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25/03/2014 | FRANCE | N°12DA01684

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 25 mars 2014, 12DA01684


Vu la requête, enregistrée le 20 novembre 2012, présentée par le préfet de la Seine-Maritime qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202463 du 18 octobre 2012 du tribunal administratif de Rouen qui, après avoir accordé l'aide juridictionnelle provisoire par son article 1er, d'une part, a, par son article 2, annulé, à la demande de M. C...B..., l'arrêté du 4 juillet 2012 par lequel il a refusé de lui délivrer un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", l'a obligé à quitter le territoire français, a fixé le pays de

renvoi et lui a interdit le retour en France pour une durée d'un an, d'aut...

Vu la requête, enregistrée le 20 novembre 2012, présentée par le préfet de la Seine-Maritime qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202463 du 18 octobre 2012 du tribunal administratif de Rouen qui, après avoir accordé l'aide juridictionnelle provisoire par son article 1er, d'une part, a, par son article 2, annulé, à la demande de M. C...B..., l'arrêté du 4 juillet 2012 par lequel il a refusé de lui délivrer un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", l'a obligé à quitter le territoire français, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour en France pour une durée d'un an, d'autre part, a, par ses articles 3 et 4, prononcé une injonction à son encontre et, enfin, par son article 5, mis à la charge de l'Etat une somme au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

2°) de rejeter la demande de M. A...B...;

Il soutient qu'en refusant d'admettre M. B...au séjour, il n'a ni méconnu le 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, ni commis d'erreur manifeste d'appréciation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 30 avril 2013 présenté pour M. C...B..., par la SELARL Eden avocats, qui conclut, à titre principal, au rejet de la requête, et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus " ;

2. Considérant que, si M.B..., ressortissant algérien né en 1966, est entré en France en novembre 2003 sous couvert d'un visa de court séjour et y réside depuis, il est constant qu'il s'y est en permanence maintenu irrégulièrement malgré le rejet de sa demande d'asile territorial, le 6 mai 2004, et l'intervention des deux décisions, des 8 juin 2004 et 8 juin 2009, par lesquelles le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour ; que si M. B...a produit devant les premiers juges de nombreuses attestations, une pétition en sa faveur ainsi que différents courriers d'élus adressés au préfet de la Seine-Maritime, lesquels font notamment état de son implication dans le collectif des sans-papiers de Rouen, et s'il réside dans un immeuble dont il a hérité avec son frère, il ressort des pièces du dossier qu'il est célibataire et dépourvu de toute charge familiale en France, n'est pas isolé dans son pays d'origine dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de trente-sept ans et où résident sa mère et plusieurs autres membre de sa fratrie ; que la promesse d'embauche dont il se prévaut, établie presque un an et demi avant l'adoption de la décision du 4 juin 2012, au mois de janvier 2011, est isolée et ancienne ; que, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu notamment des conditions de son séjour en France et en dépit de sa durée ainsi que de la circonstance que son grand-père et son père ont combattu pour la France lors des deux guerres mondiales, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas, en refusant de lui délivrer le certificat de résidence sollicité, méconnu les stipulations précitées du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; que, pour les mêmes raisons, il n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M.B... ; que, dès lors, le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a annulé sa décision portant refus de séjour pour le motif tiré de la violation des stipulations précitées de l'article 6 de l'accord franco-algérien et d'une erreur manifeste d'appréciation, ainsi que, par voie de conséquence, les autres décisions contenues dans le même arrêté ;

3. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant la juridiction administrative ;

Sur le refus de séjour :

4. Considérant que la décision contestée comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, par suite et bien qu'elle ne fasse pas état de la présence en France du frère de M.B..., celle-ci est suffisamment motivée ;

5. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 2, la décision en litige n'a pas porté au droit de M. B...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a pas, par suite, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à solliciter l'annulation de la décision par laquelle le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un certificat de résidence ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

7. Considérant que la décision attaquée vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et énonce les dispositions de l'article L. 511-1 du même code dont il a été fait application ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation en droit doit être écarté ;

