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21/01/2014 | FRANCE | N°12DA00440

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (ter), 21 janvier 2014, 12DA00440


Vu la requête, enregistrée le 16 mars 2012, présentée pour la société à responsabilité limitée Afigest, dont le siège est Parc d'affaires des Portes voie des Clouets à Val-de-Reuil (27100), par Me Guy Farcy ; la SARL Afigest demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903020 du 19 janvier 2012 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2004 et 2005, du rappel d

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Vu la requête, enregistrée le 16 mars 2012, présentée pour la société à responsabilité limitée Afigest, dont le siège est Parc d'affaires des Portes voie des Clouets à Val-de-Reuil (27100), par Me Guy Farcy ; la SARL Afigest demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903020 du 19 janvier 2012 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2004 et 2005, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er décembre 2003 au 30 novembre 2006 et de l'amende pour facturation de complaisance qui lui a été infligée ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et amendes contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Marc Guyau, premier conseiller,

- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public,

- les observations de Me Guy Farcy, avocat de la SARL Afigest ;

1. Considérant que la SARL Afigest, qui exerce une activité de prestations de services au profit des sociétés d'intérim du groupe Alliance, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle ont été mises à sa charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos au cours des années 2004 et 2005, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée portant sur la période du 1er décembre 2003 au 30 novembre 2006 ; que cette société relève appel du jugement du 19 janvier 2012 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions ;

Sur les conclusions relatives à l'impôt sur les sociétés :

En ce qui concerne les insuffisances de recettes :

2. Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale ; que la réalisation gratuite de prestations au profit d'un tiers ne relève pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages, l'entreprise a agi dans son propre intérêt ; que, s'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer qu'une telle opération constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties ;

3. Considérant que l'administration a constaté que la SARL Afigest s'était abstenue de percevoir une partie des rémunérations contractuellement dues par les sociétés du groupe Alliance Intérim au titre des prestations de services réalisées ; qu'au motif qu'une telle renonciation ne relevait pas d'une gestion commerciale normale, elle a réintégré dans les résultats de l'exercice clos en 2005 les sommes correspondant à l'évaluation des rémunérations non perçues ;

4. Considérant, d'une part, que les insuffisances de recettes ont été évaluées en calculant la différence des sommes réellement perçues par la société requérante avec un montant estimé de recettes qui auraient dû être versées ; que, pour déterminer ce dernier montant, l'administration a appliqué aux bilans des exercices clos en 2005 des entreprises du groupe Alliance Intérim la clause contractuelle de rémunération de 2 % du chiffre d'affaires déclaré ; que, toutefois, en relevant que l'administration a appliqué uniformément un tel niveau de rémunération sur l'ensemble des exercices clos en 2005 des vingt-deux sociétés liées contractuellement avec la société requérante, alors que neuf d'entre eux étaient établis pour des périodes supérieures à douze mois et que les stipulations contractuelles prévoyant le montant de la rémunération n'étaient applicables qu'à compter du 1er janvier 2005, la SARL Afigest doit être regardée comme apportant la preuve de l'exagération de l'imposition sur ce point ;

5. Considérant, d'autre part, qu'en l'absence de tout engagement contractuel entre la société requérante et les sociétés Financière du Val de Reuil et GIE Groupe Alliance, c'est à tort que l'administration s'est crue fondée à calculer le montant des recettes estimatives des prestations réalisées par la SARL Afigest au profit de ces deux sociétés sur la base du même taux de 2 % du chiffre d'affaires ;

6. Considérant qu'il résulte des points 4 et 5 que la base de l'imposition de la SARL Afigest doit être réduite des recettes réintégrées à tort dans l'exercice clos de l'année 2005, soit une somme de 673 520 euros ;

En ce qui concerne les charges déductibles :

7. Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) " ; que si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 de ce code que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ; qu'en vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis ; que la seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense ; que le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration ;

8. Considérant que la SARL Afigest avait déduit, d'une part, de ses résultats imposables à l'impôt sur les sociétés, le montant de factures émises par cinq sous-traitants, les entreprises Alliance Intérim, Alliance Ouest, Ancore + Recrutement, ACED et Alliance Altitude, et, d'autre part, le montant de la taxe sur la valeur ajoutée dont elle était redevable grevant les factures émises par ces sous-traitants ;

