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03/02/2015 | FRANCE | N°14DA00165

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 03 février 2015, 14DA00165


Vu la requête, enregistrée le 27 janvier 2014, présentée pour M. D... A..., demeurant..., par Me C...F... ; M. A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1302289 du 26 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 24 juillet 2013 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°)

d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer, dans un délai d'un mois à ...

Vu la requête, enregistrée le 27 janvier 2014, présentée pour M. D... A..., demeurant..., par Me C...F... ; M. A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1302289 du 26 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 24 juillet 2013 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à son avocat, sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifiés ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Laurent Domingo, premier conseiller ;

1. Considérant que M.A..., de nationalité mauritanienne, né le 21 janvier 1982, relève appel du jugement du 26 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 24 juillet 2013 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine ;

Sur le refus de titre de séjour :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général (...) / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) " ; que l'arrêté du 9 novembre 2011 pris pour l'application de ces dispositions impose au médecin de l'agence régionale de santé d'émettre un avis, pris sur le fondement d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et précisant si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale, si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si l'intéressé peut ou non bénéficier d'un traitement médical approprié dans son pays ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport médical du 14 novembre 2012 établi par le DrE..., médecin agréé, que l'ensemble des pathologies dont souffre M. A...ont été prises en considération par le médecin de l'agence régionale de santé ; que le respect des règles du secret médical lui interdisait de révéler, dans l'avis qu'il a rendu le 20 juin 2013, des informations sur ces pathologies ; que, par suite, M. A...n'est pas fondé à soutenir que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour est intervenue au terme d'une procédure irrégulière ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ;

5. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que le préfet, lorsqu'il rejette, au vu d'un avis défavorable émis par le médecin de l'agence régionale de santé, une demande de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour sollicitée en qualité d'étranger malade, doit indiquer, dans sa décision, les éléments de droit et de fait qui justifient ce refus ; qu'il peut satisfaire à cette exigence de motivation soit en reprenant les termes ou le motif déterminant de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé rendu conformément aux prescriptions de l'arrêté du 9 novembre 2011, soit en joignant cet avis à sa décision ; que, dès lors, en visant les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code précité et en mentionnant que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que l'intéressé, qui peut voyager, peut bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, la décision attaquée comporte l'exposé suffisant des motifs de fait et de droit sur lesquels elle se fonde ; que, par suite, le préfet, qui n'avait pas à faire état des pathologies dont souffre M.A..., a suffisamment motivé sa décision ; qu'il ne ressort pas en outre des pièces du dossier que le représentant de l'Etat se serait abstenu de procéder à l'examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...souffre de douleurs lombaires récidivantes et d'un syndrome anxio-dépressif ; que, saisi par le préfet de la Seine-Maritime dans le cadre de l'instruction de sa demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé, dans un avis du 20 juin 2013, que l'état de santé de M. A...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que les traitements appropriés pour ses pathologies existaient dans le pays dont il est originaire ; que les certificats médicaux produits par M.A..., notamment celui du 6 mars 2013, rédigé par le DrB..., qui se borne à prescrire, s'agissant des douleurs lombaires, la prise d'antalgiques et des séances de kinésithérapie, ainsi que les documents d'informations générales sur la situation sanitaire en Mauritanie, ne sont pas de nature, eu égard à leur teneur, à infirmer l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, ni en ce qui concerne l'absence de conséquences d'une exceptionnelle gravité d'un défaut de prise en charge médicale, ni en ce qui concerne l'existence de soins et de traitements adaptés dans le pays d'origine ; que, par suite, M. A...n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Maritime aurait fait une inexacte application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

8. Considérant que si M.A..., qui soutient être entré en France en 2009, fait valoir qu'il s'est lié d'amitiés avec de nombreuses personnes, notamment ses collègues de travail, ainsi que MmeG..., qui l'héberge, et qu'il justifie d'une insertion professionnelle remarquable, l'intéressé, qui est isolé sur le territoire national, ne justifie ni de l'intensité des liens affectifs ou sociaux dont il se prévaut, ni être dépourvu de toute attache familiale en Mauritanie où résident son épouse ainsi que son enfant mineur et où il a lui-même vécu jusqu'à l'âge de 27 ans ; que, dans les circonstances de l'espèce, et eu égard notamment aux conditions de séjour en France du requérant, la décision de refus de séjour prise par le préfet de la Seine-Maritime n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, elle ne peut être regardée comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur les conséquences qu'elle comporte sur sa situation personnelle ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de la décision de refus de séjour ne peut être accueilli ;

10. Considérant que M. A...a sollicité son admission au séjour ; qu'il a donc été mis à même de faire valoir, avant l'intervention de l'arrêté qui lui a refusé l'admission au séjour et l'a également obligé à quitter le territoire français, tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu de ces mesures ; que, ainsi qu'il a été dit, les informations concernant l'ensemble des pathologies de M. A...ont été transmises au médecin de l'agence régionale de santé ; que, par suite, la garantie consistant dans le droit à être entendu préalablement à la mesure d'éloignement, telle qu'elle est notamment consacrée par le droit de l'Union, n'a pas été méconnue ;

11. Considérant que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 8 ci-dessus ;

12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé " ;

13. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 6 ci-dessus, que le défaut de prise en charge des pathologies dont souffre M. A...entraîne pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que les traitements appropriés pour ses pathologies n'existent pas dans le pays dont il est originaire ; que, par suite, le moyen tiré de ce que M. A...ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement en vertu des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être accueilli ;

Sur le pays de renvoi :

14. Considérant que la décision par laquelle le préfet fixe le pays de destination auprès duquel sera reconduit l'étranger s'il ne satisfait pas à l'obligation de quitter le territoire français constitue une mesure de police qui doit, en principe, être motivée en fait comme en droit en vertu des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; que, si la motivation de fait de la décision fixant le pays de destination ne se confond pas nécessairement avec celle obligeant l'étranger à quitter le territoire français, la motivation en droit de ces deux décisions est identique et résulte des termes mêmes des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de sa destination n'est pas suffisamment motivée en droit, les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ayant pas à être visées dès lors qu'elles ne s'attachent qu'aux modalités d'exécution de la mesure et que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales auxquelles elles font référence sont elles-mêmes visées par l'arrêté attaqué ; qu'enfin, en indiquant que M. A... n'établissait pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, le préfet a suffisamment motivé en fait sa décision fixant le pays à destination duquel l'intéressé pourrait être reconduit d'office ;

15. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M.A..., qui se borne à faire état de la situation générale prévalant en Mauritanie, encourrait personnellement des risques en cas de retour dans ce pays ; que, par suite, l'intéressé, dont la demande d'asile a été au demeurant rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 29 janvier 2010, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 2 novembre 2011, n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Maritime aurait méconnu tant les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A...et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

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N°14DA00165


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14DA00165
Date de la décision : 03/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. Hoffmann
Rapporteur ?: M. Laurent Domingo
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : SELARL EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-02-03;14da00165 ?
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