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25/09/2014 | FRANCE | N°14DA00156

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (bis), 25 septembre 2014, 14DA00156


Vu la requête, enregistrée le 23 janvier 2014, présentée par le préfet de la Seine-Maritime qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1400002 du 3 janvier 2014 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen qui a annulé, à la demande de M.D..., ses arrêtés du 2 janvier 2014 par lesquels il a ordonné la remise de l'intéressé aux autorités hongroises et a ordonné son placement en rétention administrative, et a mis à la charge de l'Etat une somme de 800 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative

et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

2°) de rejeter la demande présentée p...

Vu la requête, enregistrée le 23 janvier 2014, présentée par le préfet de la Seine-Maritime qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1400002 du 3 janvier 2014 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen qui a annulé, à la demande de M.D..., ses arrêtés du 2 janvier 2014 par lesquels il a ordonné la remise de l'intéressé aux autorités hongroises et a ordonné son placement en rétention administrative, et a mis à la charge de l'Etat une somme de 800 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Rouen ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lucienne Erstein, président de la cour,

- et les conclusions de Mme Perrine Hamon, rapporteur public ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

1. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : 1° L'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat en application des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, ou d'engagements identiques à ceux prévus par ledit règlement avec d'autres Etats / (...) / Les dispositions du présent article ne font pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne qui se trouverait néanmoins dans l'un des cas mentionnés aux 1° à 4° " ; qu'aux termes des dispositions du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 : " (...) / 2. Par dérogation au paragraphe 1, chaque Etat membre peut examiner une demande d'asile qui lui est présentée par un ressortissant d'un pays tiers, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. Dans ce cas, cet Etat devient l'Etat membre responsable au sens du présent règlement et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité (...) " ;

2. Considérant que si la Hongrie est un Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il appartient néanmoins à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités de ce pays répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ; que les documents d'ordre général relatifs aux modalités d'application des règles relatives à l'asile par les autorités hongroises, notamment le rapport du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés en date du 24 avril 2012, le rapport du Hungarian Helsinki Committee, ainsi que plusieurs articles émanant de l'organisation Amnesty International de décembre 2011 que mentionne M.C..., ne suffisent pas à établir que la réadmission d'un demandeur d'asile vers la Hongrie est, par elle-même, constitutive d'une atteinte grave au droit d'asile ; que si l'intéressé fait état de tensions et de violences dans les camps de Debrecen et de Briscke entre demandeurs d'asile y séjournant, il ne ressort pas de son récit que l'intéressé aurait été directement victime de violences ou aurait subi des menaces ; que s'il souligne que l'administration du camp n'assurait qu'un repas par jour pendant son séjour et n'avoir pu travailler à Briscke compte tenu du comportement hostile de la population locale, ces circonstances, à les supposer établies et pour regrettables qu'elles soient, ne peuvent être regardées en l'espèce comme l'ayant privé de l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ; que la circonstance, en outre, qu'il a été déplacé du camp de Debrecen à celui de Briscke par les autorités hongroises ne révèle ni par elle-même, ni, en l'espèce, une atteinte aux droits protégés dont il se prévaut ; qu'il ressort également des pièces du dossier que sa demande d'asile a été enregistrée dès son placement au camp de Debrecen le 22 juin 2013 par les autorités hongroises qui indiquent qu'elles ont dû en interrompre l'examen le 14 octobre 2013 du fait du départ volontaire de l'intéressé ; que ce dernier confirme qu'il a choisi de quitter la Hongrie par ses propres moyens un mois et demi après son arrivée sur le territoire de ce pays ; que, dans ces conditions, M. C...n'établit pas que sa demande d'asile n'a pas été traitée par les autorités hongroises dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile et qu'il aurait personnellement subi des mauvais traitements lors de sa rétention ;

3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a, pour prononcer l'annulation de l'arrêté de remise de l'intéressé aux autorités hongroises et, par voie de conséquence, de l'arrêté ordonnant son placement en rétention administrative, retenu le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C...devant la juridiction administrative ;

Sur l'arrêté de remise aux autorités hongroises :

5. Considérant que, par un arrêté du 25 avril 2013 publié au recueil des actes administratifs normal n° 52 du même jour, le préfet de la Seine-Maritime a donné délégation à M. Eric Maire, secrétaire général de la préfecture de la Seine-Maritime, à effet de signer tout arrêté, correspondance, décision, requête et circulaire relevant des attributions de l'Etat dans le département de la Seine-Maritime sous réserve de certaines exceptions parmi lesquelles ne figurent pas la mesure attaquée ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué doit être écarté ;

