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24/09/2015 | FRANCE | N°14DA01861

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (bis), 24 septembre 2015, 14DA01861


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 6 novembre 2014 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a prononcé sa remise aux autorités italiennes et celui du même jour par lequel il a ordonné son placement en rétention administrative, ainsi que de prononcer une injonction.

Par un jugement n° 1403860 du 10 novembre 2014, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé ces arrêtés, a enjoint au préfet d

e la Seine-Maritime de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. G...et de p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 6 novembre 2014 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a prononcé sa remise aux autorités italiennes et celui du même jour par lequel il a ordonné son placement en rétention administrative, ainsi que de prononcer une injonction.

Par un jugement n° 1403860 du 10 novembre 2014, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé ces arrêtés, a enjoint au préfet de la Seine-Maritime de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. G...et de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et, enfin, a rejeté le surplus des conclusions de la demande de M.G....

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 14DA01862 les 1er décembre 2014 et 16 avril 2015, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. G...devant le tribunal administratif ;

3°) de rejeter les conclusions de M. G...en appel tendant à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

........................................................................................................

II. Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 14DA01861 les 1er décembre 2014 et 4 février 2015, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à l'exécution des articles 1 et 2 du jugement du 10 novembre 2014 ;

2°) de rejeter les conclusions de M. G...en appel tendant à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

........................................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (CE) n° 2725/2000 du Conseil de l'Union européenne du 11 décembre 2000 ;

- la directive n° 2005/85/CE du 1er décembre 2005 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 ;

- le décret n° 2011-1031 du 29 août 2011 relatif aux conditions d'exercice du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Christian Bernier, président-assesseur,

- et les observations de Me A...B..., substituant Me C...F..., représentant M. G....

1. Considérant que les deux requêtes visées ci-dessus tendent respectivement à l'annulation et au sursis à l'exécution du même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour y être statué par un seul arrêt ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;

2. Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement n° 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 concernant la création du système " Eurodac " pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin : " Toute personne visée par le présent règlement est informée par l'Etat membre d'origine : / a) de l'identité du responsable du traitement et de son représentant, le cas échéant ; / b) de la raison pour laquelle les données vont être traitées par Eurodac ; / c) des destinataires des données ; / d) dans le cas des personnes visées à l'article 4 [demandeurs d'asile] ou à l'article 8, de l'obligation d'accepter que ses empreintes digitales soient relevées ; / e) de l'existence d'un droit d'accès aux données la concernant et d'un droit de rectification de ces données. / Dans le cas de personnes visées à l'article 4 ou à l'article 8, les informations visées au premier alinéa sont fournies au moment où les empreintes digitales sont relevées. " ;

3. Considérant que le guide du demandeur d'asile et la brochure relative à la détermination de l'Etat responsable de la demande d'asile remis à M. G...le 3 juillet 2014 ne comportent pas l'information relative à l'identité du responsable du traitement des données recueillies lors du relevé des empreintes digitales, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 18 du règlement CE 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette omission a, dans les circonstances de l'espèce, exercé une influence sur le sens de la décision prise ou privé M. G...d'une garantie pour le bon déroulement de l'ensemble de la procédure de remise ; que, par suite, le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a retenu ce motif pour annuler la décision de remise aux autorités italiennes et, par voie de conséquence, la décision ordonnant le placement de l'intéressé en rétention administrative ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. G...devant la juridiction administrative ;

Sur la décision de remise aux autorités italiennes :

