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10/09/2015 | FRANCE | N°14DA00494

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 10 septembre 2015, 14DA00494


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...E...et MmesG..., F..., I...et D...E...ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 21 mars 2011 par lequel le président du département du Nord a exercé le droit de préemption de la collectivité sur les parcelles cadastrées A 308, 311, 312, 318 et 319 situées à Cassel, dont ils sont propriétaires indivis, et de condamner le département du Nord à les indemniser du préjudice subi.

Par un jugement n° 1104866 du 16 janvier 2014, le tribunal a

dministratif de Lille a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...E...et MmesG..., F..., I...et D...E...ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 21 mars 2011 par lequel le président du département du Nord a exercé le droit de préemption de la collectivité sur les parcelles cadastrées A 308, 311, 312, 318 et 319 situées à Cassel, dont ils sont propriétaires indivis, et de condamner le département du Nord à les indemniser du préjudice subi.

Par un jugement n° 1104866 du 16 janvier 2014, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 mars 2014, et des mémoires, enregistrés les 15 décembre 2014 et 12 février 2015, M. E...et autres, représentés par Me C...H..., demandent à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté leurs conclusions d'excès de pouvoir ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 21 mars 2011 ;

3°) à titre subsidiaire, d'imposer l'acquisition de l'ensemble de l'unité foncière ;

4°) de mettre à la charge du département du Nord la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Perrine Hamon, rapporteur public,

- et les observations de Me J...B..., représentant le département du Nord.

Une note en délibéré, enregistrée le 1er septembre 2015, a été présentée pour le département du Nord.

Une note en délibéré, enregistrée le 1er septembre 2015, a été présentée pour M. E...et autres.

Sur la fin de non-recevoir opposée en première instance :

1. Considérant que le juge d'appel, auquel est déféré un jugement ayant rejeté au fond des conclusions sans que le juge de première instance ait eu, le cas échéant, besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées devant lui, ne peut faire droit à ces conclusions qu'après avoir écarté expressément ces fins de non-recevoir, alors même que le défendeur, sans pour autant les abandonner, ne les aurait pas reprises en appel ;

2. Considérant que tout demandeur peut valablement saisir l'autorité administrative, dans le délai de recours contentieux, d'un recours gracieux formé par le mandataire de son choix, en vertu d'un mandat exprès ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que le notaire des consorts E...a adressé au département du Nord deux déclarations d'intention d'aliéner portant sur un ensemble de parcelles situées à Cassel ; qu'à la suite de la notification, le 21 mars 2011, d'un arrêté du même jour par lequel le département du Nord a exercé son droit de préemption sur une partie seulement de ces parcelles appartenant aux consortsE..., le notaire a contesté cette décision de préemption partielle ; que si aucun document versé au dossier ne permet de connaître l'étendue du mandat dont le notaire bénéficiait, il ressort des écritures de première instance que les consorts E...ont clairement indiqué que ce dernier n'avait pas agi en leur nom et pour leur compte mais de sa propre initiative et à titre personnel ; que, dans les circonstances de l'espèce, ils ont ainsi mis en doute de manière suffisamment probante l'existence d'un mandat confié au notaire pour exercer un recours gracieux en leur nom ; que, par suite, et en tout état de cause, le silence gardé par le département du Nord sur la réclamation adressée par le notaire n'a pas fait naître une décision de rejet d'un recours gracieux qui aurait fait courir à l'encontre des consorts E...le délai de recours contentieux ; que si un recours gracieux du 27 avril 2011 a été adressé par le conseil des consorts E...au département du Nord qui l'a reçu le 2 mai 2011, soit dans le délai de recours initial, il ressort des pièces du dossier qu'il n'y a pas été répondu et qu'à la date à laquelle la demande a été enregistrée devant le tribunal administratif, le 23 août 2011, le délai de recours contentieux n'était, en tout état de cause, pas expiré ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée en première instance par le département du Nord doit être écartée ;

Sur la légalité de la décision de préemption :

