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18/03/2014 | FRANCE | N°13DA00118

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 18 mars 2014, 13DA00118


Vu la requête, enregistrée le 28 janvier 2013, présentée pour la société " ICS Assurance ", société anonyme en liquidation, représentée par Me H...F...et Me C...E..., liquidateurs judiciaires, élisant domicile..., par Me G...B... ; la société " ICS Assurance " demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901429 du 18 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation in solidum de la société Etnap Bet, de M. A...D..., de la société Cabre et de la société Socotec à lui verser une somme de 412 474,97 eur

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Vu la requête, enregistrée le 28 janvier 2013, présentée pour la société " ICS Assurance ", société anonyme en liquidation, représentée par Me H...F...et Me C...E..., liquidateurs judiciaires, élisant domicile..., par Me G...B... ; la société " ICS Assurance " demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901429 du 18 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation in solidum de la société Etnap Bet, de M. A...D..., de la société Cabre et de la société Socotec à lui verser une somme de 412 474,97 euros, majorée des intérêts légaux à compter de la date de paiement, ou, à défaut, de la date d'assignation en référé devant le juge judiciaire ou de la date d'enregistrement de la requête ;

2°) de prononcer la condamnation demandée ;

3°) d'ordonner la capitalisation des intérêts à compter de la date de paiement ou, à défaut, de la date de l'assignation en référé ou de la date d'enregistrement de la requête ;

4°) de condamner in solidum la société Etnap Bet, M. A...D..., la société Cabre et la société Socotec aux dépens ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des assurances ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public,

- les observations de Me Noel, avocat de la société " ICS Assurance " et de Me Pierre Verley, avocat de la société Cabre ;

1. Considérant que l'OPHLM de la communauté urbaine de Lille-Roubaix-Tourcoing, dans le cadre de la réhabilitation d'un ensemble immobilier constitué de 323 logements collectifs situé Plaine de Bourgogne à Tourcoing a, le 3 novembre 1989, souscrit une assurance " dommage-ouvrage " auprès de la société Sprinks, aux droits desquels est venue la société " ICS Assurance " ; que la société " ICS Assurance ", se prévalant de sa qualité de subrogée légale et conventionnelle dans les droits et actions de l'OPLHM de la communauté urbaine de Lille-Roubaix-Tourcoing, a demandé sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs le versement, à son profit, d'une somme de 412 474,97 euros ; qu'elle relève appel du jugement du 18 décembre 2012 du tribunal administratif de Lille rejetant sa demande tendant à la condamnation in solidum de la société Etnap Bet, de M. A...D..., de la société Cabre et de la société Socotec France ;

Sur les conclusions indemnitaires :

Sur la fin de non-recevoir relative à la subrogation de la société " ICS Assurance " :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-12 du code des assurances : " L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur. L'assureur peut être déchargé, en tout ou en partie, de sa responsabilité envers l'assuré, quand la subrogation ne peut plus, par le fait de l'assuré, s'opérer en faveur de l'assureur. " ;

3. Considérant que l'OPHLM de la communauté urbaine de Lille-Roubaix-Tourcoing avait signé une convention avec la société Quille, le 25 novembre 1996, lui donnant mandat pour la gestion du dossier d'assurance relatif aux travaux de réfection des désordres apparus après la réception définitive des travaux de réhabilitation, qui l'autorise, notamment, à percevoir directement les financements à obtenir de la part des constructeurs pour réaliser ou faire réaliser les travaux de réfection ; que cette convention avait pour effet de subroger la société Quille dans les droits pécuniaires que l'office public d'habitation à loyers modérés de la communauté urbaine de Lille-Roubaix-Tourcoing détenait, non seulement sur la société d'assurances Sprinks, en vertu du contrat d'assurance " dommages-ouvrages ", mais également sur les constructeurs, dans le cadre de l'action en garantie décennale qu'elle est ainsi autorisée à mettre en jeu aux lieu et place de l'office ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la quittance subrogative du 2 mai 1997, produite par la société " ICS Assurance ", que, si elle a été établie au nom de l'OPHLM de la communauté urbaine de Lille-Roubaix-Tourcoing qui reconnaît " que Sprinks Assurance s'est acquittée de ses obligations pour les dommages précités... (elle) donne subrogation à sa compagnie dans tous ses droits et actions à l'encontre des constructeurs ", elle comporte la mention " lu et approuvé bon pour accord " suivie d'un cachet au nom de la société Quille revêtu d'une signature ; que la société Sprinks Assurance a versé à la société Quille, en sa qualité d'assureur dommages-ouvrages, la somme de 412 170,08 euros, correspondant aux trois quarts de la somme estimée nécessaire pour la réparation des désordres en cause ; qu'ainsi, en application de l'article L. 121-12 du code des assurances, la société d'assurances a été régulièrement subrogée dans les droits et actions de la société Quille à hauteur de la somme susmentionnée ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a rejeté, comme étant irrecevable, la demande dont il était saisi ; que, dès lors, son jugement, en date du 18 décembre 2012, doit être annulé ;

