Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 11 juillet 2012 par lequel le préfet du Nord lui a refusé le séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1300118 du 17 avril 2013, le tribunal administratif de Lille a annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination et a rejeté les conclusions tendant à l'annulation du refus de titre de séjour.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 juin 2013 et le 16 août 2013, Mme C...D..., représentée par Me B...A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 17 avril 2013 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 juillet 2012 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;
2°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 155 euros par jour de retard, ou, à défaut, de procéder, dans un délai de quinze jours et sous la même condition d'astreinte, à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 392 euros, à verser à son avocat, au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- la directive 2005/85/CE du 1er décembre 2005 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Lavail Dellaporta, président-assesseur.
1. Considérant que MmeD..., de nationalité géorgienne née le 12 janvier 1982, relève appel du jugement du 17 avril 2013 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet du Nord, du 11 juillet 2012, refusant de lui délivrer un titre de séjour à la suite du rejet, par la Cour nationale du droit d'asile, de sa demande d'asile ; que, par la voie de l'appel incident, le préfet du Nord relève appel du jugement en tant qu'il a annulé les décisions du 11 juillet 2012 obligeant Mme D...à quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;
Sur l'appel principal de MmeD... :
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'à l'appui de sa demande, Mme D...soutenait notamment que la décision par laquelle le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour méconnaissait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; que le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen qui n'était pas inopérant ; que, par suite, le jugement du tribunal administratif de Lille doit être annulé en tant qu'il a rejeté la demande de Mme D... tendant à l'annulation de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour ;
3. Considérant qu'il y a lieu de statuer, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par la requérante devant le tribunal administratif de Lille et tendant à l'annulation du refus de titre de séjour ;
4. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. Le I de l'article L 511-1 est alors applicable " ; ; qu'aux termes de l'article R. 742-3 du même code : " (...) le demandeur d'asile obtient le renouvellement du récépissé de la demande d'asile (...) jusqu'à la notification de la décision de la cour (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article R. 733-20 du même code : " Le secrétaire général de la cour notifie la décision de la cour au requérant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (...) " ; que s'il résulte de ces dernières dispositions que la décision par laquelle la Cour nationale du droit d'asile statue sur une demande d'asile doit être notifiée au demandeur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postal, elles ne rendent pas pour autant irrégulière une notification par un autre procédé présentant des garanties équivalentes ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de la mention portée par l'intéressée au bas de la dernière page de la décision de la Cour nationale du droit d'asile du 13 avril 2012, par laquelle elle certifie avoir déposé cette décision le 26 juin 2012 au guichet de l'accueil de la préfecture du Nord, que celle-ci lui a été notifiée effectivement au plus tard à cette date, soit antérieurement à l'arrêté attaqué ; qu'elle doit ainsi être regardée comme ayant été régulièrement destinataire de la décision de la Cour nationale du droit d'asile et n'est, par suite, pas fondée à soutenir que le préfet ne pouvait lui refuser la délivrance d'un titre de séjour en qualité de réfugié ;
5. Considérant, d'une part, que la requérante ne peut utilement invoquer, à l'appui de son moyen tiré de ce qu'elle n'a pas été informée dans une langue qu'elle comprend des droits dont elle pouvait se prévaloir à l'occasion de sa demande d'asile, de la méconnaissance de l'article 10 de la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005, dès lors que les dispositions de cette directive ont été transposées par l'article 6 du décret n° 2011-1031 du 29 août 2011 relatif aux conditions d'exercice du droit d'asile et codifiées dans la nouvelle rédaction du dernier alinéa de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
6. Considérant, d'autre part, qu'eu égard à l'objet du document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, sur les organisations susceptibles de leur procurer une assistance juridique, de les aider ou de les informer sur les conditions d'accueil qui peuvent leur être proposées, la remise de ce document doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile, ainsi que le prévoit les dispositions précitées de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, dans le respect notamment des délais prévus ; que le défaut d'un tel document ne peut, ainsi, être utilement invoqué à l'appui d'un recours mettant en cause la légalité de la décision par laquelle le préfet statue, en fin de procédure, après intervention de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, le cas échéant, après celle de la Cour nationale du droit d'asile, sur le séjour en France au titre de l'asile ou à un autre titre ; que, par suite, Mme D...ne peut utilement se prévaloir, à l'encontre de la décision de refus de titre de séjour prise par le préfet du Nord après le rejet de sa demande d'asile par la Cour nationale du droit d'asile le 13 avril 2012, de la circonstance qu'elle n'aurait pas été destinataire des informations requises par les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre, doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prévue au titre Ier du livre V et, le cas échéant, des pénalités prévues au chapitre Ier du titre II du livre VI " ;
