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22/09/2015 | FRANCE | N°14DA00724

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 22 septembre 2015, 14DA00724


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au tribunal administratif de Rouen l'annulation de l'arrêté du 29 octobre 2013 du préfet de l'Eure lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine.

Par un jugement n° 1303466 du 25 mars 2014, le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de l'Eure de délivrer à Mme A...épouse B...une carte de séjour temporaire portant la me

ntion " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au tribunal administratif de Rouen l'annulation de l'arrêté du 29 octobre 2013 du préfet de l'Eure lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine.

Par un jugement n° 1303466 du 25 mars 2014, le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de l'Eure de délivrer à Mme A...épouse B...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 28 avril 2014, le 6 juin 2014, le 25 juin 2014 et le 30 avril 2015, le préfet de l'Eure demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 25 mars 2014 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B...en première instance.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Domingo, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que le préfet de l'Eure relève appel du jugement du 25 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 29 octobre 2013 refusant la délivrance d'un titre de séjour à MmeB..., ressortissante nigériane, née le 1er décembre 1975, et lui a enjoint de délivrer à l'intéressée une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention susvisée relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B...a épousé le 6 juillet 2002 en Côte d'Ivoire un compatriote dont elle a eu un enfant né le 20 juin 2003 ; que son époux a quitté le territoire ivoirien pour gagner la France le 1er décembre 2006 en vue de solliciter le statut de réfugié ; que l'intéressé, qui est demeuré sur le territoire national après le rejet de sa demande d'asile, est désormais titulaire d'une carte de séjour temporaire dont la durée de validité expire le 23 janvier 2014 et a été rejoint par son épouse qui est entrée selon ses dires sur le territoire national le 12 décembre 2011 ; que le premier enfant du couple les a ensuite rejoints au mois de janvier 2013 soit quelques mois avant la naissance de son frère en France le 15 février 2013 ; que Mme B...a fait valoir que le refus de titre de séjour aurait pour effet de séparer les enfants de l'un de leurs deux parents ; que, toutefois, l'arrêté du préfet refusant la délivrance d'un titre de séjour à l'intéressée ne porte pas atteinte à l'unité de la famille, soit en France après regroupement familial qu'elle a la faculté de solliciter, soit en Côte d'Ivoire, pays dans lequel le couple a vécu au moins depuis l'année 2001 et où est né et a grandi l'aîné de leurs enfants lequel a été au demeurant séparé de son père pendant plusieurs années et n'a rejoint ses deux parents que fort récemment ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, et eu égard en outre au très jeune âge du second enfant du couple, l'arrêté par lequel le préfet de l'Eure a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme B...ne peut être regardé comme affectant de manière suffisamment directe et certaine la situation des enfants ; que, par suite, l'arrêté du 29 octobre 2013 n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; que le préfet de l'Eure est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé, pour ce motif, son arrêté ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B...devant le tribunal administratif de Rouen et la cour ;

Sur le refus de titre de séjour :

5. Considérant que s'il appartient au préfet, avant de refuser la délivrance d'un titre de séjour, de s'assurer que sa décision ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, celles-ci ne constituent pas pour autant le fondement du refus de séjour ; qu'ainsi, la circonstance que la décision de refus de séjour omette de les mentionner n'est pas de nature à révéler une insuffisance de motivation en droit ; qu'enfin le préfet, qui n'avait pas à mentionner l'ensemble des éléments caractérisant la situation personnelle de MmeB..., a suffisamment motivé sa décision en fait ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ;

7. Considérant qu'en sa qualité d'épouse d'un ressortissant étranger titulaire d'une carte de séjour temporaire, Mme B...entre dans la catégorie qui ouvre droit au regroupement familial ; que, dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision de refus de titre de séjour attaquée a été prise en méconnaissance des dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

