La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/07/2015 | FRANCE | N°14DA00003

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 09 juillet 2015, 14DA00003


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Breteuil, l'association de défense de l'environnement de Breteuil et des alentours (ADEBA), et la communauté de communes des vallées de la Brêche et de la Noye ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 7 décembre 2010 par lequel le préfet de l'Oise a autorisé la société Gurdebeke à défricher une surface de 10 hectares 50 ares de bois situés sur une parcelle cadastrée ZR n° 56, sur le territoire de la commune d'Hardivillers.

Par

un jugement n° 1100439 du 1er octobre 2013, le tribunal administratif d'Amiens a reje...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Breteuil, l'association de défense de l'environnement de Breteuil et des alentours (ADEBA), et la communauté de communes des vallées de la Brêche et de la Noye ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 7 décembre 2010 par lequel le préfet de l'Oise a autorisé la société Gurdebeke à défricher une surface de 10 hectares 50 ares de bois situés sur une parcelle cadastrée ZR n° 56, sur le territoire de la commune d'Hardivillers.

Par un jugement n° 1100439 du 1er octobre 2013, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 janvier 2014, la commune de Breteuil et autres, représentées par la SELARL Garnier, Roucoux et associés, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 7 décembre 2010 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code forestier ;

- le décret n° 2009-368 du 1er avril 2009 ;

- le décret n° 2011-2019 du 29 décembre 2011 ;

- l'arrêté du 29 octobre 2009 fixant la liste des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Perrine Hamon, rapporteur public,

- et les observations de Me C...B..., représentant la commune de Breteuil et autres, et de Me A...D..., représentant la société Gurdebeke.

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 311-1 du code forestier alors applicable : " Est un défrichement toute opération volontaire ayant pour effet de détruire l'état boisé d'un terrain et de mettre fin à sa destination forestière. (...) " ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement dans leur rédaction issue du décret n° 2009-368 du 1er avril 2009 : " Ne sont pas soumis à la procédure de l'étude d'impact, sous réserve des dispositions de l'article R. 122-9, les aménagements, ouvrages et travaux définis au tableau ci-après, dans les limites et sous les conditions qu'il précise. / (...) / 15° Défrichements soumis aux dispositions du code forestier et premiers boisements soumis à autorisation au titre du code rural. / Défrichements et premiers boisements portant sur une superficie inférieure à 25 hectares " ; qu'aux termes de l'article R. 122-9 du même code : " Pour les travaux et projets d'aménagements définis au présent article, la dispense, prévue aux articles R. 122-5 à R. 122-8, de la procédure d'étude d'impact est subordonnée à l'élaboration d'une notice indiquant les incidences éventuelles de ceux-ci sur l'environnement et les conditions dans lesquelles l'opération projetée satisfait aux préoccupations d'environnement : / (...) / 6° Travaux de défrichement et de premiers boisements soumis à autorisation et portant sur une superficie inférieure à 25 hectares ; / (...) " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 7 décembre 2010, le préfet de l'Oise a autorisé la société Gurdebeke à défricher un bois situé sur une parcelle cadastrée ZR n° 56, sur le territoire de la commune d'Hardivillers ; que cet espace boisé d'une superficie de 10 hectares 50 ares est composé, pour partie, d'une hêtraie calcicole de plateaux dont certains sujets ont plus de vingt ans ; que, cependant, compte tenu de la surface totale concernée, l'autorisation de défrichement n'était pas soumise à l'élaboration d'une étude d'impact mais d'une notice d'impact, laquelle a d'ailleurs été réalisée ; que, par suite, la commune de Breteuil et autres, qui ne peuvent utilement se prévaloir des dispositions de l'article R. 122-2 du code de l'environnement dans leur rédaction issue du décret n° 2011-2019 du 29 décembre 2011 qui n'étaient pas applicables à la procédure d'impact engagée avant leur entrée en vigueur, ne sont, en tout état de cause, pas fondées à soutenir que l'autorisation de défrichement aurait dû être précédée d'une étude d'impact ;

4. Considérant que l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale ;

5. Considérant qu'un arrêté de défrichement, alors même qu'il a été pris en vue de permettre l'implantation d'une installation classée pour la protection de l'environnement, ne constitue pas une mesure d'application de la décision préfectorale qui autorise une telle exploitation ; que cette dernière décision, lorsqu'elle est requise, ne constitue pas davantage le fondement légal de l'autorisation de défrichement ; que, par suite, la commune de Breteuil et autres ne peuvent utilement exciper de l'illégalité de l'arrêté du préfet de l'Oise autorisant l'exploitation d'un site de stockage de déchets non fermentescibles peu évolutifs sur le territoire de la commune d'Hardivillers au lieudit " montagne sous les bosses " ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement dans sa version alors applicable : " Lorsqu'un intérêt scientifique particulier ou que les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : / 1° La destruction ou l'enlèvement des oeufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, (...) d'animaux de ces espèces (...) / 2° La destruction, la coupe, la mutilation, l'arrachage, la cueillette ou l'enlèvement de végétaux de ces espèces, (...) / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces (...) " ; que selon le 4° de l'article L. 411-2 du même code, en application de dispositions réglementaires, peuvent être délivrées des dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle ;

7. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que certaines des interdictions posées par l'article L. 411-1 ne présentent pas un caractère absolu dès lors que des dérogations peuvent y être apportées dans les conditions et limites fixées par le 4° de l'article L. 411-2 et selon les modalités prévues par le règlement ;

8. Considérant qu'il suit de là que l'autorisation de défrichement ne méconnaît pas l'article L. 411-1 du code de l'environnement du seul fait qu'elle est susceptible de conduire à la destruction de certaines espèces protégées ; qu'en outre, il n'est pas contesté que la société Gurdebeke a obtenu une dérogation sur le fondement de l'article L. 411-2 du code de l'environnement ; que la commune de Breteuil et autres, qui se bornent à soutenir que l'autorité administrative n'aurait pas dû accorder une telle dérogation, n'assortissent pas, en tout état de cause, leur moyen des précisions qui permettent d'en apprécier le bien-fondé ; que, par suite, le moyen tiré de la violation de l'article L. 411-1 du code de l'environnement doit être écarté ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 311-3 du code forestier, dans sa version alors applicable : " L'autorisation de défrichement peut être refusée lorsque la conservation des bois ou des massifs qu'ils complètent, ou le maintien de la destination forestière des sols, est reconnu nécessaire : / (...) / 8° A l'équilibre biologique d'une région ou d'un territoire présentant un intérêt remarquable et motivé du point de vue de la préservation des espèces animales ou végétales et de l'écosystème ou au bien-être de la population (...) " ;

10. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 29 octobre 2009 fixant la liste des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection : " Pour les espèces d'oiseaux dont la liste est fixée ci-après : / I. - Sont interdits sur tout le territoire métropolitain et en tout temps : / la destruction intentionnelle ou l'enlèvement des oeufs et des nids ; / (...) / la perturbation intentionnelle des oiseaux, notamment pendant la période de reproduction et de dépendance, pour autant que la perturbation remette en cause le bon accomplissement des cycles biologiques de l'espèce considérée " ;

11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment de la notice d'impact qu'ont été recensées sur le site des espèces animales protégées, notamment des chiroptères et des busards Saint-Martin ainsi que des espèces végétales dont onze présentent un intérêt patrimonial par leur niveau de menace en Picardie et quatre sont rares mais non menacées, dont la germandrée botryde ; que, d'une part, la circonstance que l'autorisation porte sur un terrain situé dans une zone naturelle d'intérêt écologique faunistique et floristique (ZNIEFF), de type I, est insuffisante pour établir qu'elle porterait atteinte à l'écosystème dont cette zone fait l'inventaire, lequel est dépourvu par lui-même de portée juridique et n'est donc pas opposable à l'autorisation attaquée ; que, d'autre part, aucun défrichement n'est prévu au nord du site où se situe la hêtraie calcicole de plateaux qui, non protégée jusqu'alors, est proposée pour une intégration au site Natura 2000 du réseau de coteaux crayeux du bassin de l'Oise aval, permettant ainsi de reconstituer une continuité écologique ; que l'arrêté attaqué a été délivré sous réserve de prescriptions spéciales tenant au maintien d'une ceinture de végétation autour du site avec conservation des boisements les plus matures et à la création d'un boisement au sud-est pour conforter la ceinture végétale ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le défrichement aura par lui-même une conséquence sur l'habitat troglodyte des espèces de chiroptères ; que l'impact sur l'habitat du busard Saint-Martin doit être temporaire, les opérations de défrichement d'un habitat de prairie devant au contraire être propices à son développement ; qu'enfin, il est prévu que les spécimens de germandrée botryde soient préservés et replantés ; qu'ainsi, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens a écarté leurs moyens tenant à l'erreur manifeste commise par le préfet de l'Oise dans l'appréciation des conséquences du défrichement sur les caractéristiques écologiques du site en cause ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la société Gurdebeke et le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, que la commune de Breteuil et autres ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; qu'en revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Breteuil, de l'ADEBA et de la communauté de communes des vallées de la Brêche et de la Noye une somme de 1 500 euros à verser sur le même fondement, à la société Gurdebeke ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Breteuil et autres est rejetée.

Article 2 : La commune de Breteuil, l'ADEBA, la communauté de communes des vallées de la Brêche et de la Noye verseront ensemble la somme de 1 500 euros à la société Gurdebeke au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Breteuil, à l'association de défense de l'environnement de Breteuil et des alentours, à la communauté de communes des vallées de la Brêche et de la Noye, à la société Gurdebeke et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Oise.

''

''

''

''

N°14DA00003 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14DA00003
Date de la décision : 09/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-04-042-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Autorisations d`utilisation des sols diverses. Autorisations relatives aux espaces boisés. Autorisation de défrichement.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Olivier Nizet
Rapporteur public ?: Mme Hamon
Avocat(s) : SELARL GARNIER ROUCOUX et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-07-09;14da00003 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award