6. Considérant que, par un courrier notifié le 11 décembre 2013 à M.C..., le préfet de la Seine-Maritime l'a invité à présenter toute observation qu'il jugerait nécessaire dans un délai de huit jours ; qu'il ressort des éléments versés au dossier que, le 16 décembre 2013, l'intéressé a produit des observations écrites aux termes desquelles il évoque les conditions de son séjour en Hongrie et demande à pouvoir bénéficier de l'asile en France ; que, s'il n'est pas contesté que le préfet avait recueilli, dès le 9 décembre 2013, l'accord des autorités hongroises pour la réadmission de M. C..., cette circonstance est sans influence sur la légalité de la procédure suivie dès lors que l'arrêté attaqué n'est intervenu que le 2 janvier 2014 après que l'intéressé a pu porter à la connaissance de l'autorité préfectorale ses observations ; que, par suite, le moyen tiré du détournement de procédure doit être écarté ;

7. Considérant qu'aux termes des dispositions du paragraphe 4 de l'article 3 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 : " (...) / 4. Le demandeur d'asile est informé par écrit, dans une langue dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend, au sujet de l'application du présent règlement, des délais qu'il prévoit et de ses effets " ;

8. Considérant qu'il ressort du formulaire de demande d'admission au séjour complété par l'intéressé, que ce dernier parle non seulement le lingala, le kikongo mais aussi le français ; que, le 11 décembre 2013, l'intéressé a pris connaissance d'un courrier de l'autorité préfectorale l'informant qu'il pourrait faire l'objet d'une mesure de remise aux autorités hongroises et d'un autre document l'informant du déroulement de cette procédure ; qu'ainsi, il ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance, par le préfet, des dispositions précitées ;

9. Considérant que, pour les mêmes raisons que celles exposées au point 2, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté de remise aux autorités hongroises pris à son encontre est entaché d'illégalité ;

Sur l'arrêté ordonnant le placement en rétention administrative :

11. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 10 que l'intéressé n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'arrêté de remise aux autorités hongroises pour soutenir que l'arrêté ordonnant son placement en rétention administrative serait privé de base légale ;

12. Considérant que l'arrêté contesté comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et, notamment la circonstance que l'intéressé ne justifie pas de garanties de représentation effectives alors même que le préfet ne précise pas, à cet égard, qu'il ne dispose pas d'un passeport et d'une adresse stable sur le territoire français ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et doit être écarté ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 5 que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué doit être écarté ;

14. Considérant que, pour les mêmes raisons que celles exposées au point 6, le moyen tiré du détournement de procédure entachant l'arrêté attaqué doit être écarté ;

15. Considérant qu'aux termes des stipulations du paragraphe 4 de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " (...) / Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal, afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale (...) " ;

16. Considérant que les dispositions des articles L. 512-1 et suivants et L. 551-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoient que l'étranger placé en rétention administrative peut contester cette décision, dans un délai de quarante-huit heures, devant le président du tribunal administratif, qui statue dans un délai de soixante-douze heures, y compris le cas échéant à l'appui d'une demande tendant à l'annulation de la mesure d'éloignement concernée pour laquelle le recours a un effet suspensif et que cette mesure privative de liberté ne peut être prolongée au-delà de cinq jours que sur décision du juge des libertés et de la détention, qui statue dans un délai de vingt-quatre heures à compter de sa saisine ; que le législateur a ainsi entendu, dans le respect des règles de répartition des compétences entre les ordres de juridiction, que le juge administratif statue rapidement sur la légalité des mesures administratives relatives à l'éloignement des étrangers avant que n'intervienne le juge judiciaire ; qu'en organisant ce contentieux, le législateur a eu pour but de garantir l'examen prioritaire de la légalité de ces mesures et, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, de permettre un traitement plus efficace des procédures d'éloignement des étrangers en situation irrégulière ; que l'arrêté plaçant M. C...en rétention administrative ne fait pas obstacle à ce qu'il introduise un recours devant le tribunal afin qu'il y soit statué dans un délai bref ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée de placement en rétention administrative aurait été prise sur le fondement de dispositions législatives méconnaissant les stipulations du paragraphe 4 de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

17. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est démuni de tout document d'identité ou de voyage en cours de validité ; que s'il déclare être hébergé chez un ami, la production d'une quittance de loyer et d'une facture d'électricité au nom de son ami ne permet pas de tenir pour établi qu'il disposerait d'une adresse stable ; qu'ainsi, il ne présente pas de garanties de représentation suffisantes au regard des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, en ordonnant son placement en rétention administrative, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas commis d'erreur d'appréciation ;

18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen, à la demande de M.C..., a annulé les arrêtés du 2 janvier 2014 ordonnant sa remise aux autorités hongroises et son placement en rétention administrative et a mis à la charge de l'Etat une somme de 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

19. Considérant que le requérant ayant la qualité de partie perdante, ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 3 janvier 2014 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande de M. C...présentée devant le tribunal administratif de Rouen est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées en appel par M. C...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. D...et à Me A...B....

Copie en sera transmise pour information au préfet de la Seine-Maritime.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 14DA00156
Date de la décision : 25/09/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme Erstein
Rapporteur ?: M. Olivier Yeznikian
Rapporteur public ?: Mme Hamon
Avocat(s) : QUEVREMONT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2014-09-25;14da00156 ?
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