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08/07/2014 | FRANCE | N°13DA01839

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 08 juillet 2014, 13DA01839


Vu la requête, enregistrée le 22 novembre 2013, présentée pour M. D...C..., demeurant..., par Me Emilie Dewaele ; M. C...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1303041 du 17 septembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 mai 2013 du préfet du Nord lui faisant obligation de quitter le territoire sans délai en fixant le pays de destination, à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans un déla

i de quinze jours suivant la notification du jugement sous astreinte de 150...

Vu la requête, enregistrée le 22 novembre 2013, présentée pour M. D...C..., demeurant..., par Me Emilie Dewaele ; M. C...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1303041 du 17 septembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 mai 2013 du préfet du Nord lui faisant obligation de quitter le territoire sans délai en fixant le pays de destination, à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai de quinze jours suivant la notification du jugement sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Nord du 7 mai 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil, sous réserve qu'il renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle, au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifiés ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- les observations de Me E...G..., substituant Me Emilie Dewaele, avocat de M. C... ;

1. Considérant que, par arrêté du 7 mai 2013, le préfet du Nord a obligé M.C..., ressortissant roumain né le 26 juillet 1966, à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination ; que M. C...relève appel du jugement du 17 septembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. Considérant, en premier lieu, que, par un arrêté en date du 20 juillet 2011, régulièrement publié au recueil des actes de la préfecture, le préfet du Nord a donné délégation à M. F...H..., attaché d'administration, à l'effet de signer, notamment en cas d'absence ou d'empêchement du secrétaire général, du secrétaire général adjoint et de M. B... A..., directeur de l'immigration et de l'intégration de la préfecture du Nord, notamment les décisions portant obligation de quitter le territoire français ; que, par cette délégation, M. H...était compétent pour prendre l'arrêté attaqué ;

3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, de tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C...déclare, sans l'établir, être entré en France en 2007 ; qu'à la date de l'arrêté attaqué, il était hébergé dans un foyer d'urgence avec ses quatre enfants et son épouse, de nationalité roumaine ; que ses enfants, âgés de 17, 14, 12 et 6 ans à la date de la décision attaquée, sont, pour les trois plus jeunes, inscrits respectivement depuis 2012 en classes de 5ème, de CM2 et de CP ; que, toutefois, ceux-ci peuvent, eu égard au caractère récent de leur scolarité, et alors même qu'ils sont assidus et obtiennent des résultats satisfaisants, poursuivre leur scolarisation dans le pays d'origine de leurs parents ; que, par ailleurs, M. C...n'établit pas être isolé dans son pays d'origine où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 41 ans et où il a la possibilité de reconstituer sa cellule familiale ; que, par suite, alors même que le requérant et sa famille ont engagé une démarche d'insertion et suivent des cours de français, le préfet du Nord n'a, en prenant la décision attaquée, ni porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. C...en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :

5. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté attaqué, qui vise notamment l'article L. 511-3-1 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qui fait état de ce que " M. C... purge actuellement une peine de deux mois d'emprisonnement pour des faits de vol commis en 2010 " et de ce que " compte tenu de la nécessité de prévenir toute nouvelle atteinte à l'ordre public et de l'urgence à exécuter la présente décision, il y a donc lieu, dans les circonstances de l'espèce, de s'abstenir d'accorder à l'intéressé un délai de départ volontaire ", contient ainsi une motivation suffisante du refus d'accorder un délai de départ volontaire à M.C... ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à trente jours à compter de sa notification. A titre exceptionnel, l'autorité administrative peut accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours (...) " ;

7. Considérant que, pour refuser à M. C...un délai de départ volontaire, le préfet du Nord s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé purgeait une peine d'emprisonnement de deux ans pour des faits de vols commis en 2010 ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. C...a été condamné par un jugement correctionnel du tribunal de grande instance de Dunkerque du 20 février 2012 à trois ans d'emprisonnement, dont un an avec sursis, pour neuf vols aggravés commis en réunion et avec effraction ; que ce comportement constitue une menace réelle, actuelle et suffisamment grave et que son éloignement présente, ainsi, un caractère d'urgence ; que, par suite, le préfet du Nord, a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, prendre à son encontre une décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen approfondi de la situation personnelle de M. C...avant de lui refuser un délai de départ volontaire pour quitter le territoire français ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

9. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. C...n'est pas fondé à invoquer l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter sans délai le territoire français à l'appui de ses conclusions à l'encontre de la décision fixant le pays de destination ;

10. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " I - L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation " ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du même code : " L'étranger qui est obligé de quitter le territoire français ou qui doit être reconduit à la frontière est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité (...) ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ;

11. Considérant que la décision par laquelle le préfet fixe le pays de destination auprès duquel sera reconduit l'étranger s'il ne satisfait pas à l'obligation de quitter le territoire français constitue une mesure de police qui doit, en principe, être motivée en fait comme en droit en vertu des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ;

12. Considérant que si la motivation de fait de la décision fixant le pays de destination ne se confond pas nécessairement avec celle obligeant l'étranger à quitter le territoire, la motivation en droit de ces deux décisions est identique et résulte des termes mêmes de l'article L. 511-1 précité, lequel est, du reste, mentionné dans la décision attaquée ; que le législateur ayant décidé par l'article 41 de la loi du 20 novembre 2007 de dispenser l'administration de viser la disposition législative qui fonde l'obligation de quitter le territoire, cette dispense s'attache, dans la même mesure, à la décision fixant le pays de destination fondée sur la même disposition législative ; qu'ainsi, le requérant n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination n'est pas suffisamment motivée en droit, les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ayant pas, quant à elles, à être visées dès lors qu'elles ne s'attachent qu'aux modalités d'exécution de la mesure ; que, par ailleurs, le préfet n'a pas insuffisamment motivé sa décision en mentionnant que M. C...n'alléguait pas que sa vie ou sa liberté seraient menacées dans son pays d'origine ou qu'il y serait exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...C...et au ministre de l'intérieur.

Copie sera transmise au préfet du Nord.

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N°13DA01839


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13DA01839
Date de la décision : 08/07/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. Mortelecq
Rapporteur ?: M. Marc (AC) Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : DEWAELE

Origine de la décision
Date de l'import : 26/08/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2014-07-08;13da01839 ?
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