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22/09/2015 | FRANCE | N°14DA01972

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 22 septembre 2015, 14DA01972


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Rouen l'annulation de l'arrêté du 15 mai 2014 du préfet de la Seine-Maritime lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine.

Par un jugement n° 1401940 du 16 octobre 2014, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 décembre 2014, M.C..., repr

senté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de R...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Rouen l'annulation de l'arrêté du 15 mai 2014 du préfet de la Seine-Maritime lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine.

Par un jugement n° 1401940 du 16 octobre 2014, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 décembre 2014, M.C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 16 octobre 2014 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 mai 2014 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " d'une année, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 9 novembre 2011 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Domingo, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.C..., de nationalité arménienne, né le 5 août 1982, entré en France le 23 novembre 2009, a demandé son admission au séjour pour raison de santé sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par arrêté du 15 mai 2014, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de délivrer le titre de séjour demandé ; qu'il relève appel du jugement du 16 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur le refus de titre de séjour :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° : A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. (...) " ;

3. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;

4. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que par un avis du 18 mars 2014, le médecin de l'agence régionale de santé de Haute-Normandie, saisi de la situation de M. C... par le préfet de la Seine-Maritime, a, d'une part, estimé que l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner, pour lui, des conséquences d'une exceptionnelle gravité, d'autre part, indiqué qu'il n'existait pas de traitement approprié en Arménie et que le traitement devait se poursuivre pendant une durée de 18 mois ; que si le préfet ne conteste pas que l'état de santé de l'intéressé, qui souffre d'une hépatite C, nécessite une prise en charge médicale, il fait toutefois valoir que les éléments d'information recueillis auprès du médecin conseil de l'ambassade de France à Erevan établissent, d'une part, que deux médicaments nécessaires au traitement de la pathologie dont est atteint M.C..., en l'occurrence l'interféron et la rivabarine sont disponibles et prescrits en Arménie, d'autre part, qu'un médicament élaboré localement est également à la disposition des médecins et qu'enfin, le pays comporte des établissements relativement nombreux notamment le centre " Arabkir " et l'hôpital des maladies infectieuses " Nork " susceptibles d'apporter un traitement approprié à l'état de santé du requérant ; qu'en se bornant à se référer à une étude générale du Comede réalisée en 2008 et à des certificats médicaux rédigés de manière imprécise et stéréotypés quant à la disponibilité des soins en Arménie, M. C... ne saurait être regardé comme contestant sérieusement l'existence de cette offre de soins dans le pays d'origine de l'intéressé ; que ce dernier ne peut non plus utilement se référer aux termes d'une attestation du 3 novembre 2014 établie par un praticien arménien neurologue qui, outre qu'il ne fait que constater l'absence de traitements contre l'hépatite C dans son établissement spécialisé dans le traitement des seules maladies neurologiques, se borne à relever en des termes généraux et manifestement inexacts eu égard à la précision des informations recueillies par le préfet, " qu'aucun médicament traitant de l'hépatite C n'est autorisé par la République d'Arménie sur son territoire " ; que dans ces conditions, le préfet a pu légalement s'écarter de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé sur ce point ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

7. Considérant que si M. C...fait valoir qu'il est arrivé en France le 21 décembre 2009 pour solliciter en vain le statut de réfugié, qu'il est demeuré depuis lors dans ce pays où il est hébergé par son frère, qui a obtenu la nationalité française, et qu'il entretient une relation amoureuse avec une compatriote enceinte de ses oeuvres, il ressort des pièces du dossier qu'il ne justifie ni de la réalité ni même de l'ancienneté des liens maritaux dont il se prévaut ; qu'il n'établit pas davantage être dépourvu de toute attache familiale en Arménie où réside sa mère et où il a lui-même vécu jusqu'à l'âge de 27 ans ; que, dans les circonstances de l'espèce, et eu égard notamment aux conditions de séjour en France de M.C..., qui est au demeurant défavorablement connu des services de police pour des faits de vol à l'étalage, de violence aggravée et de dégradations, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise et aurait ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de la décision de refus de séjour ne peut être accueilli ;

9. Considérant que l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 susvisé dispose qu'au vu d'un " rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; - la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays. (...) " ;

10. Considérant qu'il ressort de l'avis rendu le 18 mars 2014, par le médecin de l'agence régionale de santé de Haute-Normandie, que ce dernier, conformément aux dispositions précitées de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011, a bien renseigné les rubriques pertinentes au regard de l'état de santé de M. C...en précisant que cet état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut devrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existait pas dans son pays d'origine un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; qu'il s'est ainsi effectivement et suffisamment prononcé sur les différents éléments susceptibles d'éclairer le préfet de la Seine-Maritime préalablement à sa décision ; que la circonstance qu'il n'ait pas indiqué si l'intéressé pouvait voyager sans risque est sans incidence sur la régularité de cet avis dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de M. C...pouvait susciter des interrogations sur sa capacité à supporter le voyage vers son pays d'origine ; que, par suite, le préfet n'était pas tenu de recueillir une seconde fois l'avis du médecin de l'agence régionale de santé avant d'obliger M. C...à quitter le territoire français ;

11. Considérant, ainsi qu'il a été dit précédemment au point 5, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C...ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 7 du présent arrêt, que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M.C... ;

Sur le pays de renvoi :

13. Considérant que si la motivation de fait de la décision fixant le pays de destination ne se confond pas nécessairement avec celle obligeant l'étranger à quitter le territoire français, la motivation en droit de ces deux décisions est identique et résulte des termes mêmes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel est, du reste, visé dans la décision attaquée ; qu'ainsi, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination n'est pas suffisamment motivée en droit alors même que le dernier alinéa du I de l'article L. 511-1 dudit code n'est pas visé ; qu'en outre, le préfet de la Seine-Maritime qui a relevé, au demeurant, que la demande d'asile de M. C...avait été définitivement rejetée, n'avait pas à indiquer en quoi il estimait que la vie ou la liberté de l'étranger n'étaient pas menacées dans son pays ; que, par suite, la décision fixant le pays de destination est suffisamment motivée en fait ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi par voie de conséquence de l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

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N°14DA01972


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14DA01972
Date de la décision : 22/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. Hoffmann
Rapporteur ?: M. Laurent Domingo
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : SELARL MADELINE-LEPRINCE-MAHIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 01/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-09-22;14da01972 ?
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