9. Considérant que si Mme B...fait valoir qu'elle est entrée en France au mois de décembre 2011 à l'âge de 36 ans afin d'y solliciter le statut de réfugiée et qu'elle est depuis demeurée dans ce pays en compagnie de son époux, en situation régulière, et de ses deux enfants dont l'un est né sur le territoire français, il résulte toutefois de ce qui a été dit au point 3, que compte tenu notamment des conditions du séjour en France de l'intéressée, du caractère récent de la communauté de vie des époux en France et de la possibilité de bénéficier soit de la procédure de regroupement familial, soit de reconstituer la cellule familiale en dehors du territoire français, notamment en Côte d'Ivoire où elle s'est installée en 1988 après avoir fui le Nigéria, son pays d'origine et a vécu avec son époux, le préfet de l'Eure n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'il n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, l'autorité préfectorale n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision de refus de séjour sur la situation personnelle de l'intéressée ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de la décision de refus de séjour ne peut être accueilli ;

11. Considérant que Mme B...a sollicité son admission au séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle a donc été mise à même de faire valoir, avant l'intervention de l'arrêté qui lui a refusé l'admission au séjour et l'a également obligée à quitter le territoire français, tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu de ces mesures ; que, par suite, la garantie consistant dans le droit à être entendu préalablement à la mesure d'éloignement, telle qu'elle est notamment consacrée par le droit de l'Union, n'a pas été méconnue ;

12. Considérant que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 9 ci-dessus ;

Sur le délai de départ volontaire :

13. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) " ;

14. Considérant que dès lors que le délai de trente jours accordé à un étranger pour exécuter une obligation de quitter le territoire français constitue un délai équivalent au délai de droit commun le plus long susceptible d'être accordé en application des dispositions de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, l'absence de prolongation de ce délai n'a pas à faire l'objet d'une motivation spécifique, distincte de celle du principe même de ladite obligation, à moins que l'étranger ait expressément demandé le bénéfice d'une telle prolongation ou justifié d'éléments suffisamment précis sur sa situation personnelle susceptibles de rendre nécessaire, au sens desdites dispositions de l'article 7, une telle prolongation ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B...ait fait état devant le préfet de l'Eure, à l'occasion du dépôt ou de l'instruction de sa demande de titre de séjour, de circonstances particulières propres à justifier une prolongation dudit délai ; que, par suite, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que la décision précitée ne serait pas motivée ni que le préfet, en fixant ce délai à trente jours, aurait méconnu l'étendue de sa compétence ;

Sur le pays de renvoi :

15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi par voie de conséquence de l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

16. Considérant que si la motivation de fait de la décision fixant le pays de destination ne se confond pas nécessairement avec celle obligeant l'étranger à quitter le territoire français, la motivation en droit de ces deux décisions est identique et résulte des termes mêmes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel est, du reste, visé dans la décision attaquée ; qu'ainsi, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination n'est pas suffisamment motivée en droit ; que, par ailleurs, le préfet de l'Eure a suffisamment motivé sa décision en fait en mentionnant que Mme B...n'établissait pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ;

17. Considérant, enfin, que Mme B...n'établit pas qu'elle serait personnellement et directement exposée à des risques de persécution en cas de retour soit dans son pays d'origine soit même en Côte d'Ivoire où elle a vécu depuis l'âge de 13 ans ; que, par suite, l'intéressée, dont la demande d'asile a été au demeurant rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 19 décembre 2012, que par la Cour nationale du droit d'asile le 8 juillet 2013, n'est pas fondée à soutenir que le préfet de l'Eure, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il se serait senti lié par ces dernières décisions, aurait méconnu les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Eure est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 29 octobre 2013 ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de Mme B...à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 25 mars 2014 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Rouen et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme C...B....

Copie sera adressée au préfet de l'Eure.

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N°14DA00724


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14DA00724
Date de la décision : 22/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. Hoffmann
Rapporteur ?: M. Laurent Domingo
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : SELARL MADELINE-LEPRINCE-MAHIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 01/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-09-22;14da00724 ?
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