Vu la requête, enregistrée le 24 décembre 2012, présentée pour la COMMUNE DE GOUVIEUX, représentée par son maire en exercice, par Me B...A... ; la COMMUNE DE GOUVIEUX demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1001057 du 18 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 014 614 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'insuffisante évaluation de certaines valeurs locatives foncières reprises dans les bases d'imposition à la taxe professionnelle au titre des années 2005 à 2008 ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme demandée, avec intérêts au taux légal à compter du 18 décembre 2009, capitalisés dès lors qu'ils sont dus pour une année entière ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de l'éducation ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Christophe Hervouet, président-assesseur,
- et les conclusions de Mme Maryse Pestka, rapporteur public ;
1. Considérant qu'au cours des années 2006 à 2009, la COMMUNE DE GOUVIEUX a demandé à l'administration fiscale de soumettre à la taxe professionnelle des établissements auxquels aucune cotisation n'était réclamée et de rectifier les valeurs locatives déclarées par d'autres redevables ; que le service des impôts a donné suite à certaines des demandes ainsi présentées et, en conséquence, émis des rôles supplémentaires ; que toutefois, estimant que certains manquements subsistaient, la commune a demandé à l'administration fiscale à être indemnisée du préjudice qu'elle prétendait avoir subi, correspondant au montant des recettes fiscales dont elle soutenait avoir été privée au titre des années 2005 à 2009 ; que la COMMUNE DE GOUVIEUX relève appel du jugement du 18 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 014 614 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'exonération illégalement accordée à certains redevables de la taxe professionnelle et de l'évaluation insuffisante de certaines valeurs locatives foncières reprises dans les bases d'imposition à la taxe professionnelle au titre des années 2005 à 2009 ;
2. Considérant qu'une faute commise par l'administration lors de l'exécution d'opérations se rattachant aux procédures d'établissement de l'impôt est de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard d'une collectivité territoriale ou de toute autre personne publique si elle leur a directement causé un préjudice ; qu'un tel préjudice peut être constitué des conséquences matérielles des décisions prises par l'administration et notamment du fait de ne pas avoir perçu des impôts ou taxes qui auraient dû être mis en recouvrement ; que l'administration peut invoquer le fait du contribuable ou, s'il n'est pas le contribuable, du demandeur d'indemnité comme cause d'atténuation ou d'exonération de sa responsabilité ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1447 du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur : " La taxe professionnelle est due chaque année par les personnes physiques ou morales qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée " ; que pour l'application de ces dispositions, les associations sont exonérées de la taxe professionnelle dès lors, d'une part, que leur gestion présente un caractère désintéressé et, d'autre part, que les services qu'elles rendent ne sont pas offerts en concurrence dans la même zone géographique d'attraction avec ceux proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique ; que, toutefois, même dans le cas où l'association intervient dans un domaine d'activité et dans un secteur géographique où existent des entreprises commerciales, l'exonération de la taxe professionnelle lui reste acquise si elle exerce son activité dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales ;
4. Considérant, d'une part, que l'association " Centre médico-chirurgical des jockeys ", qui gère une clinique privée participant au service public hospitalier, la fondation Alphonse de Rothchild et l'association " Le pavillon de la chaussée ", qui gèrent chacune un centre de convalescence, entrent, en raison de leur objet, dans le champ d'application de la taxe professionnelle ; qu'en se bornant à soutenir que ces personnes morales ont des activités non lucratives, l'administration ne justifie pas qu'elles remplissent les conditions d'exonération prévues au point 3 ; que par suite, en ne les assujettissant pas à la taxe professionnelle au titre des années 2005 à 2009, alors que la COMMUNE DE GOUVIEUX lui en avait fait la demande dans le délai de prescription, le service des impôts a commis une faute engageant la responsabilité de l'Etat ; qu'il y a lieu d'accorder à la commune l'indemnisation de la totalité du préjudice subi, égal à la perte de recettes fiscales, d'un montant total de 424 730 euros, non contesté par l'administration ;