8. Considérant que, contrairement à ce que soutient MmeD..., les dispositions de l'article L. 742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont ni pour objet, ni pour effet, de faire obligation au préfet, avant le cas échéant d'assortir d'une obligation de quitter le territoire français le refus de délivrance de la carte de résident prévue au 8° de l'article L. 314-11 du même code, d'examiner d'office si le ressortissant étranger, auquel est opposé ce refus, serait susceptible de bénéficier de la délivrance d'un titre de séjour sur un autre fondement ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être accueilli ;
9. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la requérante ait sollicité une demande de titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, le représentant de l'Etat n'avait nulle obligation d'examiner d'office une telle demande, dès lors qu'il n'y était tenu par aucune disposition législative ou réglementaire ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être en tout état de cause écarté ;
10. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
11. Considérant que si la requérante fait valoir qu'elle est entrée en France le 28 mai 2009 en compagnie de son époux et de ses deux enfants pour solliciter le statut de réfugiée, qu'elle est demeurée depuis lors dans ce pays après le rejet de sa demande d'asile et que des membres de sa famille résident régulièrement sur le territoire national, il ressort toutefois des pièces du dossier que l'époux de Mme D...se trouve également en situation irrégulière et a fait l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'en outre Mme D...ne justifie pas être dans l'impossibilité de poursuivre sa vie privée et familiale en dehors du territoire français en compagnie de son mari et de ses enfants, notamment en Géorgie, pays dans lequel ni elle, ni son époux, ne sont dépourvus d'attaches familiales et où elle a elle-même vécu jusqu'à l'âge de 27 ans ; que, dans les circonstances de l'espèce, eu égard tant à la durée qu'aux conditions de séjour en France de MmeD..., cette dernière n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Nord, en ce qu'il a examiné si le refus de titre de séjour qu'il lui opposait ne portait pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, aurait fait une appréciation erronée de sa situation et aurait ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que la décision du préfet serait entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;
12. Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant susvisée : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
13. Considérant que la seule circonstance que les enfants du couple, âgés de huit ans et cinq ans lors de leur arrivée en France, y soient scolarisés ne suffit pas à établir que leur intérêt supérieur n'a pas été pris en compte dans la décision attaquée ; qu'eu égard à l'âge des enfants de la requérante, et alors que rien ne s'oppose à ce qu'ils repartent avec leurs parents, et à la possibilité pour eux d'être à nouveau scolarisés dans leur pays d'origine, la décision de refus de séjour n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 11 juillet 2012 par laquelle le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ;
Sur l'appel incident du préfet du Nord :
15. Considérant que Mme D...a présenté une demande de titre de séjour sur le fondement de l'asile ; qu'elle a donc été mise à même de faire valoir, avant l'intervention de l'arrêté qui lui a refusé l'admission au séjour et l'a également obligée à quitter le territoire français, tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu de ces mesures ; que, par suite, la garantie consistant dans le droit à être entendu préalablement à la mesure d'éloignement, telle qu'elle est notamment consacrée par le droit de l'Union, n'a pas été méconnue ; que le préfet du Nord est par suite fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a retenu le moyen tiré de la méconnaissance de ce principe pour annuler la mesure d'éloignement à destination de son pays d'origine prise à l'encontre de MmeD... ;
16. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme D...devant le tribunal administratif de Lille et la cour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français et la fixation du pays de renvoi ;
17. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à exciper, à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français, de l'illégalité de l'arrêté de refus de titre de séjour qui lui a été opposé ;
18. Considérant que l'arrêté attaqué comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; qu'il est dès lors suffisamment motivé ;
19. Considérant qu'il ressort des termes de l'arrêté attaqué que le préfet a précédé son arrêté d'un examen particulier de la situation personnelle de MmeD... ;
20. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 11 à 13 que l'arrêté attaqué n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de la requérante ;
21. Considérant que si Mme D...fait valoir qu'elle encourrait des risques en cas de retour en Géorgie en raison des mauvais traitements que pourraient lui infliger des concurrents commerciaux de son mari, elle n'apporte aucun élément probant de nature à établir la réalité des craintes dont elle se prévaut ; que, par suite, la requérante, dont la demande d'asile a été au demeurant rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile, n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Nord aurait méconnu tant les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en fixant la Géorgie comme pays à destination duquel l'intéressée devait être reconduite ;
22. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 11 juillet 2012 en tant qu'il obligeait Mme D...à quitter le territoire français à destination de son pays d'origine ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1300118 du 17 avril 2013 du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : Les conclusions d'appel principal et la demande présentée par Mme D...devant le tribunal administratif de Lille tendant à l'annulation du refus de titre de séjour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...D...et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet du Nord.
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N°13DA01029