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11/12/2014 | FRANCE | N°13DA02139

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3 (bis), 11 décembre 2014, 13DA02139


Vu la requête, enregistrée le 23 décembre 2013, présentée pour le PREFET DU NORD, par Me B...D..., qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1306545 du 8 novembre 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé sa décision du 5 novembre 2013 ordonnant le placement en rétention administrative de M. E...C...;

2°) de rejeter la demande de M. C...devant le tribunal administratif de Lille ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droi...

Vu la requête, enregistrée le 23 décembre 2013, présentée pour le PREFET DU NORD, par Me B...D..., qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1306545 du 8 novembre 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé sa décision du 5 novembre 2013 ordonnant le placement en rétention administrative de M. E...C...;

2°) de rejeter la demande de M. C...devant le tribunal administratif de Lille ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement dispensant le rapporteur public, sur sa proposition, d'exposer à l'audience ses conclusions ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Agier-Cabanes, président-assesseur,

- les observations de Me Nicolas Rannou, avocat du PREFET DU NORD ;

1. Considérant que M. E...C..., de nationalité libérienne, a présenté le 6 mars 2013 une demande d'admission au séjour au titre de l'asile ; que par une décision du 15 mars 2013, le préfet du Nord a refusé de l'admettre provisoirement au séjour à la suite de la confrontation de ses empreintes digitales aux données de la base " Eurodac ", celles-ci ayant déjà été relevées le 10 avril 2012 par les autorités allemandes ; que par une décision du 29 avril 2013, le préfet du Nord a décidé sa remise aux autorités allemandes et l'a invité à quitter volontairement le territoire français dans le délai d'un mois à compter de la notification de cet arrêté ; que M. C..., qui s'est néanmoins maintenu sur le territoire, a été interpellé le 5 novembre 2013 et a été placé en rétention administrative en vue de l'exécution de la mesure de réadmission ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : / 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ; (...) " ;

3. Considérant que l'article 19 du règlement (CE) n° 343/2003 du 18 février 2003, qui fixe les conditions de prise en charge par l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile par un ressortissant d'un pays tiers qui a présenté une nouvelle demande dans un autre Etat membre dispose que le transfert de l'intéressé vers cet Etat s'effectue " au plus tard, dans un délai de six mois " à compter de l'acceptation de la demande de prise en charge ; qu'aux termes du paragraphe 4 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, la responsabilité incombe à l'Etat membre auprès duquel la demande d'asile a été introduite " ; que le 4 de cet article précise que ce délai peut être porté à dix-huit mois au maximum " si le demandeur d'asile prend la fuite " ; que la notion de fuite au sens de ce texte doit s'entendre comme visant notamment le cas où un ressortissant étranger non admis au séjour se serait soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative dans le but de faire obstacle à l'exécution d'une mesure d'éloignement le concernant ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C...n'a pris aucune disposition pour se conformer à l'arrêté du préfet du Nord du 29 avril 2013 dans le délai d'un mois qui lui avait été imparti pour rejoindre l'Allemagne et n'a pas donné suite aux deux convocations à la préfecture du Nord des 12 et 26 août 2013 en vue de la mise à exécution de la mesure de réadmission vers ce pays ; que ses allégations selon lesquelles il n'aurait pas reçu la seconde convocation en raison de problèmes récurrents de distribution du courrier à la structure associative qui l'hébergeait et aurait sollicité du préfet qu'elle lui soit réexpédiée ne sont pas établies ; qu'il ressort, en outre, du procès-verbal de police que M. C...a déclaré que son avocat lui aurait conseillé d'attendre six mois afin de réitérer sa demande d'asile ; que, dans ces conditions, et eu égard aux diligences accomplies par l'administration, M. C...a pu être regardé comme ayant pris la fuite, au sens des dispositions du 4 de l'article 19 du règlement du 18 février 2003 et ainsi faire l'objet d'une procédure de réadmission vers l'Allemagne après l'expiration du délai de six mois courant à compter du 15 avril 2013 ; que par suite, le PREFET DU NORD est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé pour ce motif sa décision du 5 novembre 2013 ordonnant le placement en rétention administrative de M. C... au motif que le comportement de ce dernier ne caractérisait pas une situation de fuite ;

5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C...devant le tribunal administratif ;

6. Considérant que la décision contestée comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ; que par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté ;

7. Considérant qu'en dépit de la circonstance que la décision énonce à tort que M. C... est dépourvu de tout document d'identité, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen circonstancié de sa situation ;

8. Considérant qu'il ressort des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment du III de son article L. 512-1, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises les décisions par lesquelles l'autorité administrative place l'étranger en rétention administrative ; que, dès lors, l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, fixant les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, ne saurait être utilement invoqué à l'encontre d'une décision de placement en rétention administrative ;

9. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal de l'audition au cours de laquelle M. C...a été invité à présenter ses éventuelles observations, que la violation de son droit d'être entendu, tel que consacré au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'aurait effectivement privé de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que la décision n'aurait pas été prise si ce droit avait été respecté ;

10. Considérant que l'erreur de fait contenue dans la décision en litige et selon laquelle M. C...était dépourvu de tout document d'identité alors qu'il s'est vu remettre en échange de son passeport un récépissé valant justification d'identité est, dans les circonstances de l'espèce, sans incidence sur la légalité de placement en rétention dès lors que M. C...ne présentait pas les garanties de représentation suffisantes propres à garantir l'absence de risque de fuite en l'absence notamment d'une domiciliation stable ;

11. Considérant que compte tenu de ce qui a été dit au point 10, le moyen tiré de l'erreur manifeste qu'aurait commise le préfet du Nord dans l'appréciation des conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé de sa décision ne peut qu'être écarté ;

12. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que M. C...ne produit aucun élément probant de nature à établir la réalité des risques personnels, directs et actuels qu'il encourt en cas d'éloignement vers son pays d'origine ; que dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations précitées doit être écarté ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DU NORD est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille, à la demande de M.C..., a annulé l'arrêté du 5 novembre 2013 ordonnant son placement en rétention administrative ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. C... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er: Le jugement du 8 novembre 2013 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande de M. C...devant le tribunal administratif de Lille et ses conclusions présentées en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. E... C....

Copie sera adressée au PREFET DU NORD.

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N°13DA02139


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 13DA02139
Date de la décision : 11/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095


Composition du Tribunal
Président : M. Nowak
Rapporteur ?: Mme Isabelle (AC) Agier-Cabanes
Rapporteur public ?: Mme Pestka
Avocat(s) : DANSET-VERGOTEN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2014-12-11;13da02139 ?
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