5. Considérant que les deux arrêtés contestés du 1er avril 2014 ont été signés par M. D... E..., sous-préfet, secrétaire général adjoint de la préfecture de la Seine-Maritime ; que M. E...a agi dans le cadre d'une délégation de signature qui lui avait été consentie par un arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 25 avril 2013, publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture ; que ce dernier arrêté donnait délégation à M. E...à l'effet de signer, en cas d'absence ou d'empêchement de M. Maire, secrétaire général de la préfecture, toute décision relevant des attributions de l'Etat dans le département de la Seine-Maritime à l'exception d'actes parmi lesquels ne figurent pas les mesures afférentes à l'éloignement et au placement en rétention administrative de ressortissants étrangers en situation irrégulière ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision contestée manque en fait et doit être écarté ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend (...) " ; qu'aux termes de l'article 20 de ce règlement : " (...) / 2. Une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur ou un procès-verbal dressé par les autorités est parvenu aux autorités compétentes de l'Etat membre concerné. (...) " ; qu'aux termes de l'article 5 du même règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) " ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, lors d'un rendez-vous à la préfecture de la Seine-Maritime le 3 juillet 2014, M.G... s'est vu remettre le guide du demandeur d'asile et une brochure d'information " A " relative à la détermination de l'Etat responsable, rédigés en langue anglaise, que l'intéressé a déclaré comprendre ; qu'il a également reçu une brochure " B " concernant la " procédure Dublin " du règlement (UE) n° 604/2013 à l'issue de l'entretien individuel du 21 juillet 2014 comportant les informations mentionnées par les dispositions précitées de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; que si ces informations ne lui ont pas été intégralement délivrées dès le 3 juillet 2014, date à laquelle il a introduit une demande de protection internationale auprès des autorités françaises, il ressort des pièces du dossier que M.G..., qui a bénéficié d'un délai raisonnable pour prendre connaissance de celles-ci avant le 6 novembre 2014, date à laquelle le préfet de la Seine-Maritime a décidé sa remise aux autorités italiennes et qui a d'ailleurs pu formuler des observations écrites, n'a pas été privé de la garantie procédurale consistant en un accès, dans une langue qu'il est susceptible de comprendre, à ces informations ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté ;

8. Considérant que la décision contestée qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde est, par suite, suffisamment motivée ;

9. Considérant que les moyens tirés, d'une part, de ce que le préfet aurait dû, compte tenu de sa situation personnelle, faire application des dispositions du 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 et, d'autre part, de ce que la décision de remise est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle, ne sont pas assortis des précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé ;

10. Considérant que, par les dispositions de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auxquelles renvoie le premier alinéa de l'article L. 531-2 du même code sur lequel s'est fondé le préfet de la Seine Maritime, le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger sa remise aux autorités d'un Etat membre de l'Union européenne ; que, dès lors, l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, ne saurait être utilement invoqué à l'encontre d'un arrêté de remise aux autorités de l'Etat responsable de la demande d'asile ;

11. Considérant qu'aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013/UE : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / 2. L'entretien individuel peut ne pas avoir lieu lorsque : / a) le demandeur a pris la fuite ; ou / b) après avoir reçu les informations visées à l'article 4, le demandeur a déjà fourni par d'autres moyens les informations pertinentes pour déterminer l'Etat membre responsable. L'Etat membre qui se dispense de mener cet entretien donne au demandeur la possibilité de fournir toutes les autres informations pertinentes pour déterminer correctement l'Etat membre responsable avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable soit prise (...) / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national (...) " ;

12. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et il n'est pas contesté, que l'intéressé a bénéficié d'un entretien individuel le 21 juillet 2014 et a pu porter à la connaissance de l'administration les éléments qu'il avait en sa possession ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté ;

13. Considérant qu'aux termes de l'article 26 du règlement n° 604/2013/UE : " 1. Lorsque l'État membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge d'un demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), l'État membre requérant notifie à la personne concernée la décision de le transférer vers l'État membre responsable et, le cas échéant, la décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale. (...) / 2. La décision visée au paragraphe 1 contient des informations sur les voies de recours disponibles, y compris sur le droit de demander un effet suspensif, le cas échéant, et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours et à la mise en oeuvre du transfert et comporte, si nécessaire, des informations relatives au lieu et à la date auxquels la personne concernée doit se présenter si cette personne se rend par ses propres moyens dans l'État membre responsable. (...) / 3. Lorsque la personne concernée n'est pas assistée ou représentée par un conseil juridique ou un autre conseiller, les États membres l'informent des principaux éléments de la décision, ce qui comprend toujours des informations sur les voies de recours disponibles et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours, dans une langue que la personne concernée comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend. " ; qu'aux termes de l'article 28 du même texte : " Placement en rétention / 1. Les états membres ne peuvent placer une personne en rétention au seul motif qu'elle fait l'objet da la procédure établie par le présent règlement. / Les États membres peuvent placer les personnes concernées en rétention en vue de garantir les procédures de transfert conformément au présent règlement lorsqu'il existe un risque non négligeable de fuite de ces personnes, sur la base d'une évaluation individuelle et uniquement dans la mesure où le placement en rétention est proportionnel et si d'autres mesures moins coercitives ne peuvent être effectivement appliquées. / (...) " ;

14. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. G...a eu notification le 6 août 2014 de la décision du même jour de refus d'admission au séjour sur le fondement du 1° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, le 6 novembre 2014, de la décision de remise aux autorités italiennes contestée ; qu'il a également été informé de l'existence des voies de recours disponibles à l'encontre de ces deux décisions ; que, par suite, les dispositions précitées de l'article 26 du règlement n° 604/2013/UE, qui ne prévoient pas en outre, contrairement à ce que soutient l'intéressé, l'octroi d'aucun délai de départ volontaire, n'ont pas été méconnues ;

15. Considérant que M. G...ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article 28 du règlement n° 604/2013/UE à l'encontre de la décision de remise aux autorités italiennes ;

16. Considérant que le paragraphe 1 de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 prévoit que le transfert du demandeur d'asile vers l'Etat membre responsable doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée " ;

17. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les autorités italiennes ont donné un accord implicite de reprise en charge le 23 août 2014, un mois après leur saisine par le préfet de la Seine-Maritime ; que, par suite, la décision du 6 novembre 2014 par laquelle le préfet a ordonné la remise de M. G...aux autorités italiennes est intervenue moins de six mois à compter de la décision implicite du 23 août 2014 par laquelle l'Italie a donné son accord pour sa réadmission, dans le délai d'exécution du transfert fixé par l'article 29 du règlement du 26 juin 2013 ;

18. Considérant que M.G..., en sa qualité de demandeur d'asile dont la demande relevait de la compétence d'un autre Etat européen que la France a décidé de requérir en application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003, pouvait solliciter le bénéfice des conditions minimales d'accueil en France jusqu'à sa remise effective aux autorités de l'autre Etat de l'Union en application des dispositions de la directive 2003/09/CE du 27 janvier 2003, conformément à ce qu'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 27 septembre 2012 (aff. C-179/11) ; qu'il pouvait, également, le cas échéant, saisir le juge des référés en application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative afin de faire respecter son droit à un hébergement ou au bénéfice de l'allocation temporaire d'attente ; qu'en revanche, il ne peut utilement se prévaloir d'éventuels manquements commis à ce titre par l'administration, pour demander l'annulation de la décision de remise aux autorités de l'autre Etat de l'Union, qui est prise indépendamment de ces modalités d'accueil ;

19. Considérant que si l'Italie est un Etat membre de l'Union européenne et est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il appartient néanmoins à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités de ce pays répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ; que les documents d'ordre général relatifs aux modalités d'application des règles relatives à l'asile par les autorités italiennes, notamment le rapport publié par " the law students' legal aid office " en mai 2011, ainsi qu'un rapport établi par Amnesty International le 13 mai 2011 que mentionne M.G..., ne suffisent pas à établir que la réadmission d'un demandeur d'asile vers l'Italie est, par elle-même, constitutive d'une atteinte grave au droit d'asile ; que l'intéressé, qui se borne à faire état de conditions de vie très difficiles pour les demandeurs d'asile qui ne bénéficieraient d'aucune prise en charge, n'établit pas que sa demande d'asile ne pourra être traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ; que, par suite, le préfet, en décidant sa remise aux autorités italiennes, n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

20. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. G...n'est pas fondé à soutenir que la décision de remise aux autorités italiennes est illégale ;

Sur la décision ordonnant le placement en rétention administrative :

21. Considérant, ainsi qu'il a été dit au point 5, que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision contestée doit être écarté ;

22. Considérant que la décision contestée, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, est, par suite, suffisamment motivée ;

23. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 20 que la décision de remise aux autorités italiennes n'est entachée d'aucune illégalité ; que le requérant n'est donc pas fondé à invoquer l'illégalité de cet acte pour demander l'annulation de son placement en rétention ; que la décision contestée n'est pas, en tout état de cause, illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français sur laquelle elle se fonde ;

24. Considérant qu'aux termes de l'article 28 du règlement n° 604/2013/UE : " Placement en rétention / 1. Les états membres ne peuvent placer une personne en rétention au seul motif qu'elle fait l'objet de la procédure établie par le présent règlement. / 2. Les États membres peuvent placer les personnes concernées en rétention en vue de garantir les procédures de transfert conformément au présent règlement lorsqu'il existe un risque non négligeable de fuite de ces personnes, sur la base d'une évaluation individuelle et uniquement dans la mesure où le placement en rétention est proportionnel et si d'autres mesures moins coercitives ne peuvent être effectivement appliquées. / (...) " ;

