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24/09/2015 | FRANCE | N°14DA00808

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 24 septembre 2015, 14DA00808


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Ecotera a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés du 4 août 2009 par lesquels le préfet de l'Aisne a refusé la délivrance de six permis de construire relatifs au parc éolien dit de " Basse Thiérarche Nord " sur le territoire de la commune d'Oisy, ainsi que les décisions implicites rejetant les recours gracieux formés contre ces arrêtés.

Par un jugement n° 0903355 du 18 février 2014, le tribunal administratif d'Amiens a annulé ces

décisions.

Procédure devant la cour :

Par un recours, enregistré le 13 mai 2014, le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Ecotera a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés du 4 août 2009 par lesquels le préfet de l'Aisne a refusé la délivrance de six permis de construire relatifs au parc éolien dit de " Basse Thiérarche Nord " sur le territoire de la commune d'Oisy, ainsi que les décisions implicites rejetant les recours gracieux formés contre ces arrêtés.

Par un jugement n° 0903355 du 18 février 2014, le tribunal administratif d'Amiens a annulé ces décisions.

Procédure devant la cour :

Par un recours, enregistré le 13 mai 2014, le ministre du logement et de l'égalité des territoires demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Ecotera devant le tribunal administratif d'Amiens.

........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le décret n° 2008-680 du 9 juillet 2008 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,

- et les observations de Me B...D..., substituant Me E...C..., représentant la société Ecotera.

Une note en délibéré et un mémoire comportant une question prioritaire de constitutionnalité, présentés par la société Ecotera, ont été enregistrés respectivement les 11 et 14 septembre 2015.

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée au recours du ministre ;

Sur la régularité du jugement :

1. Considérant que le jugement attaqué, qui n'avait pas à répondre à tous les arguments des parties, présente de manière suffisante les motifs sur lesquels le tribunal administratif d'Amiens a entendu fonder sa solution ; qu'il est, par suite, suffisamment motivé ; qu'en outre, la contradiction de motifs invoquée, à la supposer établie, concerne le bien-fondé du jugement et non sa régularité ;

Sur le bien fondé du motif d'annulation retenu par le tribunal :

2. Considérant que, pour refuser les permis de construire en litige sollicités par la société Ecotera, le préfet de l'Aisne s'est fondé sur le risque à la sécurité publique au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; que, pour annuler ces arrêtés préfectoraux, le tribunal administratif d'Amiens s'est fondé sur un unique motif tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme par le préfet ; qu'il y a lieu d'examiner ce motif en application de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date des décisions attaquées : " Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions projetées, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique. Il en est de même si les constructions projetées, par leur implantation à proximité d'autres installations, leurs caractéristiques ou leur situation sont de nature à porter atteinte (...) à la sécurité publique " ;

