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07/01/2015 | FRANCE | N°13DA00341

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (bis), 07 janvier 2015, 13DA00341


Vu la requête, enregistrée le 7 mars 2013, présentée pour l'Office public de l'habitat de Rouen, dont le siège est 5 place du Général de Gaulle à Rouen Cedex 1 (76001), par Me B...A... ;

L'Office public de l'habitat de Rouen demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000096 du 10 janvier 2013 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société Elyo Suez, devenue la société GDF Suez Energie Services - Cofely (société Cofely), à lui verser une somme de 49 089,60 euros en réparation du préjudice subi

du fait de la mauvaise exécution du contrat d'entretien et d'exploitation des in...

Vu la requête, enregistrée le 7 mars 2013, présentée pour l'Office public de l'habitat de Rouen, dont le siège est 5 place du Général de Gaulle à Rouen Cedex 1 (76001), par Me B...A... ;

L'Office public de l'habitat de Rouen demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000096 du 10 janvier 2013 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société Elyo Suez, devenue la société GDF Suez Energie Services - Cofely (société Cofely), à lui verser une somme de 49 089,60 euros en réparation du préjudice subi du fait de la mauvaise exécution du contrat d'entretien et d'exploitation des installations de chauffage de l'ensemble immobilier Lausanne ;

2°) de condamner la société Cofely à lui verser cette somme ;

3°) de mettre à la charge de la société Cofely la contribution pour l'aide juridique ;

4°) de mettre à la charge de la société Cofely la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Michel Riou, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Perrine Hamon, rapporteur public ;

Sur la responsabilité contractuelle :

1. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 5 du cahier des clauses techniques particulières applicable au marché public d'exploitation des installations de chauffage concernant, notamment, le groupe d'immeubles " Lausanne " dont l'Office requérant est le bailleur, conclu pour une durée de huit ans à compter du 1er juillet 2000 avec la société Elyo devenue GDF Suez énergie services - Cofely (société Cofely) : " Outre les installations de chauffage, l'exploitant assurera l'exploitation et l'entretien des installations décrites ci-après (...) . 5.1 Eau chaude sanitaire ". L'exploitant assurera l'exploitation et l'entretien des installations de production, de traitement et de distribution d'eau chaude (...). / L'exploitant devra fournir l'eau chaude à la température de 60°C à tous les étages, avec une tolérance de plus ou moins 5 degrés. / La fourniture d'eau chaude sera considérée comme insuffisante ou excessive si la température d'eau chaude diffère en moins ou en plus de 5°C de la température contractuelle définie ci- avant, et ceci pendant plus de 3 heures consécutives " ; que ces stipulations imposaient à la société Cofely, prestataire, d'assurer la fourniture d'eau chaude aux locataires de l'Office de manière régulière et à une température contractuellement fixée ;

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des fiches de signalement d'incidents produites par l'Office public de l'habitat de Rouen, que, de 2001 à 2007, des locataires des deux derniers étages des immeubles du " groupe Lausanne " ont signalé de manière répétée une insuffisance de la délivrance d'eau chaude sanitaire dans leur logement ; que cette insuffisance, qui consistait soit dans la nécessité de faire couler une grande quantité d'eau froide pour obtenir de l'eau chaude, soit en une température inférieure au seuil minimal de 55°C définie par le cahier des clauses techniques particulières, constitue, pour la société Cofely, un manquement aux obligations contractuelles fixées par les stipulations précitées de l'article 5 de ce document contractuel ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 2.8 du cahier des clauses techniques particulières : " l'exploitant a un rôle de conseiller technique auprès de Rouen Habitat ; en conséquence, celui-ci doit informer Rouen Habitat de tous les travaux importants (améliorations, grosses réparations) qui seraient indispensables ou souhaitables pour le bon fonctionnement des installations (...) " ; qu'aux termes de l'article 2.8.1 du même document : " Pendant toute la durée du marché, l'exploitant devra assurer le gros entretien et le renouvellement du matériel nécessaire au maintien des ouvrages en état de bon fonctionnement. Ce poste comprend tous les (...) détartrages (...) nécessaires. " ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise amiable diligentée par l'Office, établi le 11 juillet 2007, que l'insuffisance de la délivrance d'eau chaude avait, pour cause déterminante, l'important entartrage des installations de distribution d'eau chaude que la société Cofely avait, lors de la signature de son marché, accepté de prendre en l'état ; qu'en vertu des stipulations citées au point précédent, la société Cofely devait assurer le gros entretien ou le renouvellement du matériel nécessaire au maintien des ouvrages en état de bon fonctionnement ; que si l'entartrage des canalisations trouvait son origine dans la dureté de l'eau et l'ancienneté des installations, posées lors de la construction des immeubles en 1973, il appartenait à la société Cofely de procéder au détartrage des canalisations et, le cas échéant, de proposer à l'Office des solutions plus importantes, comme un " traitement de choc " ou un renouvellement des installations afin de résoudre les problèmes rencontrés dans la fourniture de l'eau chaude ; que la solution préconisée par la société Cofely consistant en la pose d'un adoucisseur et d'un surpresseur, si elle pouvait contribuer à diminuer la minéralité de l'eau, ne pouvait suffire à corriger durablement l'état d'entartrage des canalisations ; qu'il résulte de l'instruction que les opérations de détartrage, dont la société se prévaut dans le dernier état de ses écritures, ont été limitées aux échangeurs et n'ont été effectuées qu'à deux reprises en janvier 2002 et décembre 2005 ; que, par suite, la société Cofely, en n'effectuant pas les détartrages rendus indispensables par l'état des installations qui lui étaient confiées ou en ne proposant pas à l'Office les opérations nécessaires à leur remise en état de bon fonctionnement, a contribué aux désordres constatés dans les appartements du groupe " Lausanne " et a ainsi manqué aux obligations contractuelles qui lui incombaient en vertu des stipulations précitées de l'article 2.8.1 du contrat en cause ;

