Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La communauté urbaine de Dunkerque a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner solidairement la SARL Couverture Bardage Etanchéité du Littoral, M. N..., architecte, la SAS Séchaud et Bossuyt Nord, et la société Socotec à lui verser la somme de 182 252,22 euros ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 19 septembre 2007 en réparation des préjudices résultant des désordres apparus sur le bâtiment dénommé " la Cathédrale ".
Par un jugement n° 1006040 du 11 mars 2014, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 mai 2014 et 4 novembre 2014, la communauté urbaine de Dunkerque, représentée par la SCPG..., Steylaers, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement ;
2°) de condamner solidairement la SARL Couverture Bardage Etanchéité du Littoral, M. B... N..., la SAS Séchaud et Bossuyt Nord et la société Socotec à lui verser la somme totale de 182 252,22 euros ainsi que les intérêts sur cette somme à compter du paiement des travaux ;
3°) de mettre à la charge des parties mises en cause la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
......................................................................................................
Vu :
- le rapport de l'expert ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Christian Bernier, président-assesseur,
- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,
- et les observations de Me E...G..., représentant la communauté urbaine de Dunkerque, de Me J...D..., substituant Me H...M..., représentant la société CBE Littoral, de Me K...A..., substituant Me C...L..., représentant la société Grontmij, et de Me F...I..., représentant la société Socotec.
1. Considérant que, par un acte d'engagement du 7 octobre 1999, la société S3D, agissant pour le compte de la communauté urbaine de Dunkerque en vertu d'une convention de mandat, a confié à un groupement composé de M.N..., architecte, et de la société Séchaud et Bossuyt Nord, aux droits de laquelle sont venues la société Ginger Séchaud et Bossuyt puis la société Grontmij, la maîtrise d'oeuvre de la réhabilitation d'un bâtiment dénommé " La Cathédrale " situé dans la zone d'aménagement concertée du Grand Large à Dunkerque ; que le lot couverture-bardage a été confié à la SARL Couverture Bardage Etanchéité du Littoral (CBE Littoral) et le contrôle technique à la société Socotec ; que la réception des travaux a été prononcée avec effet à compter du 16 octobre 2000 ; qu'à la suite de l'apparition de désordres affectant le bâtiment en 2001, la communauté urbaine de Dunkerque, propriétaire de l'ouvrage, a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la condamnation de la maîtrise d'oeuvre, du contrôleur technique et de la société chargée du lot couverture-bardage à réparer ses préjudices ; que, par jugement du 11 mars 2014, le tribunal administratif de Lille, d'une part, a rejeté comme irrecevables les demandes dirigées contre la société Socotec et la SARL Couverture Bardage Etanchéité du Littoral, faute pour la communauté urbaine de Dunkerque de justifier de sa qualité pour agir et, d'autre part, comme non fondées, les conclusions dirigées contre la société Ginger Séchaud et Bossuyt du fait de l'expiration du délai d'action de la garantie décennale ;
Sur la régularité du jugement en tant qu'il a rejeté comme irrecevables les conclusions de la communauté urbaine de Dunkerque dirigées contre la société Socotec et la SARL Couverture Bardage Etanchéité du Littoral :
2. Considérant que la communauté urbaine de Dunkerque atteste, sans être sérieusement contredite, avoir directement payé les sommes en litige relatives à la réparation des désordres affectant le bâtiment dénommé " La Cathédrale " et ne pas en avoir été remboursée par son assureur ; qu'elle est ainsi fondée à soutenir que c'est à tort que, pour rejeter ses demandes dirigées contre la société Socotec et la SARL Couverture Bardage Etanchéité du Littoral, le tribunal administratif a retenu la fin de non-recevoir tirée de son défaut de qualité à agir ; que, par suite et sans qu'il soit besoin de statuer sur le moyen tiré de l'irrégularité du jugement en tant qu'il a omis de se prononcer sur l'absence de prescription de l'action en garantie décennale à l'encontre de la SARL Couverture Bardage Etanchéité du Littoral, le jugement attaqué doit être annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la communauté urbaine de Dunkerque dirigées contre ces deux sociétés ; qu'il y a lieu pour la cour, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement, dans la même mesure, sur les conclusions de la communauté urbaine ;
Au fond :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 1792-4-1 du code civil : " Toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4 du présent code est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, en application des articles 1792 à 1792-2, après dix ans à compter de la réception des travaux (...). " ; qu'aux termes de l'article 2241 du même code alors applicable : " La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. / Il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente (...). " ;
4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions, applicables à la responsabilité décennale des architectes et des entrepreneurs à l'égard des maîtres d'ouvrages publics, qu'une demande en justice, même en référé, n'interrompt la prescription qu'à la double condition d'émaner de celui qui a qualité pour exercer le droit menacé par la prescription et de viser celui-là même qui en bénéficierait ; qu'une demande en référé tendant à la désignation d'un expert aux fins notamment de constater des désordres imputés à des constructeurs et d'en rechercher les causes est au nombre des actes qui peuvent interrompre la prescription de l'action décennale ;