5. Considérant, toutefois, qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société " ICS Assurance " devant le tribunal administratif de Lille ;

Sur le caractère et la nature des désordres constatés :

6. Considérant que, par deux actes d'engagement en date du 28 juin 1989, dont l'objet portait sur la réhabilitation d'un ensemble immobilier constitué de 323 logements collectifs et situé Plaine de Bourgogne à Tourcoing, l'office public d'habitations à loyer modéré (OPHLM) de la communauté urbaine de Lille-Roubaix-Tourcoing a confié à la société Etnap bureau d'études techniques et à M. A...D..., architecte, une mission normalisée " M8 " de maîtrise d'oeuvre comprenant les prestations d'établissement de l'avant-projet sommaire, de l'avant-projet détaillé du dossier de consultation des entreprises et du dossier des ouvrages exécutés, ainsi que des prestations d'assistance marché de travaux, de contrôle général, de réception et de décompte des travaux ; que l'exécution des travaux d'isolation thermique extérieure de l'ensemble immobilier a été attribuée à la société Cabre et le contrôle technique des travaux à la société Socotec France ; que la réception des travaux, assortie de réserves, a été prononcée le 1er mars 1991 ; que ces réserves ont été levées en septembre 1991 ; qu'à partir de l'année 1995, les plaques composant le bardage chargé d'assurer l'isolation thermique de l'ensemble immobilier ont présenté des fissures et des cassures qui ont occasionné, notamment, leur chute au sol ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que les dalles reposant sur des rails fixés sur des chevrons, constituant le bardage de l'ensemble immobilier, sont affectées d'une variation dimensionnelle importante due aux chocs thermiques et à leur dilatation entraînant une légère rotation du rail pouvant provoquer la rupture des lèvres inférieures ou extérieures avec cassure de certaines et leur chute ; qu'ainsi, les risques de chute généralisée des dalles sont de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination dans la mesure où ils compromettent la sécurité des usagers de l'ensemble immobilier dont il s'agit ; que ces désordres entrent dans le champ d'application de la garantie décennale, par application des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ;

Sur les responsabilités :

8. Considérant qu'il résulte des constatations de l'expert que les désordres en cause sont principalement imputables à des défauts d'exécution liés à la pose du bardage, laquelle avait été confiée à la société Cabre, et à des manquements de la maîtrise d'oeuvre et du contrôle technique des travaux ; que ces désordres sont également imputables au procédé de bardage " Mulliez " retenu par l'OPHLM de la communauté urbaine de Lille-Roubaix-Tourcoing, maître d'ouvrage ;

9. Considérant que, compte tenu de la nature de la garantie dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil, la responsabilité solidaire des sociétés Cabre, Etnap bureau d'études techniques, Socotec France et de M. A...D...est engagée concernant l'ensemble des désordres survenus dans les bardages de l'ensemble immobilier situé Plaine de Bourgogne à Tourcoing ; que, toutefois, le vice affectant le procédé de " dalles Mulliez ", choisi par le maître de l'ouvrage, n'est pas imputable aux constructeurs ; que, compte tenu des circonstances de l'espèce, notamment du rapport de l'expert, il sera fait une juste appréciation de la responsabilité des constructeurs en fixant à 40 % la part des désordres mise à leur charge ;

Sur la réparation :

10. Considérant qu'il résulte notamment du rapport de l'expert, que la réparation des désordres implique le remplacement complet du " bardage Mulliez " pour une somme de 604 491,21 euros toutes taxes comprises ; que le préjudice subi par la société Quille s'élève donc à cette somme ; qu'eu égard au partage de responsabilité déterminé au paragraphe 9, le dommage indemnisable s'élève donc à 241 796,5 euros toutes taxes comprises ; que ce montant est inférieur à la somme de 412 474 euros versée par la société " ICS Assurance " à la société Quille, son assuré, dans les droits duquel elle est subrogée ; qu'il convient, par suite, de condamner solidairement les sociétés Cabre, Etnap bureau d'études techniques et Socotec France et M. A...D...à verser à la société " ICS Assurance " une indemnité de 241 796,5 euros toutes taxes comprises ;