8. Considérant que, selon les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger relevant d'une catégorie visée par ce texte lorsque notamment la délivrance ou le renouvellement du titre de séjour sollicité lui a été refusé ou que ce titre lui a été retiré ; que l'article R. 313-13 du même code prévoit également que : " En cas de refus de délivrance de tout titre de séjour, l'étranger est tenu de quitter le territoire français " ; qu'il s'ensuit que l'étranger qui sollicite la délivrance d'un titre de séjour ne peut, du fait même de l'accomplissement de cette démarche tendant à son maintien en France, ignorer qu'en cas de refus, il ne peut légalement se maintenir sur le territoire français, qu'il doit en principe prendre l'initiative de quitter le territoire et qu'il est également susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'il est ainsi mis à même, pendant la procédure d'instruction de sa demande de titre de séjour, s'il l'estime utile, de présenter tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu des décisions administratives concernant non seulement son droit au séjour en France, mais aussi son possible éloignement du territoire français ; qu'il n'a pas alors à attendre que l'autorité administrative prenne l'initiative de l'informer expressément qu'en cas de rejet de sa demande de titre de séjour, il serait susceptible d'être contraint de quitter le territoire français, en l'invitant à formuler ses observations sur cette éventualité ; que, dans ces conditions, en s'abstenant de procéder à une telle information préalable, le préfet, qui assortit son refus de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français, ne méconnaît pas de ce seul fait le droit de l'étranger, qui est au nombre des principes fondamentaux du droit de l'Union et qui a été rappelé par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union, d'être entendu préalablement à cette mesure ; qu'en outre, et dans l'hypothèse où il aurait été porté atteinte dans une situation donnée au droit d'être entendu ainsi reconnu aux étrangers par le droit de l'Union, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne (10 septembre 2013, aff. n° C-383/13) qu'il appartient au juge national chargé de l'appréciation de la légalité de la décision affectée de ce vice d'apprécier dans chaque cas d'espèce si cette violation a effectivement privé celui qui l'invoque de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent ;

9. Considérant que M. B...a sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il a donc été mis à même de faire valoir, avant l'intervention de l'arrêté qui lui a refusé la délivrance d'un tel titre et l'a également obligé à quitter le territoire français, tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu de ces mesures ; qu'il n'invoque aucun autre élément de nature à constater que son droit à être entendu aurait été méconnu ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir que ce droit, tel qu'il est consacré par le droit de l'Union, a été méconnu ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 6 que M. B...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour pour soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français est privée de base légale ;

11. Considérant que, pour les mêmes motifs qu'exposés aux points 2 et 5 , les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à solliciter l'annulation de la décision par laquelle le préfet de la Seine-Maritime l'a obligé à quitter le territoire français ;

Sur le délai de départ volontaire :

13. Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants des pays tiers en séjour irrégulier : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. (...) " ; qu'en vertu de l'article 12 de la même directive, les décisions de retour telles qu'elles sont définies à l'article 3 de la directive sont motivées ; que les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile laissent, de façon générale, un délai d'un mois pour le départ volontaire de l'étranger qui fait l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français ; que, par suite, et sauf si l'autorité administrative refuse de faire droit sur ce point à une demande de l'étranger, la motivation du délai de départ volontaire qu'elle accorde, égal ou supérieur à sept jours, se confond avec celle de la décision de retour ; qu'il est constant qu'en l'espèce, l'intéressé n'a pas fait de demande portant sur la fixation d'un délai de départ volontaire différent ; que, par suite, son moyen tiré de l'absence de motivation du délai de trente jours manque en fait et doit être écarté ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à solliciter l'annulation de la décision par laquelle le préfet de la Seine-Maritime a fixé à trente jours le délai de départ volontaire ;

Sur le pays de renvoi :

15. Considérant que si la motivation de fait de la décision fixant le pays de destination ne se confond pas nécessairement avec celle obligeant l'étranger à quitter le territoire, le préfet n'a pas insuffisamment motivé sa décision en mentionnant la nationalité algérienne de M. B...et en indiquant que la décision ne contrevient pas aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

16. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 12 que M. B...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français pour soutenir que la décision fixant le pays de renvoi est privée de base légale ;

17. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à solliciter l'annulation de la décision par laquelle le préfet de la Seine-Maritime a fixé le pays de renvoi ;

Sur l'interdiction de retour :

18. Considérant qu'aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / (...) / L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...) " ; que la décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs ; que cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi ;

19. Considérant que, pour prononcer à l'encontre de M. B...une décision d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, le préfet de la Seine-Maritime a examiné chacun de ces quatre critères ; que la décision est, par suite, suffisamment motivée ;

20. Considérant qu'il ressort des termes de la décision en litige que, pour prononcer cette mesure, le préfet de la Seine-Maritime a pris en compte la durée et les conditions de séjour de M. B... en France, la faiblesse de l'intensité de ses liens privés et familiaux, le fait que l'intéressé s'est soustrait à plusieurs précédentes mesures d'éloignement ainsi que l'absence de menace à l'ordre public ; qu'il a ainsi fait une application complète des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'a pas, par suite, commis d'erreur de droit ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'a pas davantage entaché sa décision d'erreur d'appréciation ;

21. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision portant interdiction de retour en France pour une durée d'un an ;

22. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté préfectoral, lui a délivré une injonction et a mis à la charge de l'Etat les frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler ce jugement dans cette mesure et de rejeter la demande de M.B... ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de ce dernier présentées en appel sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 2, 3, 4 et 5 du jugement du tribunal administratif de Rouen du 18 octobre 2012 sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Rouen est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B..., au ministre de l'intérieur et à la SELARL Eden avocats.

Copie sera transmise pour information au préfet de la Seine-Maritime.

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N°12DA01684 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12DA01684
Date de la décision : 25/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: Mme Agnès Eliot
Rapporteur public ?: M. Delesalle
Avocat(s) : SELARL EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2014-03-25;12da01684 ?
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