5. Considérant, en premier lieu, que, par un mémoire complémentaire enregistré le 28 novembre 2012 au greffe du tribunal administratif de Lille, et pour répondre à une fin de non-recevoir qui lui avait été opposée en défense, la communauté urbaine de Dunkerque a confirmé ses conclusions tendant à la condamnation de la maîtrise d'oeuvre, du contrôleur technique et de la société chargée du lot couverture-bardage en spécifiant pour la première fois qu'elle entendait invoquer la mise en oeuvre de la garantie décennale des constructeurs ; que, contrairement à ce qu'elle soutient, sa requête introductive d'instance devant le tribunal administratif de Lille, enregistrée le 5 octobre 2010, ne précisait pas le fondement juridique de sa demande et les termes dans lesquels sa demande était formulée ne permettaient pas de la regarder comme implicitement mais nécessairement fondée sur la garantie décennale ; qu'il en va de même de l'assignation au fond qu'elle avait formée dans les mêmes termes le 31 décembre 2007 devant le tribunal de grande instance de Dunkerque à l'encontre des mêmes constructeurs ; que si la communauté urbaine de Dunkerque se prévaut de l'effet interruptif des demandes en référé expertise déposées entre le 6 mars et le 16 mai 2002 devant le juge judiciaire, il résulte de l'instruction que ni la citation initiale accomplie par le locataire du bâtiment à l'encontre de son propriétaire, la communauté urbaine de Dunkerque, ni la demande d'extension sollicitée par cette collectivité publique à l'encontre du maître d'ouvrage délégué, la société S3D, ne faisaient mention des constructeurs appelés dans la présente instance ; qu'en outre, les demandes d'extension de l'expertise ordonnée le 16 mai 2002, sollicitées par le maître d'ouvrage délégué auprès du tribunal de grande instance de Dunkerque, et qui ont donné lieu aux ordonnances des 25 juillet 2003, 25 mars 2004 et 23 juin 2005, n'étaient pas davantage dirigées contre ces constructeurs ; que si ces derniers ont été appelés pour la première fois à la même expertise judiciaire au plus tard le 5 septembre 2002 par le maître d'ouvrage délégué et si cette citation peut être regardée comme bénéficiant à la communauté urbaine de Dunkerque en vertu des stipulations de l'article 17 de la convention de mandat passée entre cette collectivité et la société S3D, en tout état de cause, ce n'est au plus tard qu'à compter du 5 septembre 2002 que le délai de l'action en garantie décennale qui avait commencé à courir à compter du 16 octobre 2000, date de la réception des travaux, a pu être interrompu vis-à-vis des constructeurs concernés ; que, dans ces conditions, ce délai qui commençait au plus tard le 5 septembre 2002 était expiré lorsque, le 28 novembre 2012, la communauté urbaine de Dunkerque, ainsi qu'il a été dit, a spécifié pour la première fois le fondement juridique de son action au fond contre les constructeurs appelés à la cause ;
6. Considérant, en second lieu, que s'il résulte du rapport d'expertise, déposé le 6 janvier 2006, que la SARL Couverture Bardage Etanchéité du Littoral a répondu à une demande de l'expert en lui fournissant, avec trois autres entreprises qui n'avaient pas pris part aux travaux litigieux, un devis destiné à évaluer le coût de la réparation de la couverture, cette offre, qui d'ailleurs était limitée au remplacement de deux cents plaques d'éclairement en polycarbonate, ne saurait être interprétée comme une reconnaissance de responsabilité de ce constructeur ; que, par suite, elle n'a pas eu pour effet d'interrompre à son encontre le délai d'action de la garantie décennale qui avait commencé à courir à nouveau au plus tard le 5 septembre 2002, ainsi qu'il a été dit au point précédent ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la communauté urbaine de Dunkerque ne peut valablement se prévaloir de l'effet interruptif de l'action en garantie décennale ; que, par suite, d'une part, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté les conclusions qu'elle avait dirigées contre la maîtrise d'oeuvre ; que, d'autre part, sa demande de première instance en tant qu'elle tend à la condamnation de la société Socotec et de la SARL Couverture Bardage Etanchéité du Littoral doit être rejetée, pour le même motif, comme non fondée ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SARL Couverture Bardage Etanchéité du Littoral, de la société Grontmij, la société Socotec et de M. N..., qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement de la somme que la communauté urbaine de Dunkerque demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la communauté urbaine de Dunkerque une somme de 1 500 euros à verser à la société Socotec et la même somme à verser à la SARL Couverture Bardage Etanchéité du Littoral, sur le fondement des mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 11 mars 2014 est annulé en ce qui concerne les demandes de la communauté urbaine de Dunkerque dirigées contre la SARL Couverture Bardage Etanchéité Littoral et la société Socotec.
Article 2 : Les conclusions de la demande de la communauté urbaine de Dunkerque dirigées en première instance contre la SARL Couverture Bardage Etanchéité du Littoral et contre la société Socotec sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de la requête d'appel de la communauté urbaine de Dunkerque concernant la société SAS Séchaud et Bossuyt Nord devenue la société Grontmij sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions de la communauté urbaine de Dunkerque présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La communauté urbaine de Dunkerque versera à la société Socotec une somme de 1 500 euros et à la SARL Couverture Bardage Etanchéité du Littoral une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté urbaine de Dunkerque, à la SARL Couverture Bardage Etanchéité du Littoral, à la société Grontmij SA, à la société Socotec et à M. B... N....
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N°14DA00812 2