5. Considérant, d'autre part, que l'association " Le Club du Lys Chantilly ", qui a repris l'exploitation d'un golf le 18 janvier 2007, a pour objet l'activité sportive et la pratique des arts d'agrément ainsi que la formation et l'éducation morale, culturelle et physique de la jeunesse par la pratique des sports ; qu'elle est affiliée aux fédérations sportives nationales régissant les sports qu'elle enseigne ; qu'en se bornant à soutenir que la gestion de cette association présente un caractère désintéressé, l'administration ne justifie pas que les services qu'elle rend ne seraient pas offerts en concurrence dans la même zone géographique d'attraction avec ceux proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant des activités identiques, ni qu'elle exercerait ses activités dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales, et qu'elle devrait par conséquent bénéficier de l'exonération mentionnée au point 3 ; que par suite, en n'assujettissant pas l'association " Le Club du Lys Chantilly " à la taxe professionnelle au titre des années 2008 et 2009 alors que la COMMUNE DE GOUVIEUX lui en avait fait la demande dans le délai de prescription, le service des impôts a commis une faute engageant la responsabilité de l'Etat ; qu'il y a lieu d'accorder à la commune l'indemnisation du préjudice subi, égal à la perte de recettes fiscales, d'un montant total de 25 127 euros, non contesté par l'administration ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1460 du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur : " Sont exonérés de taxe professionnelle : 1° Les établissements d'enseignement du second degré qui ont passé avec l'Etat un contrat en application de l'article L. 442-1 du code de l'éducation (...) " ;
7. Considérant que l'association de formation et d'action sociale des écuries de course (AFASEC) a pour activité la formation initiale en CAPA-BEFA, l'apprentissage en CAPA-BETA-BTA et la formation continue pour les personnels des écuries de course ; qu'alors que la commune se borne à soutenir que cette association n'a pas passé avec l'Etat un contrat d'association prévu par l'article L. 442-1 du code de l'éducation, le ministre fait valoir sans être contredit que ladite association est liée par contrat au ministère de l'agriculture, lequel a en outre approuvé ses statuts ; que par suite, en lui accordant une exonération de taxe professionnelle, le service des impôts n'a pas commis de faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
8. Considérant, en troisième lieu, que la COMMUNE DE GOUVIEUX n'établit pas que la société France galop exercerait, sur son territoire, l'activité de location de carrières de chevaux ; que par suite, en s'abstenant de réclamer à cette société une cotisation de taxe professionnelle, l'administration n'a pas commis une faute ; qu'il s'ensuit que sa demande d'indemnisation à ce titre doit être rejetée ;
9. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 1473 du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur : " La taxe professionnelle est établie dans chaque commune où le redevable dispose de locaux ou de terrains, en raison de la valeur locative des biens qui y sont situés ou rattachés " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une entreprise implantée dans plusieurs communes doit répartir ses bases imposables entre chacune de ces communes ;
10. Considérant qu'en imposant à la taxe professionnelle dans la commune de Lamorlaye, où se situe son siège social, l'association " International club du Lys ", qui exploitait jusqu'en 2007 un golf situé sur les territoires des communes de Gouvieux et de Chantilly, le service des impôts, auquel l'administration avait demandé de rectifier les lieux d'imposition, a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; qu'il y a lieu d'accorder à la commune l'indemnisation du préjudice subi, égal à la perte de recettes fiscales lui revenant au titre des années 2005, 2006 et 2007, d'un montant total de 36 765 euros, non contesté par l'administration ;
11. Considérant, en cinquième lieu, que, faisant suite à la demande de la COMMUNE DE GOUVIEUX, le service des impôts a émis des rôles supplémentaires de taxe professionnelle, au titre des années 2007 et 2008, à la charge de la société Cap Gémini Université, dont l'assiette d'imposition ne prenait pas en compte les équipements et biens mobiliers ; que l'imposition mise à la charge de cette société au titre de l'année 2009 tient compte de ces immobilisations ; qu'en revanche, et malgré une demande présentée par la commune en 2006, renouvelée en 2009, ces biens n'ont pas été pris en compte pour l'établissement de l'assiette de la taxe professionnelle due par la société Cap Gémini Université au titre des années 2005 et 2006 ; que le service des impôts a ainsi commis une faute engageant la responsabilité de l'Etat ; qu'il y a lieu d'accorder à la commune l'indemnisation de la totalité du préjudice subi, égal à la perte de recettes fiscales, d'un montant total de 1 701 euros, non contesté par l'administration ;
12. Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article 1467 du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur : " La taxe professionnelle a pour base : 1° Dans le cas des contribuables autres que ceux visés au 2° : a. La valeur locative (...) des immobilisations corporelles dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que les loueurs de fonds de commerce ou d'industrie ne sont pas passibles de la taxe professionnelle à raison des immobilisations corporelles dont ils ont concédé la jouissance à des tiers, si ces derniers sont eux-mêmes redevables de la taxe ; qu'il s'ensuit qu'en n'incluant pas dans l'assiette de la taxe professionnelle due par la société du transport du cheval la valeur locative des équipements et biens matériels mis à la disposition de la société STC Horse-France à laquelle elle a concédé l'exploitation de son fonds de commerce de transport de chevaux, le service des impôts n'a pas commis de faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
13. Considérant, en septième lieu, que les valeurs locatives des locaux dont la COMMUNE DE GOUVIEUX soutient qu'ils sont exploités par la SNC Eco Chantilly et la SA Château de Montvillargenne ont été intégrées dans les bases de la taxe professionnelle auxquelles la SARL Gouvieux Lavage et l'Institut national de formation et d'application ont été assujettis ; que par suite, la commune requérante n'établit pas avoir subi une perte de recettes fiscales ;
14. Considérant, en huitième lieu, qu'il résulte de l'instruction, et en particulier du jugement du 22 septembre 2005 du tribunal administratif d'Amiens, devenu définitif, auquel se réfère l'administration, qu'au cours des années 1998 à 2003, la société Gainsborough Stud Management, qui ne disposait en France que d'une adresse de domiciliation, n'y avait pas son siège social, ni moyens immobiliers, matériels ou humains, hormis les chevaux dont elle était propriétaire, lesquels étaient confiés à un entraîneur agréé dont elle n'assurait pas le contrôle de l'activité, et n'était donc pas passible de la taxe professionnelle ; que par suite, en n'assujettissant pas cette société à la taxe professionnelle, et alors que la COMMUNE DE GOUVIEUX ne soutient pas que ses conditions de fonctionnement auraient changé, l'administration n'a pas commis de faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
15. Considérant, en neuvième lieu, que l'administration soutient sans être contredite qu'au cours de la période en litige, la société Pascal n'exerçait plus d'activité dans les locaux dont elle avait précédemment disposé sur le territoire de la commune ; que par suite, en n'assujettissant pas cette société à la taxe professionnelle, l'administration n'a commis aucune faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
16. Considérant, en dixième lieu, que la société Axmine n'utilise aucun local situé sur le territoire de la COMMUNE DE GOUVIEUX ; que par suite, elle n'y est pas redevable de la taxe professionnelle ; qu'il s'ensuit qu'en ne lui réclamant aucune cotisation, le service des impôts n'a commis aucune faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
17. Considérant, en onzième lieu, que, le 30 avril 2011, le service des impôts a mis en recouvrement les cotisations de taxe professionnelle dues par la société Lyonnaise des eaux pour les années 2007 à 2009 et par la SARL Kalys pour les années 2005 à 2009, à raison des installations que ces deux sociétés exploitaient sur le territoire de la commune ; qu'ainsi, la COMMUNE DE GOUVIEUX n'a subi aucune perte de recettes à ce titre ;
18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE GOUVIEUX est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté la totalité de sa demande ;
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
19. Considérant que la COMMUNE DE GOUVIEUX a droit aux intérêts sur la somme de 488 323 euros à compter du 18 décembre 2009, date de réception de sa demande d'indemnisation par la direction des services fiscaux de l'Oise ; que la COMMUNE DE GOUVIEUX a demandé la capitalisation des intérêts le 24 décembre 2012, date à laquelle il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
20. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la COMMUNE DE GOUVIEUX et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 18 octobre 2012 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à la COMMUNE DE GOUVIEUX la somme de 488 323 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 18 décembre 2009. Les intérêts échus à la date du 24 décembre 2012 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la COMMUNE DE GOUVIEUX est rejeté.
Article 4 : L'Etat versera à la COMMUNE DE GOUVIEUX une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE GOUVIEUX et au ministre des finances et des comptes publics.
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N°12DA01907 2