4. Considérant qu'il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent ;

5. Considérant, en premier lieu, que la société Ecotera projette de construire sur le territoire de la commune d'Oisy un parc dit de " Basse Thiérarche Nord " comportant six éoliennes, composées chacune de trois pales de 50 m placées sur un fût de 100 m de haut ; qu'il ressort des pièces du dossier, d'une part, que la plus proche d'entre elles se situe à 16,3 km du radar météorologique d'Avesnes-sur-Helpe, soit au-delà de la zone d'exclusion de 5 km de ce radar en bande C et, d'autre part, que l'ensemble du parc est à l'intérieur de sa zone de coordination de 20 km ; que selon l'avis défavorable émis par l'établissement public Météo France le 4 février 2008, la zone d'impact sur le Doppler calculée à partir d'une surface équivalent radar (SER) Doppler de 200 m² délimite une surface dont la dimension la plus grande est de 11,9 km, pour une surface de 34 km² autour du parc, supérieure à la limite acceptable de 10 km ; qu'en outre, Météo-France retient que la zone d'impact Doppler associée au projet d'Oisy intercepte les zones d'exclusions mutuelles (ZEM) des zones d'impact Doppler associées aux parcs de Dorengt et de Basse Thiérarche Sud-Iron-Villiers-les-Guise pour lesquelles cet établissement public ne peut émettre d'avis défavorable et qu'ainsi, les zones d'impact sont distantes de moins de 10 km entre elles, ce qui ne respecte pas le critère de la dispersion dans la zone de coordination ; que, pour sa part, la société Ecotera a produit une étude du 2 mai 2010 commandée à la société QinetiQ qui retient que la zone d'impact sur le Doppler est seulement dans sa dimension la plus grande de 5 km, pour une surface de 7 km², soit très en deçà du seuil de 10 km ; que M.A..., expert, désigné par le tribunal administratif d'Amiens, assisté d'un sapiteur pour l'évaluation des enjeux sur la sécurité des biens et des personnes, a rendu son rapport le 30 septembre 2013 ; qu'il rappelle que, d'une part, la société Ecotera reconnaît que le parc d'éoliennes va générer des perturbations sur le fonctionnement du radar d'Avesnes mais dans des limites acceptables, selon elle, sur la zone d'impact Doppler, que, d'autre part, la contrainte de la ZEM doit être écartée dans la mesure où les autres parcs sont à l'état de projet et qu'enfin, la zone perturbée est sans enjeu aux plans des risques naturels et technologiques ; que l'expert a constaté que la différence significative d'évaluation entre l'avis de Météo France et l'étude de QinetiQ tient à ce que cette société n'utilise pas une valeur " universelle " de la surface équivalent radar mais modélise la propagation des ondes en tenant compte des caractéristiques du radar et des éoliennes du parc d'Oisy sans toutefois indiquer la nature des modèles utilisés ; que l'expert ayant observé que la SER varie très fortement en fonction de la rotation des pales, soumise elle-même à la vitesse et à la direction du vent, et donc très rapidement dans le temps, cherche à palier le caractère insatisfaisant de cette méthode fondée sur le calcul de la SER à partir d'une approche statistique, par une autre méthode reposant sur une approche d'un phénomène aléatoire par des simulations dont le résultat devrait présenter une carte de probabilités de perturbations autour du champ d'éoliennes ; que si Météo France qui aurait également engagé des analyses en ce sens n'a pas voulu, pour des raisons de confidentialité, communiquer l'état de ses recherches sur ce point, il appartenait en tout état de cause seulement à l'expert de vérifier, en se plaçant à la date de la décision attaquée, la validité d'un point scientifique du modèle utilisé par l'Agence nationale des fréquences (ANFR) et repris par Météo France pour déterminer les risques de perturbation d'un radar, par référence en particulier à la SER ; qu'il pouvait ainsi comparer le modèle utilisé par Météo France et celui proposé par la société QinetiQ compte tenu de l'état des connaissances scientifiques à cette même date ; qu'en revanche, il ne lui revenait pas de contribuer à dégager pour l'avenir une nouvelle méthode le cas échéant plus fiable d'analyse des données ; que, pour les mêmes raisons, il n'y a pas lieu pour la cour de solliciter de Météo France qu'elle produise les données de ses nouvelles études pour se prononcer sur la légalité des refus en litige opposés par le préfet ; qu'en outre et selon les termes du rapport, la validité scientifique du modèle utilisé par l'AFNR " au sens des calculs effectués " n'est pas en cause, seul étant critiquable, selon l'homme de l'art, le fait de retenir une valeur unique de 200 m² pour la SER applicable à toutes les grandes éoliennes sans prendre en compte dans l'analyse la variance de cette SER ; que, toutefois, cette relative rigidité du modèle théorique utilisé faute d'autres données fournies par le porteur de projets sur la SER réelle, qui donne une appréciation approximative des perturbations générées en pratique par les éoliennes, fait partie des informations connues ; que l'expert indique, en revanche, que l'étude QinetiQ repose quant à elle sur une simulation (Nimesis) dont les principes et les modèles ne sont pas détaillés ; que, dans ces conditions, si les résultats fournis par la société QinetiQ n'ont pas été écartés par l'expert, les éléments fournis par cette société ne lui ont pas davantage permis d'écarter les valeurs retenues par Météo France ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport de l'expert, que la prise en compte de zones d'exclusions mutuelles, mentionnées dans l'avis de Météo France et dont le ministre se prévaut, doit être écartée compte tenu du caractère trop aléatoire de l'implantation des parcs seulement en projet à la date des arrêtés préfectoraux en litige et notamment du parc " Basse Thiérarche Sud " lequel, refusé le 11 janvier 2010, n'a été autorisé qu'en 2012, soit après les refus en litige intervenus le 4 août 2009 ; qu'au demeurant, pour prononcer les refus de permis de construire par les arrêtés attaqués, le préfet n'a pas retenu l'existence d'une zone d'exclusion mutuelle ;