Sur les intérêts :

11. Considérant que la société " ICS Assurance " a droit aux intérêts au taux légal correspondant à la somme de 241 796,5 euros à compter du 27 février 2009, date d'enregistrement de sa demande de première instance ; que la somme de 241 796,5 euros doit, par conséquent, être majorée des intérêts au taux légal à compter du 27 février 2009 ;

Sur la capitalisation des intérêts :

13. Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 30 juillet 2010 ; qu'à cette date, il était dû au moins un an d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;

Sur les appels en garantie :

14. Considérant que la société Etnap Bet appelle en garantie M. A...D..., la société Cabre et la société Socotec France ; que M. D..., appelle en garantie les sociétés Cabre, Etnap, bureau d'études techniques et Socotec France ; que la société Cabre appelle en garantie la société Etnap, bureau d'études techniques et M. D...;

15. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert, que la société Etnap Bet ayant assuré la maîtrise d'oeuvre de l'opération n'est pas intervenue dans le choix du procédé de " dalles Mulliez " ; que, toutefois, elle ne soutient pas avoir émis d'objection quant au choix du procédé de bardage retenu par le maître d'ouvrage ; qu'en l'espèce, il sera fait une juste appréciation de la faute ainsi commise en limitant à 10 % la part prise par la société Etnap Bet dans la responsabilité des désordres ;

16. Considérant que M. D..., architecte, a assuré une mission de type " M2 " ; que, de plus, il avait initialement proposé au maître d'ouvrage l'utilisation du matériau de type Canada de Péchiney, que l'office public a toutefois refusé par lettre du 6 juillet 1989 pour lui préférer le procédé de " dalles Mulliez " ; que, dans ces conditions, aucune part de responsabilité dans la survenance des désordres ne doit être retenue à l'encontre de M.D... ;

17. Considérant que la société Cabre a commis des erreurs dans la mise en oeuvre du procédé ; que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation de la part prise par la société Cabre dans la responsabilité des désordres en la fixant à 30 % ;

18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de condamner la société Cabre à garantir la société Etnap Bet à hauteur de 90 % des condamnations prononcées à son encontre ; qu'il y a également lieu de condamner la société Etnap Bet à garantir la société Cabre à hauteur de 70 % des condamnations prononcées à son encontre ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

19. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la société Etnap bureau d'études techniques, par les sociétés Cabre et Socotec France doivent, dès lors, être rejetées ;

20. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre solidairement à la charge de la société Etnap bureau d'études techniques, de la société Cabre et de la société Socotec France une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société " ICS Assurance " et non compris dans les dépens ;

21. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société " ICS Assurance " une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... D...et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0901429 du 18 décembre 2012 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : Les sociétés Cabre, Etnap bureau d'études techniques, Socotec France et M. A... D... sont condamnés conjointement et solidairement à payer à la société " ICS Assurance " la somme de 241 796,5 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du 27 février 2009. Les intérêts échus à la date du 30 juillet 2010 seront capitalisés à cette date et à chaque échéance annuelle.

Article 3 : La société Cabre est condamnée à garantir la société Etnap Bet des condamnations prononcées à son encontre par l'article 2 du présent jugement, à hauteur de 90 % de leur montant.

Article 4 : La société Etnap Bet est condamnée à garantir la société Cabre des condamnations prononcées à son encontre par l'article 2 du présent jugement à hauteur de 70 % de leur montant.

Article 5 : La société Etnap bureau d'études techniques, la société Cabre et la société Socotec France verseront conjointement et solidairement à la société " ICS Assurance " la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la société " ICS Assurance ", représentée par Me H...F...et Me C...E..., liquidateurs judiciaires, à Me H...F..., à Me C...E..., à la société Socotec France, à M. A... D..., à la société Etnap Bet et à la société Cabre.

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N°13DA00118


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 13DA00118
Date de la décision : 18/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité décennale.


Composition du Tribunal
Président : M. Mortelecq
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : SCP UHRY D'ORIA GRENIER

Origine de la décision
Date de l'import : 26/08/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2014-03-18;13da00118 ?
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