En ce qui concerne la violation de l'article L. 142-3 du code de l'urbanisme :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 142-1 du code de l'urbanisme : " Afin de préserver la qualité des sites, des paysages, des milieux naturels et des champs naturels d'expansion des crues et d'assurer la sauvegarde des habitats naturels selon les principes posés à l'article L. 110, le département est compétent pour élaborer et mettre en oeuvre une politique de protection, de gestion et d'ouverture au public des espaces naturels sensibles, boisés ou non (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 142-3, alors applicable, du même code : " Pour la mise en oeuvre de la politique prévue à l'article L. 142-1, le conseil général peut créer des zones de préemption dans les conditions ci-après définies. / (...) / Lorsque la mise en oeuvre de la politique prévue à l'article L. 142-1 le justifie, le droit de préemption peut s'exercer pour acquérir la fraction d'une unité foncière comprise à l'intérieur de la zone de préemption. Dans ce cas, le propriétaire peut exiger que le titulaire du droit de préemption se porte acquéreur de l'ensemble de l'unité foncière. (...) " ; qu'une unité foncière est un îlot de propriété d'un seul tenant, composé d'une parcelle ou d'un ensemble de parcelles appartenant à un même propriétaire ou à la même indivision ;

5. Considérant que, par un arrêté du 21 mars 2011, le département du Nord, agissant sur le fondement des articles L. 142-1 et suivants du code de l'urbanisme, a décidé de préempter les parcelles comprises dans une déclaration d'intention d'aliéner que lui avait adressée, le 19 janvier 2011, le notaire des consorts E...à Cassel et portant sur des parcelles A 308, 311, 312, 318 et 319, situées au lieu-dit " Mont des Récollets ", présentées comme la propriété de l'indivision constituée entre Mme I...E...-K... et ses cinq enfants ; qu'en revanche, il n'a pas mis en oeuvre son droit de préemption pour la parcelle cadastrée A 313, attenante aux précédentes, faisant l'objet d'une seconde déclaration d'intention d'aliéner adressée par le même notaire le même jour et présentée comme appartenant à Mme E...-K... ; qu'il ressort cependant des pièces du dossier qu'en dépit d'une erreur d'indication concernant le nom du propriétaire dans les déclarations d'intention d'aliéner, l'ensemble des parcelles appartenait, au jour de l'édiction de l'arrêté en litige, à Mme E...-K..., et constituait un îlot de propriété d'un seul tenant ; qu'en outre, il est constant que les deux déclarations d'intention d'aliéner exigeaient, par une mention expresse y figurant, que le titulaire du droit de préemption se porte acquéreur de l'ensemble de l'unité foncière ainsi constituée ; que, par suite, en préemptant les seules parcelles A 308, 311, 312, 318 et 319, le département du Nord a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 142-2 du code de l'urbanisme ;

En ce qui concerne la violation de l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme :

6. Considérant qu'aux termes de l'article R. 213-8 du code de l'urbanisme : " Lorsque l'aliénation est envisagée sous forme de vente de gré à gré ne faisant pas l'objet d'une contrepartie en nature, le titulaire du droit de préemption notifie au propriétaire : / (...) / b) Soit sa décision d'acquérir aux prix et conditions proposés, y compris dans le cas de versement d'une rente viagère (...) " ;

7. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 5, les deux déclarations d'intention d'aliéner comportaient une condition expresse tenant à l'acquisition de l'ensemble d'un seul tenant formé par les parcelles mises en vente ; qu'en procédant à la préemption d'une seule partie de ces parcelles, le département du Nord n'a pas respecté cette condition ; qu'il a ainsi méconnu les dispositions du b) de l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme ;

8. Considérant que, pour l'application des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens repris devant la cour n'est, en l'état de l'instruction, fondé et de nature à entraîner l'annulation de la décision de préemption contestée ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. E...et autres sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande d'annulation pour excès de pouvoir de la décision de préemption en litige ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département du Nord une somme de 1 500 euros à verser à M. E...et autres, venant aux droits de Mme E...-K..., décédée, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. E...et autres, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement de la somme que le département du Nord demande à ce titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille et l'arrêté du 21 mars 2011 du département du Nord sont annulés.

Article 2 : Le département du Nord versera à M. A...E...et à MmesG..., F..., I...et D...E...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions du département du Nord présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...E..., à Mme G...E..., à Mme F...E..., à Mme I...E..., à Mme D...E...et au département du Nord.

Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14DA00494
Date de la décision : 10/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Procédure - Jugements - Exécution des jugements - Effets d'une annulation.

Urbanisme et aménagement du territoire - Procédures d'intervention foncière - Préemption et réserves foncières - Droits de préemption.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Olivier Nizet
Rapporteur public ?: Mme Hamon
Avocat(s) : SCP SEBAN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 29/09/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-09-10;14da00494 ?
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