Vu I, sous le n° 12DA01821, la requête, enregistrée le 17 décembre 2012, présentée pour Mme A...B..., demeurant..., par Me C... D... ; Mme B...demande à la cour :
1°) de réformer le jugement n° 1101528 du 13 novembre 2012 du tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation du groupement d'établissements d'enseignement publics pour adultes (GRETA) de l'Eure à lui verser la somme de 38 800 euros en réparation du préjudice subi à raison de son licenciement ;
2°) d'ordonner sa réintégration au sein du GRETA de l'Eure ou de tout autre établissement de l'académie de Rouen sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 20ème jour suivant l'arrêt à intervenir ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 11 138 euros en réparation des pertes de rémunérations du 6 février 2011 au 30 novembre 2012 ;
4°) à titre subsidiaire, de condamner l'État à lui verser la somme de 39 864 euros à titre de dommages et intérêts ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu, II, sous le n° 13DA00056, le recours, enregistré le 15 janvier 2013, présenté par le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE qui demande à la cour d'annuler l'article 1er du jugement n° 1101528 du 13 novembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision du 30 novembre 2010 du chef d'établissement support du GRETA de l'Eure prononçant le licenciement de MmeB... ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de l'éducation ;
Vu la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 ;
Vu la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 ;
Vu le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents non titulaires de l'Etat pris pour l'application de l'article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
Vu le décret n° 92-275 du 26 mars 1992 relatif aux groupements d'établissements (Greta) constitués en application de l'article 19 de la loi n° 89-486 du 10 juillet 1989 d'orientation sur l'éducation, devenu l'article L. 423-1 du code de l'éducation ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Maryse Pestka, rapporteur public ;
1. Considérant que la requête de Mme B...et le recours du MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE sont dirigés contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y être statués par un seul arrêt ;
2. Considérant que MmeB..., employée en contrat à durée indéterminée au sein du groupement d'établissements (GRETA) de l'Eure dans les fonctions d'animatrice du centre de ressources, relève appel du jugement du 13 novembre 2012 du tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation du GRETA de l'Eure à lui verser la somme de 38 800 euros en réparation du préjudice subi à raison de son licenciement ; que le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE relève appel de ce jugement en tant qu'il a annulé la décision du 30 novembre 2010 du chef d'établissement support du GRETA de l'Eure prononçant le licenciement pour motif économique de MmeB... à effet du 6 février 2011 ;
Sur l'appel du MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE :
3. Considérant qu'il résulte d'un principe général du droit, dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés dont l'emploi est supprimé que des règles du statut général de la fonction publique qui imposent de donner, dans un délai raisonnable, aux fonctionnaires en activité dont l'emploi est supprimé une nouvelle affectation correspondant à leur grade, qu'il incombe à l'administration, avant de pouvoir prononcer le licenciement d'un agent contractuel recruté en vertu d'un contrat à durée indéterminée, de chercher à reclasser l'intéressé ; que dans l'attente des décrets prévus par l'article 49 de la loi du 12 mars 2012, la mise en oeuvre de ce principe implique que l'administration, lorsqu'elle entend pourvoir par un fonctionnaire l'emploi occupé par un agent contractuel titulaire d'un contrat à durée indéterminée ou supprimer cet emploi dans le cadre d'une modification de l'organisation du service, propose à cet agent un emploi de niveau équivalent, ou, à défaut d'un tel emploi et si l'intéressé le demande, tout autre emploi ; que l'agent contractuel ne peut être licencié, sous réserve du respect des règles relatives au préavis et aux droits à indemnité qui résultent, pour les agents non-titulaires de l'Etat, des dispositions des titres XI et XII du décret du 17 janvier 1986, que si le reclassement s'avère impossible, faute d'emploi vacant, ou si l'intéressé refuse la proposition qui lui est faite ; qu'il est constant que le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE n'a pas cherché à reclasser Mme B...avant que ne soit prononcé son licenciement par le chef d'établissement support du GRETA de l'Eure ; que, dès lors, l'administration n'a pu procéder légalement au licenciement de l'intéressée ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision du 30 novembre 2010 du chef d'établissement support du GRETA de l'Eure ;
Sur la requête de MmeB... :
En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE :
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme B...a demandé la condamnation de l'Etat au versement d'une somme de 38 800 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi à raison de son licenciement ; qu'alors même qu'elle n'avait pas détaillé ses chefs de préjudice en première instance, elle est fondée à le faire en cause d'appel ; que dès lors la fin de non-recevoir opposée par le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE ne peut être accueillie ;
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :
6. Considérant qu'en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre ; que sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité ; que, pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions ; qu'enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction ;
7. Considérant que l'illégalité de la décision du 30 novembre 2010 du chef d'établissement support du GRETA de l'Eure prononçant le licenciement de Mme B...est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'État, dont le GRETA de l'Eure, qui n'est pas doté de la personnalité morale, est un service public administratif de l'éducation nationale ; qu'il résulte de l'instruction qu'au cours de la période du 6 février 2011, date d'effet de son licenciement, au 30 novembre 2012, au titre de laquelle elle demande la réparation du préjudice subi à raison de cette illégalité, Mme B...a subi des pertes de rémunérations de 30 866 euros et a perçu des revenus tirés d'une activité et des allocations de perte d'emploi d'un montant total de 19 728 euros ; que, par suite, il y a lieu de condamner l'État à verser à Mme B... une somme de 11 138 euros ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Considérant que la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice subi par Mme B... du fait de son licenciement fautif n'implique pas, en lui-même, qu'il soit procédé à sa réintégration ; que de telles conclusions sont irrecevables et doivent être rejetées ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses conclusions à fin de condamnation de l'État au versement d'une indemnité ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant qu'en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement à Mme B... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'Etat est condamné à verser à Mme B...la somme de 11 138 euros.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B...est rejeté.
Article 3 : Le recours du MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE est rejeté.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 13 novembre 2012 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : l'Etat versera à Mme B...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE.
Copie sera adressée au recteur de l'académie de Rouen.
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N°12DA01821,13DA00056