Vu la requête, enregistrée le 28 mars 2013, présentée pour la commune du Havre, représentée par son maire en exercice, par Me C...Q...;
La commune du Havre demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement nos 1101221-1200574 du 31 janvier 2013 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé, à la demande de M. A...O...et autres, l'arrêté de son maire du 21 février 2011 portant interdiction de la vente à emporter de boissons alcoolisées des 2ème à 5ème catégories pour la période comprise entre 20 heures et 6 heures du matin ainsi que l'arrêté du 20 décembre 2011 qui avait procédé à la même interdiction pour la période comprise entre 21 heures et 6 heures du matin ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...O..., M. I...G..., M. A...J..., M. U... Z..., la SARL Midi Minuit Alimentation, M. V... W..., Mme E...L..., M. V... Z..., M. AA... D..., M. R... N..., M. X... Y..., M. M... AC..., Mme B... H..., la SARL Kabylie et M. K... AB... devant le tribunal administratif de Rouen ;
3°) de mettre solidairement à la charge de M. O...et autres la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009, et notamment son article 95 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marie-Odile Le Roux, président-assesseur,
- les conclusions de M. Hubert Delesalle, rapporteur public,
- et les observations de Me F...P..., collaborateur de la SCP Patrimonio, avocat de la commune du Havre ;
1. Considérant que, par un arrêté du 21 février 2011, le maire de la commune du Havre a interdit, sur le fondement de l'article 95 de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, la vente de toutes boissons alcoolisées à emporter des 2ème à 5ème catégories entre 20 heures et 6 heures du matin dans les magasins d'alimentation, épiceries et établissements de vente à emporter dans les secteurs précisés par l'arrêté ; que cet arrêté a été abrogé par l'arrêté du 21 février 2011, lequel a procédé à la même interdiction mais pour la période comprise entre 21 heures et 6 heures du matin ; que la commune du Havre relève appel du jugement du 31 janvier 2013 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé ces deux arrêtés ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que les premiers juges ont, pour annuler les arrêtés attaqués, retenu un moyen de légalité interne tiré de l'absence de justification de la nécessité de ces mesures de police ; que, par suite, la commune du Havre n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité pour avoir accueilli un moyen de légalité externe, qui n'aurait pas été invoqué, tiré de l'insuffisante motivation des arrêtés en litige ;
Sur le motif d'annulation retenu par les premiers juges :
3. Considérant qu'il est constant que des rapports de police de 2012 consignent les résultats de contrôles et d'observations réalisés par les services de police entre 2006 et 2011 concernant la consommation d'alcool sur la voie publique ainsi que les attroupements de personnes sur les secteurs géographiques visés par les arrêtés attaqués ; qu'il ressort des termes mêmes des arrêtés attaqués que le maire a entendu explicitement se fonder sur ces constats de police ; que, par suite, la commune du Havre est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif, après avoir considéré que les éléments contenus dans ces rapports pouvaient être de nature à justifier l'adoption des mesures prises, a retenu qu'il n'était pas établi que le maire se soit fondé sur ces faits ;
4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. O...et autres devant la juridiction administrative ;
Sur les moyens soulevés par les requérants de première instance :
5. Considérant que, par un arrêté du 24 octobre 2010, le maire de la commune a donné à M. S... T..., 4ème adjoint en charge de la sécurité, délégation de fonctions et de signature concernant, notamment, les actes relatifs à la police municipale ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des actes attaqués doit être écarté ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 95 de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires : " Sans préjudice du pouvoir de police générale, le maire peut fixer par arrêté une plage horaire, qui ne peut être établie en deçà de 20 heures et au-delà de 8 heures, durant laquelle la vente à emporter de boissons alcooliques sur le territoire de sa commune est interdite " ;
7. Considérant que ni la disposition précitée, ni aucune autre, ni aucun principe général du droit n'imposent que l'adoption de la mesure de police prévue par cet article doit être précédée d'une consultation préalable des personnes intéressées ; que, par suite, les arrêtés contestés n'ont pas été pris sur une procédure irrégulière ;
8. Considérant qu'à défaut de toute disposition législative définissant les conditions auxquelles est soumise la légalité des décisions d'interdiction prises sur le fondement de l'article 95 de la loi du 21 juillet 2009 précité, les restrictions apportées au pouvoir du maire résultent de la nécessité de concilier les intérêts généraux dont il a la charge, notamment la protection de l'ordre public, avec le respect dû aux libertés publiques, et notamment à la liberté du commerce et de l'industrie ; qu'il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre une telle mesure, de rechercher si l'interdiction de vente à emporter de boissons alcoolisées est de nature à causer à ces intérêts un dommage justifiant l'atteinte portée aux libertés publiques ;
9. Considérant que les constats de police établis entre 2006 et 2011 et consignés dans des rapports de 2012 font apparaître une forte augmentation des attroupements bruyants et gênants, des infractions pour conduite en état d'ivresse et ivresse manifeste sur la voie publique, d'accidents, notamment en fin de journée et dans la nuit ; qu'ainsi, et alors qu'il n'est pas démontré que la prévention et la répression des nuisances constatées auraient pu être assurées par le recours à d'autres mesures de police moins contraignantes, les arrêtés des 21 février 2011 et 20 décembre 2011 interdisant la vente à emporter de boissons des 2ème à 5ème catégories respectivement de 20 heures à 6 heures et de 21 heures à 6 heures, n'ont pas porté à la liberté du commerce et de l'industrie une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ces mesures ont été édictées ;
10. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les arrêtés contestés, qui s'appliquent sans distinction à tous les commerçants concernés par cette interdiction dans des secteurs géographiques déterminés, seraient, comme le soutiennent M. O...et autres, discriminatoires et contraires au principe d'égalité ;
11. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, les arrêtés en litige reposent sur des motifs d'intérêt général ; qu'ainsi, le moyen tiré du détournement de pouvoir allégué doit être écarté ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune du Havre est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé les deux arrêtés en litige ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice :
13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. O...et autres une somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune du Havre et non compris dans les dépens ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font, en revanche, obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune du Havre, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. O... et autres au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 31 janvier 2013 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. O...et autres devant le tribunal administratif de Rouen et leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 en appel sont rejetées.
Article 3 : M.O..., M.G..., M.J..., M.Z..., la SARL Midi Minuit Alimentation, M.W..., MmeL..., M.Z..., M.D..., M.N..., M.Y..., M.AC..., MmeH..., la SARL Kabylie et M. AB...verseront à la commune du Havre une somme globale de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune du Havre, à M. A...O..., à M. I... G..., à M. A...J..., à M. U...Z..., à la SARL Midi Minuit Alimentation, à M. V... W..., à Mme E... L..., à M. V... Z..., à M. AA... D..., à M. R... N..., à M. X... Y..., à M. M... AC..., à Mme B... H..., à la SARL Kabylie, à M. K... AB...et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée, en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative au procureur de la République près le tribunal de grande instance du Havre.
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N°13DA00433 2