'entrée de ville ; que plusieurs zones d'habitation, notamment la cité Sirot au nord, et le programme de construction neuves " les jardins de Thiant ", jouxtent le projet de supermarché ; qu'en outre, il ressort des pièces versées au dossier que l'activité développée, en particulier dans le secteur des produits alimentaires, complète l'offre commerciale existante comme pôle secondaire et participe au confort des consommateurs ; que, dans ces conditions, le projet doit être regardé comme contribuant à l'animation de la vie urbaine et locale ;

11. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment pas des avis rendus par le service instructeur et les autres autorités consultées, que le projet est susceptible d'induire un trafic excessif ou en augmentation sensible aux abords de la rue du 19 mars 1962, où se situe l'accès au projet, ou sur la route départementale 40 ; que si le projet prévoit des aménagements afin d'absorber le flux de véhicules supplémentaires et de garantir la sécurité routière, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils ne seraient pas susceptibles d'être réalisés ; que le département du Nord a en particulier autorisé par écrit la SCI Thiant à participer au financement de l'accès direct à l'équipement commercial sous la forme d'un giratoire ; qu'ainsi, il n'est pas établi que les aménagements en cause ne seraient pas suffisants ou suffisamment certains pour faire face au flux limité de circulation supplémentaire attendu ;

12. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la desserte du projet est assurée de façon suffisante par une ligne de transports en commun et par un itinéraire " piétons ", accessible depuis le centre-ville et les zones d'habitation avoisinantes ; qu'en outre, le projet comporte des espaces verts sur 2 000 m², soit environ 15 % de surfaces végétalisées, et intègre un parti pris architectural bioclimatique et paysager ; que le projet prévoit un éclairage naturel important, la mise en place d'un système de chauffage et de ventilation à haute performance énergétique, ainsi que plusieurs matériaux non allergènes, y compris pour les espaces verts, ces derniers bénéficiant d'un arrosage par les eaux pluviales de ruissellement ; que, par suite, la société MC Distribution n'est pas fondée à soutenir que le projet ne vérifierait pas le critère légal en matière de qualité environnementale ;

13. Considérant, enfin, que si le projet se trouve à 1 200 mètres environ d'un site " Antargaz ", comprenant un centre emplisseur de GPL, il n'est pas contesté que le terrain retenu pour l'implantation de l'ensemble commercial ne se situe pas dans le " périmètre de précaution " de cette installation classée pour la protection de l'environnement ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un risque avéré pour la sécurité des consommateurs résulterait de la seule présence de ce site classé " Seveso " à proximité du projet, ou d'une pollution induite par le trafic automobile sur la zone commerciale ; qu'ainsi, la Commission nationale n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant le projet conforme aux objectifs fixés par le législateur en matière de développement durable ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 8 à 13 que la Commission nationale d'aménagement commercial n'a pas, en accordant l'autorisation sollicitée, entaché sa décision d'une erreur d'appréciation au regard des objectifs et critères prévus par les dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société MC Distribution n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial du 10 septembre 2014 ; que ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société requérante une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SCI Thiant et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société MC Distribution est rejetée.

Article 2 : La société MC Distribution versera à la SCI Thiant une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société MC Distribution, à la SCI Thiant, et à la Commission nationale d'aménagement commercial.

Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 29 octobre 2015 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- M. Christian Bernier, président-assesseur,

- M. Hadi Habchi, premier conseiller.

Lu en audience publique le 12 novembre 2015.

Le rapporteur,

Signé : H. HABCHILe président de chambre,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : S. DUPUIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Sylviane Dupuis

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N°14DA01822 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14DA01822
Date de la décision : 12/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-02-01 Étrangers. Séjour des étrangers. Autorisation de séjour. Demande de titre de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Hadi Habchi
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS COURRECH

Origine de la décision
Date de l'import : 26/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-11-12;14da01822 ?
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