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22/10/2015 | FRANCE | N°14DA00543

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3 (bis), 22 octobre 2015, 14DA00543


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Volkswagen Group France a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision du 11 octobre 2010 par laquelle l'inspecteur du travail de la 6ème section de l'unité territoriale de l'Aisne a refusé d'autoriser le licenciement pour faute de Mme G... Rémy ainsi que la décision du 5 mai 2011 par laquelle le ministre chargé du travail a confirmé cette décision et de lui enjoindre de statuer à nouveau sur sa demande dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à

intervenir.

Par un jugement n° 1101954 du 31 décembre 2013, le tribunal adm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Volkswagen Group France a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision du 11 octobre 2010 par laquelle l'inspecteur du travail de la 6ème section de l'unité territoriale de l'Aisne a refusé d'autoriser le licenciement pour faute de Mme G... Rémy ainsi que la décision du 5 mai 2011 par laquelle le ministre chargé du travail a confirmé cette décision et de lui enjoindre de statuer à nouveau sur sa demande dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 1101954 du 31 décembre 2013, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté la demande de la société Volkswagen Group France.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 mars 2014, la société Volkswagen Group France, représentée par Me C...E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 11 octobre 2010 par laquelle l'inspecteur du travail de la 6ème section de l'unité territoriale de l'Aisne a refusé d'autoriser le licenciement pour faute de Mme Rémy ainsi que la décision du 5 mai 2011 par laquelle le ministre chargé du travail a confirmé cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Maryse Pestka, rapporteur public,

- et les observations de Me A...D..., substituant Me C...E..., représentant la société Volkswagen Group France, et de Me B...F..., représentant Mme Rémy.

1. Considérant que la société Volkswagen Group France relève appel du jugement du 31 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 11 octobre 2010 par laquelle l'inspecteur du travail de la 6ème section de l'unité territoriale de l'Aisne a refusé d'autoriser le licenciement pour faute de Mme Rémy, conseiller du salarié, ainsi que la décision du 5 mai 2011 par laquelle le ministre chargé du travail a confirmé cette décision ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, d'une part, que le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments présentés devant lui, s'est prononcé par des motifs suffisants sur les moyens soulevés par la société Volkswagen Group France, tirés de l'erreur d'appréciation et de l'erreur dans la qualification des faits en jugeant que : " les trois propositions de postes faites à Mme Rémy, qui portaient sur des postes techniques ou commerciaux, sans lien avec sa formation de juriste et son expérience professionnelle, constituaient en réalité des propositions de modification de son contrat de travail " ; que, dès lors, le jugement attaqué n'est pas entaché d'omission à statuer ;

3. Considérant, d'autre part, qu'en relevant que les moyens tirés du défaut d'impartialité et du détournement de pouvoir n'étaient pas établis, les premiers juges n'ont pas insuffisamment motivé leur jugement ;

4. Considérant, enfin que la contradiction entre les motifs du jugement, tirée de ce que la décision contestée n'était pas fondée sur des éléments dont la société Volkswagen Group France n'aurait pas été à même de discuter, au nombre desquels un certificat médical relatif à l'état de santé de Mme Rémy, non porté à la connaissance de l'appelante n'est pas établie, alors au demeurant que celui-ci ne constituait pas un document communicable, ainsi que l'a rappelé la Commission d'accès aux documents administratifs dans son avis du 8 mars 2013 ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 11 octobre 2010 de l'inspecteur du travail :

5. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent d'une protection exceptionnelle, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que lorsque leur licenciement est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale des intéressés ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par une faute commise dans le cadre de l'activité professionnelle, il appartient à l'inspecteur du travail, et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si ladite faute est d'une gravité telle qu'elle justifie le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des caractéristiques de l'emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont le salarié est investi ;

6. Considérant, qu'aux termes de l'article R. 2421-11 du code du travail : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat. " ; que le caractère contradictoire de l'enquête, menée conformément à ces dispositions, impose à l'inspecteur du travail, saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondé sur un motif disciplinaire, de mettre à même l'employeur et le salarié de prendre connaissance de l'ensemble des éléments déterminants qu'il a pu recueillir, y compris des témoignages, qui sont de nature à établir ou non la matérialité des faits allégués à l'appui de la demande d'autorisation ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'inspecteur du travail a mené le 17 septembre 2010 une enquête contradictoire, au cours de laquelle il a recueilli tant les éléments produits par Mme Rémy que ceux produits par les représentants légaux de la société Volkswagen Group France ; qu'en se bornant à soutenir ne pas avoir eu communication de l'intégralité des pièces communiquées par Mme Rémy et par son organisation syndicale à l'inspecteur du travail, la société Volkswagen Group France ne démontre pas que la décision contestée serait fondée sur des éléments déterminants révélés par des pièces dont elle n'aurait pas eu connaissance ; que, dès lors, le moyen tiré de l'absence de caractère contradictoire de l'enquête doit être écarté ;