7. Considérant, en troisième lieu, que le radar d'Avesnes permet non seulement d'assurer la surveillance de phénomènes localement dangereux dans la zone d'impact Doppler mais également, en collaboration avec d'autres radars dans le cadre d'un système Arome mis en place par Météo France, d'assurer une surveillance de nombreuses agglomérations urbaines dont celle de Lille, de participer également à la surveillance et à la prévision des risques de crues avec les services de prévision des crues Artois-Picardie, Oise-Aisne et Meuse-Moselle et, enfin, au titre des risques industriels, de prévoir le trajet de nuages toxiques en temps réel à partir de données de vent ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment du rapport de l'expert que les risques résultant des cinq sites industriels de type Seveso retenus par le préfet présenteraient une probabilité de réalisation et une gravité quant à leurs conséquences telles qu'une dégradation même temporaire des données du radar d'Avesnes présenterait un danger pour la sécurité des biens ou des personnes ; que si la probabilité de risques de crues est localement importante, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu notamment de l'appréciation portée par l'expert sur " le produit lame d'eau ", que le risque ou les conséquences sur les populations ou les biens seraient aggravés du fait d'une altération momentanée des données provenant du radar d'Avesnes ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que la sécurité des agglomérations comprises dans le système de surveillance du radar dans le cadre de sa participation au système Arome serait significativement compromise par des pertes ponctuelles de données au niveau du radar à Avesnes ; qu'au demeurant, il n'est pas sérieusement contesté qu'un système d'arrêt rapide des éoliennes est susceptible d'être mis en place en tant que de besoin ;

8. Considérant que si, comme il a été dit aux points 5 et 6, des pertes de données radar ponctuelles et temporaires ne peuvent être exclues au regard de la zone d'impact Doppler retenue par Météo France qui répond davantage à un principe de précaution qu'à une évaluation fine, ces dégradations limitées de l'information n'étaient pas, en revanche, à la date de la décision attaquée aggravées par d'autres parcs éoliens proches qui auraient dû être pris en compte dans le cadre d'une zone d'exclusion mutuelle ; qu'en outre, ainsi qu'il a été dit au point 7, la gravité des conséquences de pertes de données Doppler sur la sécurité des biens et des personnes appréciée tant au plan local que dans le cadre du système Arome n'est pas suffisamment démontrée par les pièces du dossier et notamment par le rapport de l'expert ; qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a retenu le motif tiré de l'erreur d'appréciation du préfet de l'Aisne au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme pour annuler les refus de permis de construire en litige ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, la somme de 1 500 euros à verser à la société Ecotera sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours du ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la société Ecotera la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité et à la société Ecotera.

Copie en sera transmise pour information au préfet de la région Picardie et au préfet de l'Aisne.

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N°14DA00808 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14DA00808
Date de la décision : 24/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Nature de la décision. Refus du permis.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Olivier Yeznikian
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : GREENLAW AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 03/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-09-24;14da00808 ?
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