25. Considérant qu'il est constant que M. G...est entré irrégulièrement sur le territoire français et ne dispose pas de document de voyage ou d'identité en cours de validité ; que la seule circonstance qu'il bénéficie d'une adresse postale auprès de l'association " France Terre d'Asile " ne permet pas d'établir qu'il dispose d'un lieu de résidence stable et effectif ; que, par suite, et alors même qu'il s'est présenté spontanément aux convocations de la préfecture, l'intéressé ne présente pas de garanties de représentation propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à la mesure de remise aux autorités italiennes dont il fait l'objet ; que, dès lors, le préfet en adoptant la décision de placement en rétention n'a pas méconnu les dispositions de l'article 28 du règlement du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013, lequel prévoit la possibilité d'un placement en rétention lorsqu'il existe un risque non négligeable de fuite ; que si M. G...fait valoir qu'il aurait pu être assigné à résidence dans un hôtel, la décision du préfet n'est pas entachée d'une erreur d'appréciation ;

26. Considérant qu'aux termes de l'article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet " ;

27. Considérant que M.G..., dépourvu de lieu de résidence stable et effectif ainsi qu'il a été dit au point 25 et de documents d'identité, ne présentait pas de garanties de représentation effectives ; que le placement en rétention administrative de M. G...n'était, dès lors, pas dépourvu de toute nécessité ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 554-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

28. Considérant qu'aux termes de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales (...) / " ; que les dispositions des articles L. 551-1, L. 561-1 et L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile définissent de façon suffisamment précise les cas dans lesquels un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement et qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être soit placé en rétention, soit assigné à résidence par l'autorité administrative ; que, contrairement à ce que soutient M.G..., ces dispositions n'ont pas pour objet, et ne sauraient avoir pour effet, d'instaurer un placement automatique en rétention administrative ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué le plaçant en rétention administrative a été pris sur le fondement de dispositions législatives méconnaissant les stipulations du paragraphe 1 de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

29. Considérant que M. G...ne peut utilement invoquer directement devant le juge national les stipulations des paragraphes 16 et 17 du préambule de la directive 2008/115/CE, ainsi que des articles 8 et 15 de cette même directive dès lors qu'elles ont été transposées en droit français par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité ;

30. Considérant qu'aux termes de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " (...) / 4. Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal, afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale " ;

31. Considérant que les dispositions des articles L. 512-1 et suivants et L. 551-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoient que l'étranger placé en rétention administrative peut contester cette décision, dans un délai de quarante-huit heures, devant le président du tribunal administratif, qui statue dans un délai de soixante-douze heures, y compris le cas échéant à l'appui d'une demande tendant à l'annulation de la mesure d'éloignement concernée pour laquelle le recours a un effet suspensif et que cette mesure privative de liberté ne peut être prolongée au-delà de cinq jours que sur décision du juge des libertés et de la détention, qui statue dans un délai de vingt-quatre heures à compter de sa saisine ; que le législateur a ainsi entendu, dans le respect des règles de répartition des compétences entre les ordres de juridiction, que le juge administratif statue rapidement sur la légalité des mesures administratives relatives à l'éloignement des étrangers avant que n'intervienne le juge judiciaire ; qu'en organisant ce contentieux, le législateur a eu pour but de garantir l'examen prioritaire de la légalité de ces mesures et, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, de permettre un traitement plus efficace des procédures d'éloignement des étrangers en situation irrégulière ; que l'arrêté plaçant l'intéressé en rétention administrative ne fait pas obstacle à ce qu'il introduise un recours devant le tribunal afin qu'il y soit statué dans un délai bref ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée de placement en rétention administrative aurait été prise sur le fondement de dispositions législatives méconnaissant les stipulations du paragraphe 4 de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

32. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. G...n'est pas fondé à soutenir que la décision ordonnant son placement en rétention administrative est illégale ;

33. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 10 novembre 2014, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé la décision de remise aux autorités italiennes et, par voie de conséquence, sa décision ordonnant le placement de l'intéressé en rétention administrative ; que, par suite, les conclusions présentées par M. G...sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être écartées ;

Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution :

34. Considérant que la cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête du préfet de la Seine-Maritime tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête n° 14DA01861 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet ; qu'il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution présentées par le préfet de la Seine-Maritime.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 3 : La demande présentée par M. G...devant le tribunal administratif est rejetée.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. G...en appel sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. H...G...et à Me C...F....

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Seine-Maritime.

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Nos14DA01861,14DA01862 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 14DA01861
Date de la décision : 24/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Christian Bernier
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : SELARL MADELINE-LEPRINCE-MAHIEU ; SELARL MADELINE-LEPRINCE-MAHIEU ; SELARL MADELINE-LEPRINCE-MAHIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 03/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-09-24;14da01861 ?
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