8. Considérant, d'une part, que si le médecin du travail a informé le 25 janvier 2010 la société Volkswagen Group France de la situation conflictuelle existant au sein du service " formation interne ", se répercutant sur la santé de deux salariés et a préconisé de ne plus affecter Mme Rémy, qui y travaillait, à un poste de manager, il ressort toutefois des pièces du dossier que celle-ci n'exerçait plus depuis 2008 de fonction d'encadrement de ce service, que l'une de ses collaboratrices en avait pris la direction et occupait son ancien bureau ; que les faits relevés par ce praticien, s'ils établissent l'existence d'une mauvaise ambiance de travail, ne démontrent pas la réalité des faits de harcèlement moral reprochés à Mme Rémy ; que, d'autre part, s'il incombe à l'employeur de veiller à la protection de la santé physique et mentale des salariés, celui-ci n'est pas lié par les préconisations du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), les dispositions de l'article L. 4612-3 du code du travail prévoyant simplement que le refus de l'employeur de les suivre doit être motivé ; que, contrairement à ce qu'elle soutient, la société Volkswagen Group France n'était pas liée par les conclusions du rapport du CHSCT du 27 mai 2010 préconisant le départ de Mme Rémy du service " formation interne " pour remédier à la situation difficile constatée chez trois des quatre membres de ce service ; que dès lors, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation et de qualification des faits qu'aurait commis l'inspecteur du travail en refusant l'autorisation sollicitée du fait des préconisations du médecin du travail et du rapport du CHSCT doit être écarté ;

9. Considérant que, s'il est constant que trois offres de mobilité pour deux postes de conseillers-vente et un poste de conseiller-service impliquant, chacun, des déplacements importants, ont été faites à Mme Rémy par la société Volkswagen Group France le 2 juin 2010, avec une obligation de réponse pour le 10 juin 2010, il ressort des pièces du dossier que ces postes à caractère commercial ne correspondaient ni à la formation initiale de la salariée protégée, ni à son expérience professionnelle en matière de ressources humaines sans qu'à cet égard l'employeur puisse soutenir que le fait que Mme Rémy ait occupé à partir de juillet 2009 un poste de " formation commerce ", qu'elle a quitté dès septembre 2009, établirait son aptitude pour les postes proposés ; que Mme Rémy, en congé de maladie à compter du 10 juin 2010, n'a pas répondu à ces trois propositions de modification de son contrat de travail ; que les refus opposés ainsi implicitement à celles-ci n'étaient pas fautifs ; que, dès lors, le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commis l'inspecteur du travail, tirée de la faute née du refus de Mme Rémy, doit être écarté ;

10. Considérant que la circonstance que l'hypothèse d'une rupture conventionnelle de son contrat de travail aurait été évoquée par l'inspecteur du travail, lors de l'entretien préalable, en réponse à une question de Mme Rémy, n'est pas de nature à établir que la décision contestée aurait été prise dans ce but ; que le détournement de pouvoir ainsi allégué n'est pas établi ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 5 mai 2011 du ministre chargé du travail :

11. Considérant que lorsque le ministre rejette le recours hiérarchique qui lui est présenté contre la décision de l'inspecteur du travail statuant sur la demande d'autorisation de licenciement formée par l'employeur, sa décision ne se substitue pas à celle de l'inspecteur ; que, par suite, s'il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre ces deux décisions, d'annuler, le cas échéant, celle du ministre par voie de conséquence de l'annulation de celle de l'inspecteur, des moyens critiquant les vices propres dont serait entachée la décision du ministre ne peuvent être utilement invoqués, au soutien des conclusions dirigées contre cette décision ; qu'ainsi, le moyen de la société Volkswagen Group France tiré de l'irrégularité de l'enquête contradictoire, était, en tout état de cause, inopérant ;

12. Considérant que pour les motifs explicités aux points 7, 8 et 9, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de l'erreur de droit, de l'erreur d'appréciation, de qualification juridique et du détournement de pouvoir qu'aurait commis le ministre chargé du travail ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par Mme Rémy, que cette société n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 31 décembre 2013, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ; que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Volkswagen Group France, le versement à Mme Rémy d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Volkswagen Group France est rejetée.

Article 2 : La société Volkswagen Group France versera à Mme Rémy une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Volkswagen Group France, au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à Mme G... Rémy.

Copie en sera adressée au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Picardie.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 14DA00543
Date de la décision : 22/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour faute.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Jean-Jacques Gauthé
Rapporteur public ?: Mme Pestka
Avocat(s) : DAYAN PLATEAU VILLEVIEILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-10-22;14da00543 ?
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