9. Considérant que, par la seule production des factures émises en 2004 par la société Alliance Intérim, pour un montant de 431 461,18 euros, et, en 2004 et 2005, par la société de droit belge Ancore + Recrutement, pour des montants respectifs de 28 700 euros et 54 882,64 euros, la société n'établit pas de la réalité des prestations en cause ;

10. Considérant, qu'en se bornant à soutenir sans autre explication, d'une part, que la somme de 60 000 euros facturée par la société Alliance Ouest à la société requérante constitue des frais de personnel mis à sa disposition à compter du mois de février 2004 alors que la SARL Afigest n'a débuté son activité qu'au mois d'octobre 2004, d'autre part, que les factures d'un montant total de 13 887 euros établies, en 2005, par la société ACED, correspondent à la prise en charge d'audits qualité réalisés au profit des sociétés du groupe Alliance et, enfin, qu'il lui revient de supporter les états de frais de déplacement des anciens dirigeants de la société Altitude Intérim, qui ne sont pas ses salariés, au titre de leurs activités menées au profit du groupe Alliance Intérim, la SARL Afigest ne justifie pas que l'ensemble de ces dépenses ont été engagées dans l'intérêt de son exploitation ;

11. Considérant que, dans ces conditions, l'administration était fondée à remettre en cause tant les charges de sous-traitance que la SARL Afigest a portées en déduction de ses résultats des exercices 2004 et 2005 que la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée qui y était mentionnée ;

Sur les amendes et les pénalités :

12. Considérant qu'aux termes de l'article 1737 du code général des impôts : " I. - Entraîne l'application d'une amende égale à 50 % du montant : 1. Des sommes versées ou reçues, le fait de travestir ou dissimuler l'identité ou l'adresse de ses fournisseurs ou de ses clients, les éléments d'identification mentionnés aux articles 289 et 289 B et aux textes pris pour l'application de ces articles ou de sciemment accepter l'utilisation d'une identité fictive ou d'un prête-nom ;(...) " ;

13. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL Afigest a accepté de payer une facture établie au nom de la société dénommée " GIE Alliance ", d'un montant de 516 027,57 euros, alors que le numéro de SIRET et l'adresse de cet établissement étaient inexistants ; que la société requérante ne pouvait, ainsi, ignorer le caractère de complaisance de cette facture ; que, dans ces conditions, l'administration était fondée à appliquer l'amende prévue par les dispositions précitées sur le montant de la facture litigieuse au titre de l'exercice 2005 ;

14. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie (...) " ;

15. Considérant qu'en faisant valoir que la SARL Afigest, en qualité de prestataire de services du groupe Alliance Intérim, notamment au titre de la gestion comptable du groupe, ne pouvait ignorer que les charges, correspondant à des factures de sous-traitance, qu'elle a fait figurer dans ses écritures comptables ne correspondaient pas à des prestations réalisées dans son intérêt, l'administration établit la mauvaise foi de la société requérante ;

16. Considérant que, si la société requérante soutient que l'amende et les pénalités mises à sa charge ne peuvent se cumuler ou que l'administration se devait d'appliquer la pénalité la plus élevée afin de respecter le principe de proportionnalité entre le quantum de la fraude et celui de la sanction financière, d'une part, ce cumul ne peut être utilement invoqué dès lors que les pénalités en cause ont été infligées en application des dispositions des articles 1729 et 1737-I-1 du code général des impôts et n'ont pas la même assiette et, d'autre part, la loi fiscale ayant prévu des pénalités distinctes et différentes pour chaque catégorie d'infraction, le principe de proportionnalité n'a pas été méconnu ;

17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Afigest est seulement fondée à demander, ainsi qu'il a été dit au point 6, une décharge partielle des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2005, et à soutenir, dans cette mesure, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté le surplus de sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

19. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la SARL Afigest tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le bénéfice imposable de la SARL Afigest au titre de l'exercice clos en 2005 est réduit de 673 520 euros.

Article 2 : La SARL Afigest est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2005 correspondant à cette réduction du bénéfice imposable.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 19 janvier 2012 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL Afigest est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Afigest et au ministre de l'économie et des finances.

Copie sera adressée au directeur chargé de la direction de contrôle fiscal Nord.

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N°12DA00440


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (ter)
Numéro d'arrêt : 12DA00440
Date de la décision : 21/01/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Amendes - pénalités - majorations.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.


Composition du Tribunal
Président : M. Lavail Dellaporta
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Guyau
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : SELARL GUY FARCY-OLIVIER HORRIE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2014-01-21;12da00440 ?
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