5. Considérant qu'il ne résulte pas, en revanche, de l'instruction que la pose de l'adoucisseur, intervenue, en novembre 2006, sur la recommandation de la société afin de lutter contre l'entartrage des canalisations comme il a été dit au point précédent, soit la cause du désordre même si elle a pu contribuer, mais de manière limitée, à l'insuffisance de la pression d'eau chaude dans les étages supérieurs, qui lui était de toute façon antérieure ; que, par suite, la société n'a manqué ni à son obligation d'entretien ni à celle de conseil qui lui incombait en préconisant l'installation de l'adoucisseur ;

Sur les préjudices :

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'Office public de l'habitat a été condamné, par le tribunal d'instance de Rouen, par des décisions du 31 août 2007, du 13 novembre 2007 et du 2 septembre 2008, à indemniser les locataires en raison de troubles de jouissance que constituait l'insuffisance de la délivrance d'eau chaude sanitaire ; qu'ainsi qu'il a été dit aux points 2 et 4, la société Cofely avait manqué à ses obligations contractuelles en n'assurant pas la fourniture de la prestation d'eau chaude contractuelle et en ne remédiant pas à l'entartrage des canalisations ; qu'il y a lieu de condamner la société Cofely à rembourser les sommes payées par l'Office en exécution des trois décisions juridictionnelles précitées, à savoir respectivement 1 125,74 euros, 4 611,58 euros et 5 198,52 euros ; qu'en revanche, s'agissant de la dernière condamnation, l'Office ne démontre pas avoir payé deux fois la somme de 544 euros comme il le soutient ;

7. Considérant qu'il résulte également de l'instruction que l'Office, dans le cadre du contentieux avec les locataires, a engagé, pour un montant total de 5 387,02 euros, des frais de constats d'huissier ainsi que des frais d'expertise et d'investigations dont elle a pris l'initiative et qui ont permis d'apprécier l'étendue du désordre, d'en identifier les causes et de fournir des solutions ; que l'Office a droit au remboursement de ces frais exposés utilement ;

8. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 5, la société Cofely n'a pas manqué à ses obligations contractuelles en préconisant la pose d'un adoucisseur destiné à atténuer la dureté de l'eau ; qu'en outre, si cet équipement a dû être retiré, il ne résulte pas de l'instruction que cette somme aurait été exposée en pure perte ; que l'Office n'est donc pas fondé à demander la condamnation de la société Cofely à lui rembourser le coût d'acquisition et d'installation de ce matériel ;

9. Considérant que si l'Office fait état d'un préjudice d'image, il ne l'établit pas en se bornant à évoquer les trois condamnations judiciaires citées au point 6, et l'existence d'un comité de locataires de la résidence concernée, qui ne constitue pas par elle-même un préjudice ; que, par suite, il ne peut prétendre à une indemnité de ce chef ;

10. Considérant que l'Office n'établissant pas avoir supporté les coûts de gestion interne qu'il invoque et notamment leur caractère excessif, ce chef de préjudice doit également être écarté ;

11. Considérant que l'Office requérant demande, enfin, la condamnation de la société Cofely à lui verser une somme de 7 020 euros " équivalant " à une pénalité contractuelle, dont elle ne précise pas le fondement ; que, dans ces conditions, elle ne justifie pas de la réalité de ce chef de préjudice, qui doit être écarté ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'Office public de l'habitat de Rouen est fondé à soutenir, d'une part, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande et, d'autre part, à demander que la société Cofely soit condamnée à lui verser la somme de 16 322,86 euros en réparation des préjudices qu'il a subis ;

Sur les conclusions présentées au titre des articles R. 761-1 et L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Cofely, en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les frais de contribution pour l'aide juridique de 35 euros payés par l'Office public de l'habitat de Rouen ;

14. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Cofely une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'Office public de l'habitat de Rouen et non compris dans les dépens ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font, en revanche, obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Office public de l'habitat de Rouen, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Cofely demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 10 janvier 2013 est annulé.

Article 2 : La société GDF Suez énergie services - Cofely est condamnée à verser à l'Office public de l'habitat de Rouen la somme de 16 322,86 euros.

Article 3 : Les frais de contribution pour l'aide juridique de 35 euros payés par l'Office public de l'habitat de Rouen sont mis à la charge de la société GDF Suez énergie services - Cofely.

Article 4 : La société GDF Suez énergie services - Cofely versera à l'Office public de l'habitat de Rouen une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de l'Office public de l'habitat de Rouen et les conclusions présentées par la société GDF Suez énergie services - Cofely sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office public de l'habitat de Rouen et à la société GDF Suez Energie Services - Cofely.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 13DA00341
Date de la décision : 07/01/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-03-01-02-01 Marchés et contrats administratifs. Exécution technique du contrat. Conditions d'exécution des engagements contractuels en l'absence d'aléas. Marchés. Mauvaise exécution.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Jean-Michel Riou
Rapporteur public ?: Mme Hamon
Avocat(s) : SELARL JURIADIS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-01-07;13da00341 ?
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